La corde au cou. Emile Gaboriau
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Название: La corde au cou

Автор: Emile Gaboriau

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ poursuivit le procureur de la République, tout cela n'enlève rien de l'évidence des faits qui vous accusent. Si vous vous obstinez à vous taire, c'est la cour d'assises, c'est le bagne. Si vousêtes innocent, pourquoi ne pas essayer de vous justifier… Qu'attendez-vous, qu'espérez-vous?

      – Rien…

      Méchinet venait d'achever la rédaction du procès-verbal.

      – Il faut partir, dit M. Galpin-Daveline.

      – Me sera-t-il permis, demanda M. de Boiscoran, d'écrire quelques lignes à mon père et à ma mère? Ils sont vieux: un telévénement peut les tuer…

      – Impossible! fit le juge. (Et, s'adressant au vieil Antoine): Je vais mettre les scellés sur cette pièce, dit-il, et vous en serez provisoirement le gardien… Vous savez à quelle surveillance cela vous oblige, et de quelles peines vous seriez puni si la justice ne retrouvait pas les pièces à conviction décrites au procès-verbal… Maintenant, comment regagner Sauveterre?

      Après mûre délibération, il fut arrêté que M. de Boiscoran ferait la route dans une voiture à lui, où monterait un gendarme. M. Daubigeon, le juge et le greffier devaient reprendre la voiture du maire, toujours conduite par Ribot, lequelétait furieux d'avoirété gardé à vue.

      – Descendons, dit le juge, quand les dernières formalités furent remplies.

      Jacques de Boiscoran descendait lentement. Il savait sa cour pleine de paysans furieux et s'attendait à des huées. Il se trompait. Le gendarme dépêché par M. Daubigeon avait si bien rempli sa mission que pas un cri ne retentit. Mais lorsqu'il eut pris place dans sa voiture et que le cheval partit au trot, des malédictions frénétiques s'élevèrent, et une volée de pierres fut lancée, dont une blessa le gendarme au front.

      – Décidément, vous portez malheur, mon accusé, dit cet homme, quiétait un ami de celui qui avaitété si cruellement blessé au Valpinson.

      M. de Boiscoran ne répondit pas. Il s'enfonça dans son coin et il parut tomber dans une sorte d'anéantissement dont il ne sortit qu'au moment où la voiture s'arrêta dans la cour de la prison de Sauveterre.

      Sur le seuil de la geôle, le geôlier, maître Blangin, attendait, souriant à l'idée de posséder un prisonnier de cette importance.

      – Je vais vous conduire à ma plus belle chambre, monsieur, dit-il au malheureux, mais il faut auparavant que je donne un reçu au gendarme et que je vousécroue.

      Et en effet, atteignant son registre crasseux, ilécrivit le nom de Jacques de Boiscoran au-dessous du nom de Frumence Cheminot, un vagabond arrêté la veille, au moment où il escaladait une clôture.

      C'enétait fait: Jacques de Boiscoranétait prisonnier, au secret…

      DEUXIÈME PARTIE L'affaire de Boiscoran

      1. L'hôtel de Boiscoran, rue de l'Université, 216, est d'apparence modeste…

      L'hôtel de Boiscoran, rue de l'Université, 216, est d'apparence modeste. Étroite est la cour qui le précède, et il serait hardi de donner le nom de jardin aux quelques mètres de terre humide qui s'étendent derrière.

      Il ne faut pas se fier à ces dehors. Le logis lui-même est un chef-d'œuvre de confortable, où des mains patientes et soigneuses ont réuni toutes les aises de la vie et ce luxe solide dont le goût et le secret se perdent.

      Le pavé du vestibule, une mosaïqueétonnante, aété rapporté de Venise en 1798, par un Boiscoran qui avait mal tourné et qui s'était attaché à la fortune de Bonaparte. La rampe de l'escalier est un chef-d'œuvre de serrurerie, et les boiseries de la salle à manger sont sans rivales à Paris, depuis qu'ontété dispersées au vent des enchères les boiseries fameuses du château de Bercy.

      Le salon où la marquise aime à s'entourer d'hommes politiques est à la hauteur de ces magnificences. Pas un meuble n'y aété admis qui n'ait sa valeur artistique. On ferait un bon marché en payant au poids de l'or la garniture de la cheminée. Le lustre est une merveille. Et chacune des huit toiles suspendues aux lambris est uneœuvre hors ligne de quelque maître illustre.

      Tout cela n'est rien, pourtant, comparé au cabinet de curiosités du marquis de Boiscoran. Situé au second étage de l'hôtel, dont il occupe toute la profondeur et la moitié de la largeur, ce cabinet, disposé en façon d'atelier, prend jour par le haut et ferait les délices d'un artiste. Dans de vastes armoires vitrées, placées tout autour, s'étalent les collections du marquis, trésors de toutes lesépoques, ses ivoires, sesémaux, ses bronzes, ses manuscrits uniques, ses porcelaines incomparables, et surtout ses faïences, ses chères faïences, la joie et le tourment de sa vieillesse.

      L'hommeétait digne du cadre. À soixante et un ans qu'il avait alors, le marquisétait droit comme un i et de la maigreur la plus aristocratique. Il avait un grand diable de nez qu'il ne cessait de bourrer de tabac, la bouche large, mais encore bien meublée, et de petits yeux brillants où se lisait toute la malice d'un amateur obligé de lutter sans cesse de ruses avec les marchands de curiosités et les brocanteurs de l'hôtel des ventes.

      C'est vers 1845 qu'il avait atteint l'apogée de sa carrière, signalée par un grand discours sur le droit de réunion; aussi semblait-il que sa montre se fût arrêtée cette année-là. Toutes ses idées trahissaient l'homme de la dynastie de Juillet, de même que son extérieur, son costume, sa haute cravate, ses favoris et le toupet qui bouclait son front décelaient l'admirateur et l'ami du roi-citoyen. Il ne s'occupait pas de politique pour cela, et même, à vrai dire, il ne s'occupait de rien.

      À la seule condition de respecter l'inoffensive passion de son mari, Mme de Boiscoran régnait despotiquement au logis, administrant la fortune, régentant son fils unique, Jacques, décidant sans appel de toutes choses.

      Inutile de rien demander au marquis, sa réponseétait invariable:

      – Adressez-vous à ma femme.

      Cet excellent homme avait acheté la veille, un peu au hasard, un lot assez considérable de faïences, représentant des scènes de la Révolution, et sur les trois heures, installé dans son cabinet, une loupe à la main, il s'occupait d'établir l'origine et la valeur de ses plats et de ses assiettes, lorsque la porte s'ouvrit brusquement.

      La marquise entra, tenant à la main un papier bleu.

      Plus jeune de six ou huit ans que son mari, Mme de Boiscoranétait bien la compagne qu'il fallait à cet esprit paresseux et ami du repos. À sa démarche, à son geste, à sa voix, on reconnaissait tout de suite la femme qui tient le gouvernail, qui commande et qui veutêtre obéie à la baguette.

      D'une beauté jadis célèbre, elle gardait encore d'assez remarquables restes pour faire excuser bien des prétentions. Elle n'en avait aucune, affirmait-elle, disant que, puisqu'il est impossible, d'éviter les ravages des années, c'est faire preuve d'esprit que de les accepter de bonne grâce. Cependant, la coquetterie ne perd jamais ses droits. Si Mme de Boiscoran ne se rajeunissait pas, elle se vieillissait à plaisir. Les quelques années que les femmes, d'ordinaire, s'efforcent de dissimuler de leurâge, elle les ajoutait obstinément au sien. Il y avait de l'affectation dans la façon dont elle faisait bouffer les masses de ses cheveux gris autour de ses tempes encore fraîches comme celles d'une jeune fille. Pour bien peu, elle y eût mis de la poudre.

      Elleétait si défaite et si terriblement agitée quand elle entra dans le cabinet de son mari, qu'il en futému, lui qui, depuis longues années, s'était fait une loi de ne s'émouvoir de rien.

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