Les derniers iroquois. Emile Chevalier
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Название: Les derniers iroquois

Автор: Emile Chevalier

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ femme lui parlait, accroupie à son côté.

      Son costume était celui des habitants[25] canadiens: tuque bleue, capot et pantalons en laine grise fabriquée dans le pays, souliers en cuir de caribou non tanné, et ceinture fléchée multicolore.

      Ni-a-pa-ah avait conservé le costume national, la couverte en drap bleu foncé, bordé d’une frange étroite jaune clair, les mitas aux longs effilés, les mocassins élégamment brodés.

      Sa couverte ramenée en capuchon sur sa tête, de façon à cacher la moitié du front, enveloppait étroitement son buste, retenue à la taille par ses mains mutilées, et flottait en larges plis autour d’elle.

      Ainsi embéguinée comme une religieuse, et drapée comme une Mauresque, on ne voyait de toute sa personne qu’une partie du visage, et, de temps en temps, le bout de son petit pied, quand elle faisait un mouvement.

      Une chaîne en or, dont elle se montrait très vaine, descendait de son col sur son sein et soutenait une grosse montre d’argent, cadeau du son fils, le Petit-Aigle.

      Deux chiens de la plus grande espèce, noirs comme l’encre, dormaient allongés près d’elle, le museau enfoui dans leurs pattes de devant et fourré jusque sous le poêle.

      L’un répondait au nom de Ka-ga-osk, l’Éclair.

      L’autre répondait au nom de Ke-ou-a-no-quote, la Nuée-Orageuse.

      – Voilà, dit Ni-a-pa-ah, en jetant un coup d’œil vers l’unique fenêtre de la salle, voilà que le soleil baisse et Co-lo-mo-o ne rentre pas. Il y a déjà longtemps qu’il est parti. Je crains qu’il ne lui soit arrivé un accident. Quand il a quitté le wigwam, j’ai vu deux corbeaux qui se battaient dans l’air. C’est un mauvais présage. Si ma mère n’était retournée chez les esprits, elle ne l’aurait pas laissé sortir.

      – L’épouse de Nar-go-tou-ké a tort de prendre de l’inquiétude, répondit le sagamo. Co-lo-mo-o n’est pas en retard.

      – Dans deux heures il sera nuit.

      – Les jours sont courts en cette saison; Ni-a-pa-ah le sait bien.

      – Ordinairement, reprit la squaw, en s’agitant, Co-lo-mo-o est de retour avant le coucher du soleil.

      – Oui, mais c’est pendant l’été, lorsque le fleuve est libre.

      – Si le fleuve était libre, je n’aurais pas ces craintes. Co-lo-mo-o est habile, il connaît la manœuvre, il n’y a pas dans le village un pilote plus adroit que lui. Mais quand le fleuve charrie des glaçons…

      – Que Ni-a-pa-ah se rassure, interrompit Nar-go-tou-ké, en suspendant son travail. Le fils de ma femme n’est point un novice. Le premier, l’année dernière, il a sauté les rapides avec le Montréalais. J’étais à la roue, près de lui. Je suis certain qu’aucun de nos jeunes gens ne gouverne aussi bien.

      – Co-lo-mo-o sera un grand chef! répliqua la squaw en relevant la tête avec une expression d’orgueil intraduisible.

      – Oui, il aura la gloire de m’aider à chasser les Kingsors des territoires qu’ils ont volés à notre race.

      – Nar-go-tou-ké veut-il donc l’emmener avec lui? dit Ni-a-pa-ah d’un ton anxieux.

      – Nar-go-tou-ké l’emmènera avec lui, répliqua simplement le sagamo en reprenant son opération.

      Il y eut un moment de silence. Ni-a-pa-ah aurait voulu combattre la résolution de son mari, mais elle n’osait le faire ouvertement, car, comme les femmes indiennes, elle avait été élevée à obéir, sans murmurer, à toutes les volontés du maître qu’elle s’était donné.

      Cependant, après quelques réflexions intérieures, elle hasarda ces mots:

      – Nar-go-tou-ké se souvient que la Vipère-Grise était inspirée par Athahuata?

      Le chef ne répondit pas, et l’Onde-Pure poursuivit:

      – La Vipère-Grise avait tenu l’oreille ouverte au discours d’Athahuata, et il lui avait prédit qu’il arriverait malheur à sa fille dans les pays où le soleil se couche.

      À cette allusion, Nar-go-tou-ké frémit; un éclair de ressentiment traversa son visage. Mais Ni-a-pa-ah tenait ses yeux baissés; elle ne remarqua point la colère qu’elle venait d’allumer, et imprudemment elle continua:

      – La Vipère-Grise avait dit juste. L’esprit l’avait sagement éclairée. La femme de Nar-go-tou-ké a été cruellement punie de sa désobéissance aux recommandations de la Vipère-Grise.

      En achevant, la pauvre Ni-a-pa-ah, sortit ses poignets informes de dessous sa couverte et les étendit sous les regards du sagamo.

      Aussitôt celui-ci, laissant tomber le moule qu’il avait à la main, se leva, les sourcils froncés, et, frappant du pied avec une violence qui justifiait bien son nom, la Poudre, il s’écria:

      – Que le courroux de mes pères s’appesantisse sur moi! que la foudre du ciel tombe sur ma tête et me réduise en poussière! que la terre s’entrouvre et engloutisse ce qui restera de Nar-go-tou-ké s’il ne venge pas les tortures infligées à Ni-a-pa-ah! Mais que son fils, que Co-lo-mo-o soit changé en femme, qu’on le condamne à porter toute sa vie un peigne et des ciseaux[26], s’il ne vient pas avec son père châtier les Habits-Rouges des outrages dont un de leurs chefs a abreuvé sa mère!

      – Mon seigneur fera à son plaisir, dit tristement l’Onde-Pure, en courbant la tête.

      – Nar-go-tou-ké et Co-lo-mo-o agiront comme il convient à des Iroquois insultés dans ce qu’ils ont de plus cher, répliqua le sachem d’un ton ferme, mais qui déjà avait perdu toute son exaspération.

      Il se rassit, ramassa les balles qu’il venait de fabriquer et les serra dans les poches de son capot.

      – Cependant, fit Ni-a-pa-ah en glissant un regard timide vers son mari, la Vipère-Grise voyait dans l’avenir.

      – Oui, dit la Poudre d’un air distrait.

      – Et, ajouta sa femme, enhardie par cette concession, elle a déclaré que si Co-lo-mo-o déterrait la hache de guerre contre les Habits-Rouges…

      Elle s’arrêta, interdite par le coup d’œil terrible que lui lança son mari.

      – Il périrait! acheva celui-ci avec un accent sarcastique; eh bien, qu’il périsse! Mais qu’il rende à ses ennemis tout le mal qu’ils ont fait à son père et à sa mère! Ma femme croit-elle donc que je n’ai pas souffert, moi non plus! croit-elle que le cœur du chef n’a pas saigné de toutes ses blessures! croit-elle…

      À ce moment, on siffla devant la maisonnette.

      Les deux chiens se dressèrent sur leurs pattes, mais sans aboyer, et étirèrent paresseusement leurs membres.

      – C’est Jean-Baptiste, dit Nar-go-tou-ké, en se tournant vers la porte.

      Un individu entra en sautillant: un nain. Il n’avait pas plus de quatre pieds et demi de haut. Sa tête était énorme, son corps rabougri, fluet, ses jambes grosses et presque aussi longues que celles d’un homme de taille moyenne. Avec cela, elles étaient bancroches, tournées en dehors, de СКАЧАТЬ