Monsieur Lecoq. Emile Gaboriau
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Название: Monsieur Lecoq

Автор: Emile Gaboriau

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ avec elles ; et parfois les effaçaient.

      Puis, en beaucoup d’endroits, selon l’exposition ou la nature du sol, le dégel avait fait son œuvre, et il se rencontrait de grands espaces absolument débarrassés de neige.

      La piste se trouvait alors interrompue, et ce n’était pas trop, pour la ressaisir, de toute la sagacité de Lecoq et de toute la bonne volonté de son vieux compagnon.

      En ces occasions, le père Absinthe plantait sa canne en terre, près de la dernière empreinte relevée, et Lecoq et lui quêtaient et battaient le terrain autour de ce point de repaire, à la façon des limiers en défaut.

      C’est alors que la lanterne évoluait si étrangement.

      Dix fois, malgré tout, ils eussent perdu la voie ou pris le change, sans les élégantes bottines de la femme au petit pied.

      Elles avaient, ces bottines, des talons si hauts, si étroits, si singulièrement échancrés, qu’ils rendaient une méprise impossible. Ils s’enfonçaient à chaque pas de trois ou quatre centimètres dans la neige ou dans la boue, et leur empreinte révélatrice restait nette comme celle du cachet sur la cire.

      C’est grâce à ces talons que les agents reconnurent que les deux fugitives n’avaient pas remonté la rue du Patay, comme on devait s’y attendre. Sans doute elles l’avaient jugée peu sûre et trop éclairée.

      Elles l’avaient traversée simplement, un peu au-dessous de la ruelle de la Croix-Rouge, et avaient profité d’un vide entre deux maisons pour se rejeter dans les terrains vagues.

      – Décidément, murmura Lecoq, les coquines connaissent le pays.

      En effet, elles en savaient si bien la topographie, qu’en quittant la rue du Patay, elles avaient brusquement tourné à droite, pour éviter de vastes tranchées ouvertes par des chercheurs de terre à brique.

      Mais leur piste était redevenue on ne peut plus visible, et elle resta telle jusqu’à la rue du Chevaleret.

      Là, par exemple, les indices cessèrent brusquement.

      Lecoq releva bien huit ou dix empreintes de la fugitive aux souliers plats, mais ce fut tout.

      Le terrain, il est vrai, ne se prêtait guère à une exploration de cette nature. La circulation avait été assez active dans la rue du Chevaleret, et s’il restait encore un peu de neige sur les trottoirs, le milieu de la chaussée était transformé en une rivière de boue.

      – Les gaillardes ont-elles enfin songé que la neige pouvait les trahir, grommela le jeune policier, ont-elles pris la chaussée ?

      À coup sûr, elles n’avaient pu traverser comme l’instant d’avant ; car de l’autre côté de la rue s’étendait le mur d’une fabrique.

      – Ni, ni, prononça le père Absinthe, nous en sommes pour nos frais.

      Mais Lecoq n’était pas d’une trempe à jeter le manche après la cognée pour un échec.

      Animé de la rage froide de l’homme qui voit lui échapper l’objet qu’il croyait saisir, il recommença ses recherches, et bien lui en prit.

      – J’y suis !… cria-t-il tout à coup, je devine, je vois !…

      Le père Absinthe s’approcha. Il ne voyait ni ne devinait, lui, mais il n’en était plus à douter de son compagnon.

      – Regardez là, lui dit Lecoq ; qu’apercevez-vous ?…

      – Les traces laissées par les roues d’une voiture qui a tourné court.

      – Eh bien !… papa, ces traces expliquent tout. Arrivées à cette rue, nos fugitives ont aperçu dans le lointain les lanternes d’un fiacre qui s’avançait, revenant de Paris. S’il était vide, c’était le salut. Elles l’ont attendu, et, quand il a été à portée, elles ont appelé le cocher… Sans doute, elles lui ont promis un bon pourboire ; ce qui est clair, c’est qu’il a consenti à rebrousser chemin. Il a tourné court, elles sont montées en voiture… et voilà pourquoi les empreintes finissent ici.

      Cette explication ne dérida pas le bonhomme.

      – Sommes-nous plus avancés, maintenant que nous savons cela ? dit-il.

      Lecoq ne put s’empêcher de hausser les épaules.

      – Espériez-vous donc, fit-il, que la piste des coquines nous conduirait à travers tout Paris jusqu’à la porte de leur maison ?…

      – Non, mais…

      – Alors, que voulez-vous de mieux ? Pensez-vous que je ne saurai pas, demain, retrouver ce cocher ? Il rentrait à vide, cet homme, sa journée finie, donc sa remise est dans le quartier. Croyez-vous qu’il ne se souviendra pas d’avoir pris deux personnes rue du Chevaleret ? Il nous dira où il les a déposées, ce qui ne signifie rien, car elles ne lui auront certes pas donné leur adresse, mais il nous dira aussi leur signalement, comment elles étaient mises, leur air, leur âge, leurs façons. Et avec cela, et ce que nous savons déjà…

      Un geste éloquent compléta sa pensée, puis il ajouta :

      – Il s’agit, à présent, de regagner la Poivrière, et vite… Et vous, l’ancien, vous pouvez éteindre votre lanterne.

      Chapitre 6

      Tout en jouant ferme des jambes pour se maintenir à la hauteur de son compagnon qui courait presque, tant il avait hâte d’être de retour à la Poivrière, le père Absinthe songeait, et une lumière toute nouvelle se faisait dans son cerveau.

      Depuis vingt-cinq ans qu’il était à la Préfecture, le bonhomme avait vu, selon son expression, bien des collègues lui passer sur le corps, et conquérir après une année d’emploi une situation qu’on refusait à ses longs services.

      En ce cas-là, il ne manquait jamais d’accuser ses supérieurs d’injustice, et ses rivaux heureux de basse flatterie.

      Pour lui l’ancienneté était le seul titre à l’avancement, l’unique, le plus beau, le plus respectable.

      Quand il avait dit : « Faire des passe-droits à un ancien, à un vieux de la vieille, est une infamie, » il avait résumé son opinion, ses griefs et toutes ses amertumes.

      Eh bien !… cette nuit-là, le père Absinthe découvrit qu’à côté de l’ancienneté il y avait quelque chose, et que « le choix » a sa raison d’être. Il s’avoua que ce conscrit qu’il avait traité si légèrement, venait d’entamer une information comme jamais lui, vétéran chevronné, n’eût su le faire.

      Mais s’entretenir avec soi n’était pas le fort du bonhomme, il ne tarda pas à s’ennuyer de lui-même, et comme on arrivait à un passage assez difficile pour qu’il fût nécessaire de ralentir le train, il jugea le moment favorable à un bout de conversation.

      – Vous ne dites rien, camarade, commença-t-il, et on jurerait que vous n’êtes pas content.

      Ce vous, surprenant résultat des réflexions du vieil agent, aurait frappé Lecoq, si son esprit n’eût été à mille lieues de son compagnon.

      – Je ne suis pas content, en СКАЧАТЬ