Monsieur Lecoq. Emile Gaboriau
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Название: Monsieur Lecoq

Автор: Emile Gaboriau

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ quarts pleine. Il eut une seconde d’hésitation, mais ma foi !… il s’en versa un grand plein verre, qu’il lampa d’un trait.

      – En voulez-vous ? demanda-t-il après à son compagnon. Pour fameuse, non, elle ne l’est pas … Mais c’est égal, ça dégourdit et ça dissipe.

      Lecoq refusa, il n’avait pas besoin d’être dissipé. Toutes les facultés de son intelligence étaient en jeu. Il s’agissait qu’à la seule lecture du rapport, le juge d’instruction dit : « Qu’on m’aille quérir le gaillard qui a rédigé cela. » Tout son avenir de policier était dans cet ordre.

      Et il s’attachait à être net, bref et précis, à bien indiquer comment ses soupçons au sujet du meurtrier étaient venus, avaient grandi, s’étaient confirmés. Il expliquait par quelle série de déductions il arrivait à établir une vérité qui, si elle n’était pas la vraie, était au moins une vérité assez probable pour servir de base à une instruction.

      Puis, il détaillait les pièces de conviction placées en ce moment devant lui.

      C’étaient les flocons de laine marron recueillis sur le madrier, la précieuse boucle d’oreille, les clichés des différentes empreintes du jardin, le tablier aux poches retournées de la veuve Chupin.

      C’était le revolver du meurtrier, dont trois coups sur cinq étaient encore chargés.

      L’arme, bien que sans ornements, était remarquablement belle et soignée, et sur la crosse elle portait le nom d’un des premiers armuriers de Londres : Stephen, 14, Skinner-street.

      Lecoq sentait bien qu’en fouillant les victimes il rassemblerait d’autres indices, très précieux peut-être, mais cela il n’osa pas le faire. Il était encore trop petit garçon pour hasarder une telle démarche. D’ailleurs, il comprenait que s’il se risquait, Gévrol, furieux de s’être fourvoyé, ne manquerait pas de crier qu’en dérangeant l’attitude des corps il avait rendu les constatations des médecins impossibles.

      Il se consola cependant, et il relisait son rapport, modifiant de ci et de là quelques expressions, lorsque le père Absinthe, qui était allé fumer une pipe sur le seuil de la porte, l’appela.

      – Quoi de nouveau ?… répondit Lecoq.

      – Voici Gévrol et deux de nos collègues qui ramènent avec eux le commissaire et deux messieurs bien mis.

      C’était, en effet, le commissaire de police qui arrivait, tout soucieux de ce triple meurtre qui ensanglantait son arrondissement, mais médiocrement inquiet.

      Pourquoi se serait-il ému ?

      Gévrol, dont l’opinion en pareille matière faisait autorité, avait pris soin de le rassurer lorsqu’il était allé l’éveiller.

      – Il ne s’agit, lui avait-il dit, que d’une batterie entre des pratiques à nous, des habitués de la Poivrière. Si tous ces mauvais gars-là pouvaient s’entre-détruire, nous serions plus tranquilles.

      Il ajoutait que le meurtrier était arrêté, coffré, que par conséquent cette affaire ne présentait aucun caractère d’urgence.

      De plus, le crime n’avait pas, ne pouvait avoir le vol pour mobile. C’était énorme. La police en est venue à s’inquiéter des atteintes à la propriété plus, peut-être, que des attentats contre les personnes. Et c’est logique, à une époque où les ruses de la convoitise se substituent à l’énergie de la passion, où les scélérats audacieux deviennent rares tandis que les lâches filous pullulent.

      Le commissaire ne vit donc pas d’inconvénient à attendre le jour pour procéder à une enquête sommaire.

      Il avait vu le meurtrier, avisé le parquet, et maintenant il venait, sans trop de hâte, accompagné de deux médecins délégués par le procureur impérial pour les constatations médico-légales.

      Il amenait aussi un sergent-major de voltigeurs du 53e de ligne, requis par lui, pour reconnaître, s’il y avait lieu, celui des morts qui portait l’uniforme, et qui, à en croire le chiffre des boutons de sa capote, appartenait au 53e régiment alors caserné dans les forts.

      Moins encore que le commissaire, l’inspecteur de la sûreté s’inquiétait.

      Il allait sifflotant, décrivant des moulinets avec sa canne qui ne le quitte jamais, se faisant fête de la déconfiture de ce drôle présomptueux qui avait voulu rester pour glaner là où il n’avait pas aperçu de moisson.

      Aussi, dès qu’il fut à portée de voix, interpella-t-il le père Absinthe, lequel, après avoir prévenu Lecoq, était resté sur le seuil de la porte, adossé aux montants, tirant et renvoyant régulièrement des bouffées de sa pipe, immobile comme un sphinx fumeur.

      – Eh bien !… vieux, cria Gévrol, avez-vous à nous raconter un bon gros mélodrame, bien noir et bien mystérieux ?

      – Je n’ai rien à raconter, moi, répondit le bonhomme, sans retirer la pipe soudée à ses lèvres, je suis trop bête, c’est connu… Mais monsieur Lecoq pourrait bien vous apprendre quelque chose sur quoi vous n’avez pas compté.

      Ce titre : Monsieur, dont le vieil agent de la sûreté gratifiait son camarade, déplut si fort à Gévrol qu’il ne voulut pas comprendre.

      – Qui ça… fit-il, de qui parles-tu ?

      – De mon collègue, parbleu !… qui est en train de finir son rapport, de monsieur Lecoq, enfin.

      Sans malice, assurément, le bonhomme venait d’être le parrain du jeune policier. De ce jour, pour ses ennemis aussi bien que pour ses amis, il devint et resta Monsieur Lecoq. Monsieur, en toutes lettres.

      – Ah ! ah !… fit l’inspecteur, qui visiblement avait la puce à l’oreille. Ah !… il a découvert….

      – Le pot aux roses que les autres n’avaient pas flairé … oui, Général, c’est cela même.

      Par cette seule phrase, le père Absinthe se faisait un ennemi de son chef. Mais Lecoq l’avait séduit. Il était du parti de Lecoq, lui, envers et contre tous, il était résolu à s’attacher à lui, à partager sa fortune mauvaise ou bonne.

      – On verra bien ! murmura l’inspecteur, qui à part soi se promettait de surveiller ce garçon, qu’un succès pouvait poser en rival.

      Il n’ajouta rien de plus. Le groupe qu’il précédait arrivait, et il s’effaça pour livrer passage au commissaire de police.

      Ce n’était pas un débutant, ce commissaire. Il avait été officier de paix au quartier du Faubourg du Temple aux beaux jours de l’Épi-Scié et des Quatre-Billards, et cependant il ne put maîtriser un mouvement d’horreur en pénétrant dans la salle de la Poivrière.

      Le sergent-major du 53e, qui le suivait, un vieux brave médaillé et chevronné, fut plus impressionné encore. Il devint aussi pâle que les cadavres qui étaient là, à terre, et fut obligé de s’appuyer à la muraille.

      Seuls les deux médecins furent stoïques.

      Lecoq s’était levé, son rapport à la main ; il avait salué, et, prenant une attitude respectueuse, il attendait qu’on l’interrogeât.

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