Le gibet. Emile Chevalier
Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу Le gibet - Emile Chevalier страница 4

Название: Le gibet

Автор: Emile Chevalier

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

Серия:

isbn:

isbn:

СКАЧАТЬ prit le siège qui lui était indiqué, et son interlocuteur poursuivit:

      – Je vous réitérerai d’abord ce que je vous ai dit plus d’une fois: je ne donnerai jamais ma fille à un de ces misérables abolitionnistes du Nord, pour plusieurs raisons, maître Edwin. Je n’aime ni les républicains, ni les démocrates; petit-fils d’un lord d’Angleterre, d’un membre de la Chambre haute, je mentirais à mon sang, à mes traditions de famille, si je mésalliais mes enfants. Quoique vous ne soyez pas d’aussi bonne maison que nous, j’ai jadis jeté les yeux sur vous, parce que vous comptez des gentilshommes parmi vos aïeux; puis enfin parce que, sans vous, ma fille…

      – Passons, monsieur, passons, je vous prie, dit modestement Edwin.

      – Bien, mon ami. Cependant, malgré ce service inappréciable que vous nous avez rendu, je vous déclare que si vous ne changez pas complètement vos opinions, Rebecca ne sera point à vous.

      Coppie tressaillit, et, pour se donner une contenance, se mit à examiner les dessins du tapis étendu sur leurs pieds.

      – Oui, continua M. Sherrington, je l’aimerais mieux morte que mariée à un abolitionniste. Ce sont les abolitionnistes qui ont provoqué la séparation de ce pays d’avec la mère-patrie. Ce sont eux qui l’infectent de théories fausses, perverses, funestes au sens moral, subversives de l’ordre public; eux qui le pousseront à sa perte, malgré les apparences d’une prospérité trompeuse, si on n’arrête à temps leurs exécrables progrès. Qu’avez-vous à dire d’ailleurs contre l’esclavage? N’a-t-il pas toujours existé chez tous les peuples du monde? Dieu ne l’a-t-il pas consacré? La Bible ne vous l’apprend-elle pas? La religion catholique l’approuve comme la religion protestante. Les Espagnols, et après eux les Portugais, firent des esclaves dans l’Amérique méridionale. Si notre glorieuse Elisabeth d’Angleterre arma le premier navire chargé de faire la traite des noirs, le pape qui trônait alors à Rome bénit l’expédition, et il n’y eut pas, depuis jusqu’à ce fauteur de troubles, ce George Washington…

      – Ah! monsieur, respectez au moins la mémoire du plus vertueux, du plus sage des hommes, s’écria Coppie, incapable de se contenir davantage.

      – Eh bien, master Edwin, ce sage, ce vertueux George Washington, comme vous le qualifiez, était propriétaire d’esclaves. Non seulement ce grand émancipateur se garda bien d’en affranchir un seul, mais il sanctionna l’esclavage des nègres par un article de sa trop fameuse constitution.

      – Mais, monsieur, vous vous trompez!

      – Que je me trompe ou non, répliqua hautainement M. Sherrington, votre Washington conserva tous ses esclaves après la proclamation de la constitution. À ses yeux, le nègre était un être inférieur, peu au-dessus de l’animal. Il pensait qu’on le pouvait donner, troquer ou vendre, et, pardieu, il avait raison! Qui est-ce donc qui me contredira?

      Coppie avait grande envie de répondre; mais l’intérêt de son amour lui commanda le silence. Il se tut, et Sherrington reprit après une pause:

      – Revenons à vous, master Edwin. Je veux bien admettre que la jalousie de ma fille à l’égard de cette négresse est puérile; je veux bien aussi ne voir dans votre échauffourée qu’une folie de jeune homme; je me plais à croire que l’expérience, aidée de mes raisonnements, finirait par refroidir votre cerveau brûlé; je ne vous donne même pas deux ans de séjour dans un État à esclaves pour être tout à fait de mon avis, car vous remarquerez que les nègres sont cent fois plus heureux que les domestiques blancs, et que les premiers, confortablement nourris, chaudement vêtus et abrités maintenant, mourraient de faim ou de froid si on leur rendait la liberté. Faits pour servir, ils sont incapables de se gouverner eux-mêmes. Ce sont des brutes sur le sort desquels l’Europe s’apitoie sottement et sans connaissance de cause.

      – Cependant, hasarda timidement Edwin, l’ouvrage de madame Beecher Stowe, traduit dans toutes les langues…

      – La Case du père Tom! riposta véhémentement M. Sherrington; une exagération greffée sur un mensonge!

      – Néanmoins, objecta encore Coppie…

      – Brisons là ou je me fâche! tonna son interlocuteur.

      Un moment après, il dit d’un air plus calme:

      – Vous renoncez à vos idées absurdes, n’est-ce pas, master Edwin? J’en exige le serment sur les Saints Évangiles. Puis, à cette condition, vous pourrez espérer la main de Rebecca. Mais avant, mon jeune ami, occupons-nous de votre situation. Vous n’êtes pas riche, bien qu’intelligent, actif et vigoureux. On ne se met pas en ménage sans avoir une somme suffisante pour satisfaire aux besoins de celle qu’on épouse. Jusqu’à présent, vous vous êtes fort peu occupé de votre avenir. Il est temps d’y songer. Que comptez-vous faire?

      – Monsieur, répondit Coppie, je me propose d’aller au Kansas.

      – Bien, et dans quel but?

      – Le pays est neuf; je pense qu’en m’avançant vers le territoire indien, et jusqu’au Mexique, je gagnerai de l’argent dans la traite de pelleteries.

      – Hum! commerce bien usé, fit M. Sherrington en hochant la tête.

      – J’ai, continua Edwin, un millier de dollars en espèces. Avec cette somme, j’achèterai de la bimbeloterie…

      – Et combien présumez-vous que rapportera ce commerce?

      – Il y a des chances à courir, dit le jeune homme; mais si la fortune m’est favorable, j’espère porter mon capital à dix ou douze mille piastres dans deux ou trois ans.

      – Dans trois ans donc, dit M. Sherrington. Mais vous répudierez vos rêves abolitionnistes?

      Coppie éluda la réponse par une nouvelle question:

      – Me sera-t-il permis de voir miss Rebecca avant mon départ?

      – Non, dit son interlocuteur, elle est indisposée contre vous. Je lui offrirai vos excuses. Partez, jeune homme; vous avez ma parole, je compte sur la vôtre; dans trois ans vous nous revenez avec dix mille dollars, un esprit plus rassis, la ferme résolution de soutenir le grand parti du Sud, et vous épousez ma fille.

      Là-dessus le père de Rebecca se leva et tendit la main à Coppie.

      Cette façon sommaire de le renvoyer était trop dans les usages américains pour que celui-ci songeât à s’en offenser. Saisissant donc cordialement la main de M. Sherrington, il la serra avec effusion, et sortit de la maison.

      On était à la fin de mars. Il faisait un temps doux et humide. Des toits des maisons, chargés de neige, l’eau dégouttait avec un bruit monotone et, par intervalle, un son sourd et prolongé se faisait entendre: c’était une avalanche arrachée, par le dégel, au faîte de quelque édifice qui venait s’abattre dans la rue en s’éparpillant en un tourbillon de poussière nacrée.

      La moiteur de l’atmosphère avait revêtu les murailles et les arbres d’une couche de givre aussi blanche que l’albâtre. On eût dit que la cité tout entière était construite en stuc.

      Cependant, depuis quelques jours, le Mississipi avait rompu sa prison de glace, et il roulait avec fracas ses eaux jaunâtres chargées de banquises.

      La navigation était rouverte de Dubuque à l’embouchure du fleuve.

      Edwin Coppie acheta СКАЧАТЬ