Le gibet. Emile Chevalier
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Название: Le gibet

Автор: Emile Chevalier

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ et les États-Unis, s’opposant à l’extradition des esclaves qui sont parvenus à passer dans les possessions britanniques de l’Amérique septentrionale.

      Comme l’affaire avait eu lieu loin de Dubuque, notre bon jeune homme ne soupçonnait pas qu’elle y fût déjà divulguée, et il se flattait, en prévenant cette révélation, d’atténuer l’effet qu’elle produirait dans l’esprit de miss Sherrington et de ses parents.

      Malheureusement pour lui, les journaux publics l’avaient devancé.

      Il ne lui restait donc plus qu’à confesser bravement son crime et à en demander pardon. Aussi se disposait-il à le faire avec la candeur qui lui était habituelle, quand M. Sherrington entra dans le parloir.

      II. La vengeance des esclavagistes

      M. Henry Sherrington était un homme d’une stature élevée, mince, quoique sanguin. Dans sa fille, il retrouvait son image exacte, morale aussi bien que physique: même hauteur, même dureté, même emportement.

      – Bonjour, master Edwin, dit-il en s’avançant vers Coppie.

      Le jeune homme lui tendit la main. Mais le père de Rebecca feignit de ne pas remarquer son mouvement.

      – Nous avons donc fait encore une équipée, continua-t-il en se laissant tomber dans un rocking chair.

      La jeune fille cessa de tourmenter son piano et se mit à feuilleter des cahiers de musique.

      – Je confesse, dit humblement Edwin, que je me suis laissé entraîner…

      – Par votre goût pour les princesses d’ébène! s’écria sèchement Rebecca.

      – Oh! miss Sherrington! miss Sherrington! supplia Coppie.

      – Vous nous avez cependant donné votre parole, master Edwin, reprit sévèrement le nouveau venu.

      – C’est vrai, monsieur; mais…

      – Mais monsieur s’est entiché d’une peau noire, insinua Rebecca avec plus de dépit peut-être qu’elle n’en aurait voulu montrer.

      – Pouvez-vous supposer, miss?…

      – Je ne suppose rien. Les faits sont là.

      Et de son index, la jeune fille désigna le journal.

      – Mais cette gazette n’affirme point; au contraire. D’ailleurs…

      – Oh! je sais bien que vous n’êtes pas embarrassé pour trouver une excuse, dit Rebecca. Enfin, vous êtes libre, M. Coppie, je ne vous blâme point de mettre vos dispositions chevaleresques au service des négresses. Mais alors, monsieur, vous devriez avoir la discrétion de ne vous pas présenter dans les maisons honorables et honnêtes.

      Ces mots furent prononcés avec une amertume qui déconcerta tout à fait le jeune homme.

      – Oui, honorables et honnêtes, ma fille a raison, répéta M. Sherrington en se balançant dans sa berceuse.

      – C’est donc un congé? murmura Edwin.

      Rebecca ne répondit point. Mais son père prit la parole pour elle:

      – Je crois, dit-il, que vous devez le considérer comme tel.

      – Mais, monsieur! mais, mademoiselle! s’écria Edwin d’un ton profondément ému, je vous jure qu’à ma place vous en eussiez fait tout autant. Ils étaient si malheureux ces pauvres gens… la jeune fille surtout…

      Cette dernière réflexion arrivait mal à propos. Elle acheva d’exaspérer la bouillante Rebecca.

      – Osez-vous bien, s’écria-t-elle impétueusement, osez-vous bien défendre cette créature en ma présence! Avez-vous le dessein de m’insulter?

      – Moi! moi, vous insulter! Ô Rebecca, vous êtes injuste! proféra Edwin en tombant aux pieds de la jeune fille. Ignorez-vous que je vous aime depuis l’enfance, que je vous respecte comme la plus belle, la plus pieuse, la meilleure des femmes; que je donnerais gaiement ma vie pour vous éviter le plus léger chagrin…

      – Vous le prouvez joliment! dit-elle avec aigreur et en se levant.

      – Prenez, s’il vous plaît, une autre position, master Edwin, dit M. Sherrington. Vos procédés sont messeyants.

      – Monsieur s’imagine sans doute être dans une société africaine, reprit Rebecca de sa voix cruellement railleuse.

      – Vous ne voulez donc pas m’entendre? dit Coppie en l’arrêtant par le bras, après s’être relevé.

      – Non.

      – Quoi! Rebecca…

      – Monsieur! fit-elle avec un geste de superbe intraduisible.

      Un nuage couvrit le front du jeune homme.

      – Ne vous souvient-il plus, Rebecca, que je vous ai sauvé la vie ce jour où vous patiniez sur le Mississipi, et où la glace se brisa sous vos pieds? Dois-je vous le rappeler? s’écria-t-il sourdement.

      La jeune fille baissa la tête et demeura comme clouée sur place.

      – Bon, bon, s’interposa M. Sherrington. Si nous sommes vos débiteurs, nous saurons nous acquitter envers vous, master Edwin.

      Déjà celui-ci se reprochait la vivacité de son apostrophe.

      – Pardonnez-moi, dit-il, un cri involontaire; mais croyez que l’excès de mon amour pour miss Rebecca seul l’a arraché. Depuis mon bas âge ne me suis-je pas habitué à la considérer comme ma prétendue? N’ai-je point appris à estimer les mille qualités qui la distinguent et en font l’ornement de son sexe? Aujourd’hui j’arrive; j’accours plutôt, après avoir accompli un acte que je juge bon avec la plupart des hommes, quoique vous le considériez mauvais avec beaucoup de gens fort sensés et fort recommandables; je rêve au bonheur de revoir ma fiancée; je forme cent projets de félicité pour elle et pour moi, et voilà que subitement, violemment, vous glacez ma joie par votre froideur, vous me précipitez du paradis dans l’enfer…

      Ce disant, la voix de Coppie s’était attendrie; des larmes coulaient lentement de ses yeux et tombaient, brûlantes, sur la main de Rebecca qu’il avait prise dans la sienne.

      Cette main, la jeune fille la retira en tremblant; et, avec un effort pour dissimuler l’émotion qui la gagnait, elle dit à Edwin:

      – Si mon père veut vous pardonner?…

      – Eh bien? fit-il passionnément.

      – Je suis, répondit-elle, soumise à sa volonté.

      – Vous me pardonnerez aussi!

      – Je ferai suivant ses désirs, repartit quelque peu sournoisement Rebecca en sortant du parloir, dont elle referma la porte sur elle.

      Les jambes croisées l’une sur l’autre, le haut du corps penché en arrière, M. Sherrington avait assisté à la fin de cette scène en contemplant attentivement le plafond.

      Le СКАЧАТЬ