Le gibet. Emile Chevalier
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Название: Le gibet

Автор: Emile Chevalier

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ style="font-size:15px;">      – Jamais!

      – Alors…

      – Chut! fit Coppie.

      – Qu’y a-t-il?

      – J’entends du bruit. On dirait des cavaliers…

      – Vous vous trompez, dit Frederick, ce ne sont pas des cavaliers, mais nos chevaux.

      – Vos chevaux?

      – Oui, une dizaine de chevaux que mon père a parqués ici dans une clairière et où ils sont en sûreté contre l’ennemi.

      – Challenge (qui vive)! cria tout à coup une voix forte dans l’obscurité.

      – Brown, répondit le capitaine en s’arrêtant.

      Le reste de la bande imita ce mouvement.

      – Le mot d’ordre? demanda-t-on encore.

      – Esclave, dit Brown.

      – Émancipation, ajouta le premier.

      Une lanterne brilla dans les ténèbres et un nègre, d’une taille gigantesque, parut à l’entrée d’une grotte naturelle, formée par les rochers.

      Cet individu, qui mesurait près de sept pieds de haut, était hideusement défiguré.

      Il avait le corps énorme en proportion de sa taille, et la moitié du visage bouffi; mais l’autre moitié sèche, ridée, laissait percer les os; une partie de la mâchoire paraissait à nu, et pour surcroît de hideur, l’orbite de l’œil était vide.

      Ces mutilations, ces cicatrices affreuses, le nègre les devait à son évasion.

      Esclave chez un planteur, à l’embouchure du Mississipi, il brisa ses fers et s’enfuit. Mais poursuivi et serré de près, il ne vit d’autre moyen d’échapper à ses bourreaux qu’en se jetant dans un marais.

      La fange était si profonde, si épaisse que le pauvre Africain enfonça jusque au-dessus des aisselles; il ne put sortir du bourbier.

      Il resta pendant deux jours dans cette horrible position, sans boire ni manger, exposé à un soleil tropical qui lui brûlait le crâne.

      Ce n’était pas assez; un crabe monstrueux s’attaqua à cette victime sans défense et lui rongea tout un côté de la face. Il lui eût dévoré la tête entière, si un autre esclave marron n’était venu au secours de son camarade.

      Arraché à l’abîme, à une mort atroce, le premier guérit, et finit, après mille nouveaux périls, par atteindre le Kansas, où Brown le prit à son service. C’était une nature bonne, dévouée, mais grossière, peu intelligente et faite pour obéir.

      – Qu’y a-t-il de nouveau, César? questionna Brown.

      – Rien, massa; chevaux bonne santé, César aussi; li ben content de voir vous.

      Et il se prit à rire.

      Les contractions de ce rire, en étirant son faciès, le rendirent plus repoussant encore.

      – Vous allez seller les chevaux, continua le capitaine, et, quand ce sera fait, vous vous disposerez à nous accompagner.

      Les rires du nègre redoublèrent. Il sauta d’allégresse.

      – Dépêchez-vous, car nous sommes pressés, mon ami, lui dit doucement Brown.

      César s’élança aussitôt vers un parc, qu’à la lueur de la lanterne, on apercevait à une faible distance.

      Coppie remarqua qu’il était dans une éclaircie dont les limites se perdaient au sein des ombres, mais qui s’appuyait à la barrière rocheuse de la petite rivière.

      – Mes enfants, dit Brown, je vous engage à vous restaurer, car nous ignorons quand et où nous pourrons prendre un repas demain.

      Les jeunes gens avaient emportés dans leurs gibecières quelques morceaux de venaison fumée.

      Ils s’assirent à l’entrée de la grotte et se mirent à manger de bon appétit.

      Quant à leur père, il refusa de prendre de la nourriture. Mais, se plaçant sur un quartier de roche, il approcha de lui la lanterne que César avait laissée à leur disposition, ouvrit sa Bible qui ne le quittait jamais, et lut à voix haute le chapitre LX d’Isaïe:

      «Lève-toi, Jérusalem, ouvre les yeux à la lumière; elle s’avance la gloire du Seigneur; elle a brillé sur toi».

      On l’écouta dans un religieux silence.

      Quelle peinture que celle de ces jeunes gens vêtus et armés comme des brigands, adossés à des falaises abruptes, dans un lieu effroyablement sauvage et dans une nuit orageuse, à peine trouée par les faibles rayons d’une lanterne, prêtant, – tout en soupant sans bruit, – une oreille pieuse à la parole de Dieu transmise par un homme à l’air noble et sévère, mais dont l’équipement annonce des intentions aussi meurtrières que les leurs.

      Au bout d’une demi-heure, César revint avec dix chevaux sellés. Brown et chacun de ses enfants les montèrent aussitôt.

      Les quatre hommes, demeurés à pied, sautèrent en croupe derrière ceux des fils du capitaine avec qui ils étaient le plus liés.

      – César, dit le chef au nègre, prends aussi place sur ma jument.

      – Non, massa, pas m’asseoir à côté de vous, courir devant, avec lanterne, répondit-il.

      Et, saisissant le falot, il partit à toutes jambes en avant de la caravane.

      – Mon cœur bat comme si j’allais à un rendez-vous d’amour, dit Coppie à Frederick, dont il avait enfourché le cheval.

      – Si miss Rebecca vous entendait! fit celui-ci en riant.

      – Ah! je ne pense plus à elle.

      – Ni à votre mariage?

      – Non; depuis que je me suis joint à vous pour combattre les partisans de l’esclavage, je n’ai plus qu’un désir, plus qu’une passion.

      – Votre vengeance!

      – Peut-être, repartit-il d’un ton rêveur.

      – Taisez-vous dans les rangs! ordonna Brown.

      On lui obéit.

      Durant plus de trois heures, les cavaliers continuèrent d’avancer au petit trot sans échanger une parole et sans que cette course prolongée parût fatiguer César.

      Ce fut lui qui le premier rompit le silence.

      – Massa, nous arriver près rivière Kansas, dit-il, en éteignant sa lanterne.

      Une zone blanchâtre apparaissait à l’orient; les caps diminuaient en élévation, les herbes de la prairie devenaient plus courtes, plus drues et la route ondulait sur un coteau doucement incliné.

      Brown СКАЧАТЬ