L'homme qui rit. Victor Hugo
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Название: L'homme qui rit

Автор: Victor Hugo

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ pour les choses d’État. Il n’y avait presque pas d’exemple qu’ils eussent trahi les secrets du roi. C’était, il est vrai, leur intérêt. Et si le roi eût perdu confiance, ils eussent été fort en danger, Ils étaient donc de ressource au point de vue de la politique. En outre, ces artistes fournissaient des chanteurs au saint-père. Les comprachicos étaient utiles au miserere d’Allegri. Ils étaient particulièrement dévôts à Marie. Tout ceci plaisait au papisme des Stuarts. Jacques II ne pouvait être hostile à des hommes religieux qui poussaient la dévotion à la vierge jusqu’ fabriquer des eunuques. En 1688 il y eut un changement de dynastie en Angleterre. Orange supplanta Stuart. Guillaume III remplaça Jacques II.

      Jacques II alla mourir en exil où il se fit des miracles sur son tombeau, et où ses reliques guérirent l’évêque d’Autun de la fistule, digne récompense des vertus chrétiennes de ce prince.

      Guillaume, n’ayant point les mêmes idées ni les mêmes pratiques que Jacques, fut sévère aux comprachicos. Il mit beaucoup de bonne volonté à l’écrasement de cette vermine.

      Un statut des premiers temps de Guillaume et Marie frappa rudement l’affiliation des acheteurs d’enfants. Ce fut un coup de massue sur les comprachicos, désormais pulvérisés. Aux termes de ce statut, les hommes de cette affiliation, pris et dûment convaincus, devaient être marqués sur l’épaule d’un fer chaud imprimant un R, qui signifie rogue, c’est-à-dire gueux; sur la main gauche d’un T, signifiant thief, c’est-à-dire voleur; et sur la main droite d’un M, signifiant man slay, c’est-à-dire meurtrier. Les chefs, «présumés riches, quoique d’aspect mendiant», seraient punis du collistrigium, qui est le pilori, et marqués au front d’un P, plus leurs biens confisqués et les arbres de leurs bois déracinés. Ceux qui ne dénonceraient point les comprachicos seraient «châtiés de confiscation et de prison perpétuelle», comme pour le crime de misprision. Quant aux femmes trouvées parmi ces hommes, elles subiraient le cucking stool, qui est un trébuchet dont l’appellation, composée du mot français coquine et du mot allemand stuhl, signifie «chaise de p.....». La loi anglaise étant douée d’une longévité bizarre, cette punition existe encore dans la législation d’Angleterre pour «les femmes querelleuses». On suspend le cucking stool au-dessus d’une rivière ou d’un étang, on asseoit la femme dedans, et on laisse tomber la chaise dans l’eau, puis on la retire, et on recommence trois fois ce plongeon de la femme, «pour rafraîchir sa colère», dit le commentateur Chamberlayne.

      LIVRE PREMIER. LA NUIT MOINS NOIRE QUE L’HOMME

      I. LA POINTE SUD DE PORTLAND

      Une bise opiniâtre du nord souffla sans discontinuer sur le continent européen, et plus rudement encore sur l’Angleterre, pendant tout le mois de décembre 1689 et tout le mois de janvier 1690. De là le froid calamiteux qui a fait noter cet hiver comme «mémorable aux pauvres» sur les marges de la vieille bible de la chapelle presbytérienne des Non Jurors de Londres. Grâce à la solidité utile de l’antique parchemin monarchique employé aux registres officiels, de longues listes d’indigents trouvés morts de famine et de nudité sont encore lisibles aujourd’hui dans beaucoup de répertoires locaux, particulièrement dans les pouillés de la Clink liberty Court du bourg de Southwark, de la Pie powder Court, ce qui veut dire Cour des pieds poudreux, de la White Chapel Court, tenue au village de Starney par le bailly du seigneur. La Tamise prit, ce qui n’arrive pas une fois par siècle, la glace s’y formant difficilement à cause de la secousse de la mer. Les chariots roulèrent sur la rivière gelée; il y eut sur la Tamise foire avec tentes, et combats d’ours et de taureaux; on y rôtit un boeuf entier sur la glace. Cette épaisseur de glace dura deux mois. La pénible année 1690 dépassa en rigueur même les hivers célèbres du commencement du dix-septième siècle, si minutieusement observés par le docteur Gédéon Delaun, lequel a été honoré par la ville de Londres d’un buste avec piédouche en qualité d’apothicaire du roi Jacques Ier.

      Un soir, vers la fin d’une des plus glaciales journées de ce mois de janvier 1690, il se passait dans une des nombreuses anses inhospitalières du golfe de Portland quelque chose d’inusité qui faisait crier et tournoyer à l’entrée de cette anse les mouettes et les oies de mer, n’osant rentrer.

      Dans cette crique, la plus périlleuse de toutes les anses du golfe quand règnent de certains vents et par conséquent la plus solitaire, commode, à cause de son danger même, aux navires qui se cachent, un petit bâtiment, accostant presque la falaise, grâce à l’eau profonde, était amarré à une pointe de roche. On a tort de dire la nuit tombe; on devrait dire la nuit monte; car c’est de terre que vient l’obscurité. Il faisait déjà nuit au bas de la falaise; il faisait encore jour en haut. Qui se fût approché du bâtiment amarré, eût reconnu une ourque biscayenne.

      Le soleil, caché toute la journée par les brumes, venait de se coucher. On commençait à sentir cette angoisse profonde et noire qu’on pourrait nommer l’anxiété du soleil absent.

      Le vent ne venant pas de la mer, l’eau de la crique était calme.

      C’était, en hiver surtout, une exception heureuse. Ces criques de Portland sont presque toujours des havres de barre. La mer dans les gros temps s’y émeut considérablement, et il faut beaucoup d’adresse et de routine pour passer là en sûreté. Ces petits ports, plutôt apparents que réels, font un mauvais service. Il est redoutable d’y entrer et terrible d’en sortir. Ce soir-là, par extraordinaire, nul péril.

      L’ourque de Biscaye est un ancien gabarit tombé en désuétude. Cette ourque qui a rendu des services, même à la marine militaire, était une coque robuste, barque par la dimension, navire par la solidité. Elle figurait dans l’Armada; l’ourque de guerre atteignait, il est vrai, de forts tonnages; ainsi la capitainesse Grand Griffon , montée par Lope de Médina, jaugeait six cent cinquante tonneaux et portait quarante canons; mais l’ourque marchande et contrebandière était d’un très faible échantillon. Les gens de mer estimaient et considéraient ce gabarit chétif. Les cordages de l’ourque étaient formés de tourons de chanvre, quelques-uns avec âme en fil de fer, ce qui indique une intention probable, quoique peu scientifique, d’obtenir des indications dans les cas de tension magnétique; la délicatesse de ce gréement n’excluait point les gros câbles de fatigue, les cabrias des galères espagnoles et les cameli des trirèmes romaines. La barre était très longue, ce qui a l’avantage d’un grand bras de levier, mais l’inconvénient d’un petit arc d’effort; deux rouets dans deux clans au bout de la barre corrigeaient ce défaut et réparaient un peu cette perte de force. La boussole était bien logée dans un habitacle parfaitement carré, et bien balancée par ses deux cadres de cuivre placés l’un dans l’autre horizontalement sur de petits boulons comme dans les lampes de Cardan. Il y avait de la science et de la subtilité dans la construction de l’ourque, mais c’était de la science ignorante et de la subtilité barbare. L’ourque était primitive comme la prame et la pirogue, participait de la prame par la stabilité et de la pirogue par la vitesse, et avait, comme toutes les embarcations nées de l’instinct pirate et pêcheur, de remarquables qualités de mer. Elle était propre aux eaux fermées et aux eaux ouvertes; son jeu de voiles, compliqué d’étais et très particulier, lui permettait de naviguer petitement dans les baies closes des Asturies, qui sont presque des bassins, comme Pasage par exemple, et largement en pleine mer; elle pouvait faire le tour d’un lac et le tour du monde; singulières nefs à deux fins, bonnes pour l’étang, et bonnes pour la tempête. L’ourque était parmi les navires ce qu’est le hochequeue parmi les oiseaux, un des plus petits et un des plus hardis; le hochequeue, perché, fait à peine plier un roseau, et, envolé, traverse l’océan.

      Les ourques de Biscaye, même les plus pauvres, étaient dorées et peintes. Ce tatouage est dans le génie de ces peuples charmants, un peu sauvages. Le sublime bariolage de leurs montagnes, quadrillées de neiges et de prairies, leur révèle le prestige âpre de l’ornement quand même. Ils sont indigents et magnifiques; ils mettent СКАЧАТЬ