Le crime de l'omnibus. Fortuné du Boisgobey
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Название: Le crime de l'omnibus

Автор: Fortuné du Boisgobey

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ on la lui verse dans l’œil ou sur la langue, oui…

      – Ou sur une simple écorchure de la peau… Tu hausses les épaules… très bien! Je n’ai pas la prétention de te convaincre ce soir. Demain, tu reconnaîtras peut-être que j’avais raison. Je monterai à ton atelier dans l’après-midi.

      «En attendant, je te quitte. Voilà les brancardiers qui emportent le corps. Je m’en vais flâner du côté du poste pour savoir un peu ce que l’on dit de cette histoire-là. Je connais le brigadier. Il me donnera des renseignements.

      Et le policier par vocation se précipita hors du café en criant à son ami:

      – Tu régleras mes consommations. Je n’ai que quatorze bocks.

      II. Les jours se suivent et ne se ressemblent pas, dit le proverbe…

      Les jours se suivent et ne se ressemblent pas, dit le proverbe.

      Le lendemain de ce triste voyage en omnibus qui s’était terminé par une catastrophe, un beau soleil d’hiver éclairait la place Pigalle. La température s’était subitement adoucie; la fontaine dégelée lançait son gai jet d’eau vers le ciel bleu, et les modèles italiens, assis sur les marches autour du bassin, souriaient d’aise aux rayons de l’astre qui les réchauffait pendant la longue station devant les ateliers.

      Et Paul Freneuse était aussi joyeux que le temps. Une nuit de repos avait calmé ses émotions de la veille et chassé les visions lugubres. Il ne pensait plus à cette aventure que pour plaindre la pauvre morte et pour se féliciter de n’avoir pas pris au sérieux les ridicules imaginations de l’ami Binos.

      Il avait reçu dans la matinée la visite d’un inspecteur envoyé par le commissaire, plutôt pour causer avec lui que pour l’interroger, car la mort accidentelle venait d’être bien et dûment constatée par le médecin commis à l’examen du corps, qui ne portait aucune trace de violence.

      La jeune fille avait dû succomber à une hémorragie interne, et, en attendant que l’autopsie confirmât les conclusions du docteur, le cadavre avait été envoyé à la Morgue pour y être exposé, car on n’avait trouvé sur elle aucune indication qui pût servir à établir son identité.

      Les faits d’ailleurs ne permettaient pas de supposer qu’un crime eût été commis; sur ce point, le témoignage du conducteur était très net.

      En déposant devant le commissaire, il ne s’était pas privé de se moquer du voyageur qui, en arrivant à la station, criait qu’on venait d’assassiner la petite, et il avait démontré sans peine que l’idée de ce monsieur n’avait pas le sens commun.

      Le voyageur, c’était Paul Freneuse, que le commissaire connaissait très bien de réputation, car son nom était déjà célèbre, et qui n’était pas difficile à trouver, puisqu’il avait laissé son adresse aux gardiens de la paix.

      Mais Paul Freneuse avait complètement changé d’avis, si bien qu’il jugea tout à fait inutile d’entretenir l’inspecteur des absurdes raisonnements dont ce fou de Binos l’avait régalé en buvant de la bière. Il se contenta de raconter ce qu’il avait vu sans réflexions et sans commentaires.

      Et, tout le monde étant d’accord, Freneuse, délivré d’une préoccupation assez désagréable, avait déjeuné avec appétit et s’était mis à la besogne avec ardeur.

      Il achevait alors un tableau sur lequel il comptait beaucoup pour enlever au prochain Salon un de ces succès qui classent définitivement un artiste: une figure de femme, une seule, une jeune Romaine gardant une chèvre au pied du tombeau de Cecilia Metella.

      Et il avait eu le bonheur de découvrir un modèle que Dieu semblait avoir créé tout exprès pour lui fournir le type qu’il rêvait.

      C’était une toute jeune fille, presque une enfant, qu’il avait rencontrée un jour, descendant des hauteurs de Montmartre, et qui lui avait demandé le chemin du Jardin des Plantes.

      Freneuse avait passé quatre ans à Rome, et il savait assez d’italien pour renseigner la petite dans la seule langue qu’elle comprît bien.

      Puis, il s’était enquis de ce qu’elle faisait à Paris, et elle lui avait répondu sans embarras qu’elle venait d’y arriver, amenée par un de ses compatriotes qui faisait le métier de racoler en Italie des modèles des deux sexes, et qui logeait rue des Fossés-Saint-Bernard, près de la Halle aux vins, dans une grande maison toute pleine de joueurs d’orgue et autres musiciens ambulants.

      Elle était née à Subiaco, dans les montagnes de la Sabine, et elle avait passé son enfance à mener les chèvres à travers les rochers de ce pays sauvage. Sa mère, morte depuis un an, posait dans les ateliers à Rome. Elle n’avait jamais connu son père, mais elle passait là-bas pour être la fille d’un peintre français, qui, après avoir séjourné quelques années en Italie, était parti sans s’inquiéter d’elle. Elle avait eu une sœur aînée, mais cette sœur avait été emmenée toute petite par un homme qui recrutait des élèves pour leur enseigner le chant et les placer dans les théâtres d’Italie.

      Paul Freneuse, émerveillé de sa beauté, avait eu aussitôt l’idée de confisquer à son profit ce modèle inédit, – l’enfant n’était encore allée chez aucun artiste, – et il s’était immédiatement abouché avec le meneur, qui, moyennant une somme assez ronde, avait pris l’engagement écrit de loger séparément et convenablement Pia, – c’était le nom de la fillette, – de l’envoyer tous les jours donner une séance place Pigalle, et de refuser les offres que d’autres peintres pourraient lui faire.

      Et depuis cinq mois, Pia n’avait pas manqué une seule fois d’arriver à midi chez Paul Freneuse, qui la traitait beaucoup moins en salariée qu’en amie.

      La beauté de Pia n’était pas banale. L’enfant ne ressemblait pas à ces bambines italiennes qui ont toutes les mêmes grands yeux noirs, les mêmes lèvres rouges et un peu fortes, le même teint brun clair, à ce point qu’on les dirait coulées dans le même moule.

      Elle était bien de la race qui a fourni des modèles aux peintres de tous les temps, mais elle avait l’expression qui manque presque toujours aux filles de son pays, une physionomie mobile et intelligente, quelque chose de personnel et de vivant.

      Et cette physionomie n’était pas trompeuse. Pia avait l’esprit ouvert et une étonnante facilité à tout comprendre, à tout s’assimiler. En quelques mois, elle était arrivée à parler très bien le français, dont elle ne savait pas un mot en débarquant à Paris. Elle amusait Freneuse par ses remarques naïves et par ses réparties inattendues. Elle l’étonnait par la justesse de ses idées sur toutes les choses de la vie et même sur les arts, dont elle avait le sentiment très vif.

      Elle l’étonnait davantage encore par sa sagesse. Cette petite merveille, qui ne se montrait nulle part sans qu’on l’admirât, n’avait pas l’ombre de coquetterie et savait tenir en respect les admirateurs trop empressés. Elle avait gardé le costume de sa patrie, sans le gâter par ces additions de modes parisiennes que se permettent volontiers ses pareilles. Jamais châle n’avait recouvert ses épaules encore un peu maigres, mais d’un galbe charmant; jamais bottines n’avaient emprisonné ses pieds de statue, ses pieds accoutumés à fouler nus le thym des montagnes.

      Et elle vivait comme une sainte, ne sortant jamais que pour venir à l’atelier de Freneuse et ne frayant pas plus avec ses compatriotes qu’avec les autres femmes qui exercent à Paris la scabreuse profession de modèles.

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