Le crime de l'omnibus. Fortuné du Boisgobey
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Название: Le crime de l'omnibus

Автор: Fortuné du Boisgobey

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ il y a une foule!…

      Binos n’eut pas plutôt lâché ces mots: «Je viens de la Morgue», que Freneuse se mit à lui faire des signes dont le sens était très clair; mais Binos ne s’arrêtait jamais une fois qu’il était lancé, et il reprit imperturbablement le fil de son discours.

      – Tu avais raison, elle est admirable, continua-t-il. Si elle avait voulu poser de son vivant, on l’aurait payée vingt francs l’heure. Pia est un modèle comme on n’en voit guère, n’est-ce pas? Eh bien, elle n’approche pas de celle-là. J’ai essayé de prendre un croquis au vol en passant devant le vitrage, mais les sergents de ville m’ont forcé de circuler, et il y avait là un bourgeois qui m’a dit des sottises. Il m’a appelé sans cœur, cet imbécile. J’en ai plus que lui, du cœur. Ce que j’en faisais, c’était dans l’intérêt de l’art. Heureusement qu’on va la photographier.

      «Du reste, quand j’ai vu qu’on me mettait à la porte, je me suis dit: il n’y a qu’un moyen, et je suis allé tout droit sonner à…

      – Te tairas-tu, maudit bavard? lui cria Freneuse; si tu ajoutes un mot, moi aussi, je vais te mettre à la porte.

      – Pourquoi? qu’est-ce qui te prend? demanda le rapin d’un air ébahi.

      – Il me prend que tu m’empêches de travailler, et ensuite que tu effarouches la petite avec tes vilaines histoires.

      – Comment! parce que je parle de la Morgue! Ah! elle est bonne, celle-là! mais ça l’amusera, au contraire. Je parie qu’elle ne passe jamais devant l’établissement sans y entrer, et comme elle doit y passer à peu près tous les jours pour venir de chez elle ici…

      – Binos, mon garçon, pour la seconde fois, je t’enjoins le silence, et je te préviens qu’à la troisième sommation, si tu n’obéis pas… tu sais comment sous l’Empire on dispersait les rassemblements.

      – Des menaces? des violences? Sur quelle herbe as-tu donc marché ce matin? Hier soir, tu ne faisais que parler de ton aventure.

      – Encore!

      – C’est bon! c’est bon! je ne savais pas que la Pia fût si impressionnable… mais du moment que Mademoiselle a des nerfs, je serai muet comme un poisson… jusqu’à ce qu’elle soit partie, car, après, j’ai un tas de choses à t’apprendre.

      – Laisse-moi tranquille, en attendant. Je n’ai pas de temps à perdre. Remets-toi à la pose, ma chère Pia, et si ce fou se permet d’ouvrir encore la bouche, fais-moi le plaisir de ne pas l’écouter.

      – La Morgue, c’est cette maison où l’on expose les morts? demanda l’enfant tout émue.

      – Allons, bien! toi aussi, tu t’en mêles! s’écria Freneuse. Vous avez donc juré, tous les deux, que je ne ferais rien aujourd’hui…

      – Je sais où c’est, continua Pia; mais je n’ai pas osé y entrer… et jamais je n’oserai… oh! non, jamais!… jamais!…

      – Parbleu! je l’espère bien. Si tu t’en avisais, je ne te recevrais plus ici. Mais tu ne me parais pas disposée à te tenir en repos sur ton marchepied, et je vais lever la séance. Encore trois minutes d’immobilité, et ce sera fini, fillette. Une touche à donner seulement… je commençais à attraper ce ton, quand cet animal de Binos est venu nous déranger… Ah! je le tiens, maintenant… ne bougeons plus.

      Pia n’avait garde. Elle était devenue songeuse, et ses grands yeux noirs n’exprimaient plus rien, ils regardaient vaguement Mirza qui venait de se réveiller et qui faisait le gros dos.

      Binos, pour se consoler de ne plus raconter, furetait dans tous les coins de l’atelier, retournait les tableaux accrochés la face au mur, ouvrait les boîtes à couleurs et tracassait les chevalets.

      Il en fit tant, que Freneuse, impatienté, lui cria:

      – Finiras-tu de remuer? Qu’est-ce que tu cherches?

      – Du tabac. J’ai oublié d’en acheter, répondit le rapin en agitant une longue pipe qui ne le quittait guère.

      – Le pot est aux pieds du mannequin, sous la fenêtre.

      – Très bien. Alors tu ne pousses pas la sévérité jusqu’à m’interdire de fumer? Merci de votre indulgence, mon prince. Ah! mais, dis donc, la farce est mauvaise, il est vide, ton pot… il n’y a pas plus de tabac dedans que de cervelle dans le crâne de mon bourgeois de la Morgue.

      – Es-tu assez assommant! Cherche ma blague dans la poche de mon pardessus qui est pendu là-bas.

      – J’obéis, seigneur, répondit gravement Binos, en portant ses deux mains à son front pour imiter un salut à l’orientale.

      Et il se mit à fouiller le paletot, pendant que Freneuse, qui essuyait ses pinceaux, disait à Pia:

      – Assez pour aujourd’hui, petite. Je n’y vois plus.

      – Ta blague! ta blague! grommelait Binos; j’ai beau sonder les profondeurs de ce vêtement luxueux, je ne la découvre pas, ta blague… je ne découvre même rien du tout… c’est-à-dire, si… mes doigts investigateurs ont rencontré un objet qui pourra me servir à débourrer ma pipe… quand je l’aurai fumée. Voyons un peu ça… Tiens! une épingle de femme! Binos, ravi de sa trouvaille, brandissait triomphalement l’épingle dorée qu’il venait d’extraire de la poche du pardessus de son ami.

      – Ah! mon gaillard, criait-il, tu farcis tes habits d’ustensiles à l’usage du beau sexe! Quelle est la princesse qui t’a laissé ce gage de son amour?

      Freneuse l’avait complètement oubliée, cette épingle qu’il avait ramassée la veille dans l’omnibus, et il trouvait inopportunes les facéties que le camarade Binos se permettait à propos d’un objet qui avait, selon toute probabilité, appartenu à la morte.

      – Fais-moi donc le plaisir de remettre cet outil où tu l’as pris, lui cria-t-il.

      – Tu crains que je ne le profane en l’employant à des usages vulgaires, dit ironiquement l’incorrigible farceur. Rassure-toi! je ne m’en servirai pas. Tu pourras encore le porter sur ton cœur. Ah çà, tu es donc amoureux, maintenant? Depuis quand?

      – Binos, décidément, tu m’agaces.

      Pia s’était levée tout à coup, et elle avait couru pour voir l’épingle de plus près.

      – Qu’est-ce que tu dis de ça, enfant de la montagne? lui demanda le rapin. Tu n’en as jamais porté de pareille à Subiaco… et tu as même le bon goût de n’en pas porter à Paris. La bourgeoise qui a planté ce colifichet dans son chignon est indigne d’aimer un artiste… et Paul devrait rougir de conserver précieusement cette piteuse relique… ridicule produit de l’industrie parisienne, acheté au bazar à quinze sous… Aide-moi, petite, à faire honte à notre ami de sa grotesque adoration pour la propriétaire de ce bibelot déplorable.

      «Tiens! tu pleures! pourquoi diable pleures-tu? Est-ce que par hasard ce serait pour l’avoir? Aurais-tu la fantaisie déplacée de déshonorer tes beaux cheveux en les ornant de cette lardoire en similor?

      – Je ne pleure pas, murmura la jeune fille qui s’efforçait de refouler ses larmes.

      – Binos, tu es insupportable, СКАЧАТЬ