Le crime de l'omnibus. Fortuné du Boisgobey
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Название: Le crime de l'omnibus

Автор: Fortuné du Boisgobey

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ y sommes, monsieur, dit le conducteur, qui les prenait pour deux amoureux. Bien fâché de réveiller votre dame. Mais nous n’allons pas plus loin. Il faut descendre… à moins qu’elle n’ait envie de coucher dans la voiture.

      – C’est dans la fosse qu’elle couchera, lui cria le grand brun. Vous ne voyez donc pas qu’elle est morte?

      – Bon! vous blaguez, pour vous amuser. Eh bien, là, vrai, vous savez, ça ne porte pas bonheur, ces plaisanteries-là. Faut jamais rire avec la mort!

      – Je n’ai pas envie de rire. Je vous dis que cette femme-là a la peau froide comme du marbre, et qu’elle ne respire plus. Venez m’aider à la tirer de l’omnibus. Je ne peux pas la porter tout seul.

      – Elle ne doit pourtant pas être lourde… enfin, si elle est malade pour tout de bon, je vas vous donner un coup de main; on ne peut pas la laisser là, c’est sûr.

      Sur cette conclusion, le conducteur se décida, en rechignant, à monter dans la voiture, où le grand brun faisait de son mieux pour soutenir la malheureuse enfant. L’employé monta aussi, et, à eux trois, ils n’eurent pas de peine à enlever ce corps frêle. La salle d’attente de la station n’était pas encore fermée. Ils l’y portèrent, ils l’y étendirent sur une banquette, et le jeune homme releva d’une main tremblante le voile qui cachait la moitié du visage de la morte.

      Elle était merveilleusement belle: une vraie figure de vierge de Raphaël. Ses grands yeux noirs n’avaient plus de flamme, mais ils étaient restés ouverts, et ses traits contractés exprimaient une douleur indicible. Elle avait dû horriblement souffrir.

      – C’est pourtant vrai qu’elle a passé, murmura le conducteur.

      – Pendant le voyage! Et vous ne vous en êtes pas aperçu? s’écria l’employé.

      – Non, et Monsieur qui était assis à côté d’elle n’y a rien vu non plus. Elle n’est pas tombée… on la tenait… et elle n’a pas seulement soufflé. C’est drôle, mais c’est comme ça.

      – Un coup de sang, alors… ou bien quelque chose qui s’est cassé dans sa poitrine.

      – Moi, je crois qu’on l’a tuée, dit le grand brun.

      – Tuée! répéta le conducteur, allons donc! il n’y a pas une goutte de sang sur elle.

      – Et puis, ajouta l’employé, si on lui avait donné un mauvais coup dans la voiture, les autres voyageurs l’auraient bien vu.

      – Elle a dix-huit ans tout au plus. À cet âge-là, on ne meurt pas subitement, dit le jeune homme.

      – Est-ce que vous êtes médecin?

      – Non, mais…

      – Eh bien, alors, vous n’en savez pas plus long que nous. Et au lieu de faire des phrases, vous devriez aller chercher les sergents de ville.

      Nous ne pouvons pas garder une morte dans le bureau.

      – En voilà deux qui arrivent.

      En effet, deux gardiens de la paix en tournée sur le boulevard s’avançaient à pas comptés. L’employé les appela, et ils avancèrent sans trop se presser, car ils ne se doutaient guère que le cas valait bien la peine qu’ils se hâtassent. Et quand ils virent de quoi il s’agissait, ils ne s’émurent pas outre mesure. Ils se firent conter l’affaire par le conducteur, et le plus ancien des deux prononça gravement que ces accidents-là n’étaient pas rares.

      – Voilà pourtant Monsieur qui prétend qu’on l’a assassinée dans l’omnibus, dit l’homme à la casquette timbrée d’un O majuscule.

      – Je ne prétends rien du tout, répondit le grand brun. J’affirme seulement que cette mort est tout ce qu’il y a de plus extraordinaire. J’étais assis d’abord en face de cette pauvre fille, et je…

      – Alors, vous serez appelé demain au commissariat, et vous direz ce que vous savez. Donnez-moi votre nom.

      – Paul Freneuse. Je suis peintre, et je demeure dans cette grande maison que vous voyez d’ici.

      – Celle où il n’y a que des artistes. Bon! je la connais.

      – Du reste, voici ma carte.

      – Ça suffit, monsieur. Le commissaire vous entendra demain matin, mais vous ne pouvez pas rester là. On va fermer le bureau, pendant que mon camarade ira prévenir le poste pour qu’on envoie un brancard. Heureusement qu’il ne fait pas un temps à s’asseoir devant les cafés de la place Pigalle. Si nous étions en été, nous aurions déjà un attroupement à la porte.

      Ce vieux soldat parlait avec tant d’assurance, et il devait avoir une telle expérience des événements tragiques, que Paul Freneuse se prit à douter de la justesse de ses propres appréciations.

      L’idée d’un crime lui était venue à l’esprit sans qu’il sût trop pourquoi et il fallait bien reconnaître que les faits la contredisaient absolument.

      Le cadavre ne portait aucune blessure apparente, et, pendant le voyage, il ne s’était rien passé qui permît de supposer que la malheureuse enfant eût été frappée.

      Décidément, j’ai trop d’imagination, se dit-il en sortant pour obéir à la sage injonction du gardien de la paix. Je vois du mystère dans une histoire comme il en arrive tous les jours. Cette petite avait une maladie de cœur…, un anévrisme qui s’est rompu, et elle a été foudroyée. C’est dommage, car elle était admirablement belle; mais je n’y puis rien, et je serais bien bon de perdre mon temps à ouvrir une enquête sur un simple fait divers. J’ai mon tableau à finir pour le Salon. C’est déjà beaucoup trop que je me sois mis dans le cas d’être interrogé par un commissaire de police auquel je n’aurai rien de sérieux à dire, et qui très probablement se moquera de mes idées baroques, si je m’avise de lui parler de la possibilité d’un assassinat… commis par qui, bon Dieu?… par cette charitable dame que j’ai remplacée au coin de la rue de Laval… et comment?… sans doute en soufflant sur sa jeune voisine… c’est absurde… la vie ne s’éteint pas comme une bougie.

      L’employé mettait déjà les volets, et le plus jeune des sergents de ville courait chercher des hommes pour enlever le corps. L’autre s’était placé devant la porte du bureau pour éloigner les curieux, s’il s’en présentait. Le conducteur, qui était bavard, lui expliquait comme quoi il avait remarqué qu’au départ la jeune fille avait déjà l’air malade. Le cocher était resté sur son siège, et il avait bien de la peine à retenir ses chevaux, impatients de rentrer au dépôt de la compagnie.

      – Vous n’avez plus besoin de moi? demanda Freneuse.

      Et comme le gardien de la paix lui fit signe que non, il s’achemina vers son domicile, qui n’était pas loin. Mais il n’avait pas fait trois pas qu’il se souvint d’avoir laissé tomber sa canne dans la voiture. Cette canne était un joli rotin qu’un sien ami, officier de marine, lui avait rapporté de Chine, et il y tenait. L’omnibus était encore là. Il y monta, et, comme on n’y voyait goutte, il frotta une allumette pour ne pas être obligé de tâtonner avec ses mains.

      La canne avait roulé sous la banquette, et en se baissant pour la ramasser, il aperçut un papier qui était tombé aussi, et une épingle dorée, de celle qui servent aux femmes pour fixer leur chapeau.

      – Tiens! СКАЧАТЬ