Название: El sistema financiero a finales de la Edad Media: instrumentos y métodos
Автор: AAVV
Издательство: Bookwire
Жанр: Документальная литература
isbn: 9788491333173
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Destinataires à Thaon et dans les paroisse voisine du Fresne et de Canilly d’importantes quantités de céréales en raison des dîmes qu’ils y avaient rassemblées et des redevances reçues pour leurs terres, les moines de Savigny étaient des acteurs important du marché céréalier local, où ils disposaient à la fois de revenus en espèces et en nature ce qui leur permettait d’arbitrer en faveur de l’investissement le plus avantageux de leurs ressources. Deux contrats (annexes 4 et 5) impliquant des opérateurs caennais signalent par ailleurs l’existence sur ce marché de rentes en orge et de contrats à court terme mais l’abbaye paraît n’avoir été intéressée que par les contrats portant sur le froment. Par rapport aux dossiers de même ampleur conservés dans les archives de Savigny et conservant d’autres possessions de l’abbaye, celui de Thaon se caractérise par l’importance des achats de rentes en céréales, peu fréquentes par ailleurs. Il s’agit sans aucun doute d’un choix économiquement réfléchi, selon l’usage cistercien, qui permet aux religieux de participer dans les meilleures conditions à l’essor du marché céréalier caennais et sans doute au commerce de grain à destination de l’Angleterre, alors en pleine croissance.
Une étude plus précise, mais sûrement difficile à mener, serait nécessaire pour comprendre les raisons qui poussaient les habitants de Thaon à entrer dans une relation de crédit stipulée en céréales. Pour aller plus loin, nous manquons de connaissances précises sur les unités de mesure des surfaces et des produits, la production locale et les rendements à la surface et à la semence, sur le niveau et l’évolution des prix des denrées, et sur la valeur de la monnaie. La nature du processus de fixation du prix de la rente en grain nous reste donc mystérieuse, même si l’étroitesse de ses oscillations et, dans le cas de Coutances, la stabilité du rapport entre rentes en nature et rentes en numéraire, laissent penser qu’il est assez peu affecté par les variations du prix du grain. Par ailleurs, chaque rente étant assise sur une ou plusieurs propriété qui sert de gage à son paiement, on pouvait se demander si la valeur de ce gage n’influence pas le prix de la rente, mais rien ne permet d’argumenter en ce sens ou d’interpréter ces contrats comme de pures hypothèques.
Au terme de l’analyse, on est conduit à faire l’hypothèse que le prix payé pour acheter la rente traduit une sorte de valeur locale pluriannuelle du grain, antérieure à la confrontation de l’offre et de la demande. Il doit être distingué aussi bien du prix de référence annuel fixé à l’automne, qui est ensuite inscrit dans les apprécies des rentes, que du prix journalier constatable sur le marché, qui tient compte de la qualité de la marchandise et du rapport de l’offre et de la demande. C’est l’existence socialement reconnue d’une telle valeur qui fonde le statut du grain comme une monnaie alternative dans l’espace d’un marché local. En tout état de cause, l’existence d’un tel marché suppose aussi un niveau d’abondance et de régularité dans l’approvisionnement qui permette aux acteurs de s’assurer dans leur choix d’investissement. La constitution de ce marché résulte enfin d’une évolution de la stratification sociale. Un certain nombre des acteurs mentionnés dans les chartes ne sont pas eux-mêmes des cultivateurs (plusieurs sont des clercs) et le froment qu’ils s’engagent à verser annuellement provient d’autres rentes et redevances dont ils sont les bénéficiaires et non de leur propre travail. Par ailleurs, les sommes versées par les moines aux vendeurs de rentes ne sont pas négligeables et leur réinvestissement peut aider à l’augmentation du capital immobilier, en terres, bien sûr, mais aussi en maisons, moulins, pressoirs et autres installations de production.15 À partir de la fin du XIIIe siècle, l’instabilité monétaire croissante dut accroître la sûreté de cet instrument monétaire, dont la valeur libératoire ne dépendait pas de la politique du souverain. Ainsi s’explique sans doute la faveur dont ces rentes continuèrent à jouir jusqu’à la fin du XVe siècle au moins.
Les remarques qui précèdent exposent les résultats d’une enquête en cours, portant sur un espace régional important, mais limité et segmenté. Sa continuation et l’examen d’autres dossiers permettront de tester la validité des hypothèses présentées. Les marchés locaux faiblement interconnectés qui servaient de fondement à un système de crédit où les grains servaient comme monnaie alternative aux espèces métalliques ne sont pas pensable dans le système de subsistances fortement politisé que connaît la fin de l’Ancien Régime. Il est clair que de ce point de vue le système dont la description est esquissée ici diffère profondément des situations étudiées par Jean Meuvret dans son grand livre sur le commerce du blé à l’époque moderne.16 La géographie et la chronologie des situations décrites plus haut devra encore être établie, pour déterminer la date de sa mise en place et l’originalité éventuelle des campagnes normandes dans le contexte du royaume de France ou du Nord-Ouest Européen. Il nous restera enfin à comprendre comment a pu s’accomplir la transition d’une situation à l’autre.
ANNEXE 1
Thaon, novembre, 1246.
Vente par Nicholas Fauvel aux moines de Savigny d’une rente d’un sextier de froment à la mesure de Thaon, à prendre à la Saint-Michel de lui ou de ses héritiers sur sa masure de Thaon pour 4 lb. 15 s. t.
Paris, Arch. nat. L 976/679.
Nouerint presentes et futuri quod ego, Nicholaus Fauvel de Thaon dedi et concessi abbati et monachis de Savigneio pro quatuor libris et quindecim solidis turonensium quos mihi mi dederunt videlicet unum sextarium frumenti ad mensuram de Thaon percipiendum annuatim in masura mea de Thaon sita iuxta masuram Thome de Reviers ex una parte et iuxta masuram Willelmi de Lachon ex altera per manum meam uel heredum meorum uel cuiusque qui predictam masuram tenuerit, ad festum sancti Michaelis in mense septembri, tali condictione quod dicti abbas et monachi propter defectum solutionis prescripti sextarii frumenti in prenotata masura poterunt ac debebunt plenariam justiciam exhibere. Et ut hec mea donatio perpetue firmitatis robur obtineat presens scriptum sigilli testimomnio confirmaui, actum anno gratie m° cc° xl° sexto in mense nouembri.
ANNEXE 2
Thaon, octobre 1272.
Thomas Mordant vend aux moines de Savigny une rente d’un sextier de blé en septembre, assise sur son masnage et sur toutes les terres qu’il tient ou tiendra des religieux à Thaon et Camilly, pour un prix de 5 lb. 10 s. t. ; l’acte est passé en présence des vavasseurs de Thaon.
Paris, Arch. nat. L 968/919.
Sciant omnes presentes et futuri quo ego, Thomas Mordant, vendidi et concessi viris religiosis abbati et conventui de Savigneio per centum et decem solidis de quibus me teneo pro pagato, videlicet unum sextarium frumenti annui redditus percipiendum et habendum et jure legitime emptionis posidendum sibi et successoribus suis de me et heredibus suis in mense septembri ad mensuram de Thaon super masnagium meum situm apud Camilleum juxta masnagia heredum Rogeri Adeline et super omnes terras quas de eisdem religiosis teneo in territoriis de Camilleo et Thaone, sine ulla contradictione mei vel heredum meorum facienda. Et hanc venditionem et concessionem ego [et] heredes meorum tenemur predictis religiosis garantizare et defindere [sic] contra omnes. Et ut hoc sit firmum et stabile presentem cartam sigillo meo sigillavi. Datum anno domini m° cc° septuagesimo secundo mense octobri coram vavasoribus suis de Thaone et de Camilleo in curia eorumdem apud Thaon.
ANNEXE 3
Thaon, octobre 1266.
Thomas et Nicolas Lelégart, bourgeois de Caen, vendent aux moines de Savigny in rente de 4 sextiers d’orge pour 13 lb. 10 s. t. assises sur une série de terres décrites. СКАЧАТЬ