Mémoires du comte Reynier: Campagne d'Égypte. Berthier Louis-Alexandre
Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу Mémoires du comte Reynier: Campagne d'Égypte - Berthier Louis-Alexandre страница 7

СКАЧАТЬ obligée d'aller assiéger le Caire, ne put poursuivre le visir jusqu'à El-A'rych, et faire de ce fort un établissement solide, ou le détruire entièrement. On réfléchit ensuite que ces postes dans le désert étaient fort difficiles à entretenir et à fortifier convenablement; qu'ils forçaient à diviser l'armée; que plusieurs routes qu'on avait reconnues et qui les tournaient, pouvaient servir à des armées composées particulièrement de cavalerie, comme celles des Turcs, ou du moins à leurs partis, pour se répandre dans l'intérieur de l'Égypte, pendant que l'armée française serait divisée sur plusieurs points ou les attendrait dans le désert. On se rappela qu'avec les armées turques il importait toujours de se ménager l'offensive; que pour traverser le désert en corps d'armée, elles devraient nécessairement réunir des moyens à Catiëh et y séjourner, et qu'on aurait beaucoup d'avantage à s'y porter pour leur livrer bataille; ou si cela n'était pas possible, à les combattre avec l'armée réunie, lorsque, fatiguées du passage du désert, elles seraient près d'atteindre les terres cultivées.

      On revint donc à peu près au premier projet. Salêhiëh forma un poste assez fort pour résister avec une faible garnison, en attendant l'arrivée de l'armée, et pour contenir les vivres qui lui seraient nécessaires pendant ses opérations dans le désert. Belbéis servit de dépôt intermédiaire entre Salêhiëh et le Caire.

      On construisit dans l'intérieur, à Menouf, Miit-Khramer, Mansoura, etc., quelques postes pour protéger la navigation du Nil, contenir les habitans du pays, et servir de dépôts intermédiaires.

      On établit aussi un poste à Souez; les travaux y éprouvèrent presque autant d'obstacles qu'à El-A'rych, parce qu'il fallait tout y porter par le désert; les fortifications qu'on y entreprit suffisaient pour protéger, contre les Arabes, les établissemens qu'on voulait y former; mais on pouvait d'autant moins songer à défendre Souez contre une attaque sérieuse, que celle-ci ferait probablement partie d'une invasion générale, qui empêcherait d'y envoyer des secours. D'ailleurs Souez tirant ses vivres de l'Égypte, et n'ayant pas de marine, il n'y avait aucun inconvénient à l'abandonner pendant quelque temps.

      Son organisation isole en quelque sorte la Haute-Égypte des grandes opérations de la guerre, et la réduit à être le théâtre des dissensions intestines. L'arrivée par Cosséir de troupes étrangères peut seule la faire sortir de ce rôle; mais ces troupes ne peuvent traverser le désert que lorsqu'elles sont favorisées par des intelligences dans l'intérieur. Du temps des mameloucks, les partis chassés du Caire et les mécontens se retiraient dans la Haute-Égypte; aussitôt qu'ils s'étaient assez rétablis et organisés, ils cherchaient à se rapprocher; le parti dominant venait alors les combattre: cette longue vallée dans laquelle descend le Nil, était le champ de bataille. Les Français eurent, sous la conduite du général Desaix, une pareille guerre avec Mourâd-Bey; ils soumirent bientôt toute la Haute-Égypte, et dissipèrent presque entièrement les mameloucks; mais ce bey, qui connaissait tous les vallons et toutes les routes du désert, parvint toujours à s'échapper, suivi d'un petit nombre de cavaliers excellens, quoique accablés de fatigue.[5]

      On croyait d'abord n'avoir besoin, dans la Haute-Égypte que de quelques postes militaires pour protéger la navigation du Nil, contenir les habitans du pays, et conserver les magasins de vivres et de munitions. Cependant l'arrivée d'un corps d'Arabes Mekkins, venus par Cosséir, fit sentir la nécessité d'occuper ce port; aussitôt qu'on eut réuni des moyens suffisans, on s'y établit, et on fortifia un ancien château. Kenëh, qui est sur le Nil au débouché du Cosséir, fut choisi pour la construction d'un fort servant de dépôt à ce port, et de poste militaire principal dans la Haute-Égypte. D'autres postes furent fortifiés à Girgëh, Siout, Miniet et Benesouef.

      L'occupation de toute la Haute-Égypte et de Cosséir, et la guerre contre Mourâd-Bey, employaient beaucoup de troupes qu'il aurait été utile de réunir à l'armée, pour qu'elle fût bien en état de résister aux attaques extérieures. Il était cependant nécessaire de tirer de ce pays des ressources pour nourrir l'armée et payer ses dépenses. Kléber remplit ces deux objets par la paix avec Mourâd-Bey, qui devint tributaire pour les provinces dont il conserva le gouvernement. Les postes militaires de Siout, Miniet et Benesouef, furent gardés par un petit nombre de Français, chargés de protéger les opérations du gouvernement dans les provinces conservées. Kléber se réserva la faculté d'entretenir garnison à Cosséir; mais il voulut attendre, pour en profiter, que les troupes qu'on y enverrait y fussent moins isolées, après l'établissement de quelques communications maritimes entre Souez et Cosséir.

      On aurait une idée très fausse des fortifications que les Français ont construites en Égypte, si on y appliquait ce qu'on entend en Europe par place, fort, poste militaire, etc., etc. Il faut toujours se rappeler ce que j'ai dit des obstacles qu'on eut à surmonter: on dut créer de nouveaux genres de fortifications et de constructions, applicables au pays, aux matériaux, et relatifs aux diverses attaques dont on pouvait être menacé.

      Des maisons, ou d'anciennes constructions, armées de quelques pièces de canon et crénelées; de petites tours aussi crénelées et surmontées d'une terrasse et d'une ou deux pièces de canon, étaient des postes où une vingtaine de Français attendaient sans crainte ou repoussaient toutes les attaques de la cavalerie ennemie, ou d'une multitude soulevée, et n'y craignaient même pas quelques pièces d'artillerie mal servies. Une grande partie des postes que j'ai appelés forts étaient de ce genre. Les vivres et munitions pour la garnison et ceux en dépôt pour l'armée étaient mis dans des magasins construits dans l'intérieur, ou bien adossés extérieurement à ces constructions.

      Afin de mettre ces postes un peu à l'abri du feu de l'artillerie, on éleva autour de quelques uns, des parapets, ou des chemins couverts. Ils formaient alors un réduit, et pour les attaquer avec succès, on aurait été obligé de cheminer et d'établir une batterie sur le glacis. C'est le système qu'on avait adopté pour Salêhiëh, et qui, par la succession des travaux, pouvait le transformer en place régulière.

      D'anciens châteaux, autour desquels on n'avait pas eu le temps de creuser des fossés et de bâtir des contrescarpes revêtues, portaient le nom de forts; le pied de revêtement de plusieurs était à peine garanti par un léger bourrelet. Ces forts ne pouvaient par conséquent résister à l'artillerie. La plupart n'étaient aussi que de simples redoutes de campagne, qu'on commençait à revêtir et qui n'avaient pas de contrescarpe.

      Presque tous ces ouvrages étaient entourés de palmiers, décombres, monticules de sable, etc., etc., qui rendaient les approches faciles, et dont on n'avait pu les dégager. Tous ces inconvéniens étaient réunis à Alexandrie; cependant les ouvrages dispersés sur un développement immense, se soutenaient réciproquement; mais les approches étaient faciles, et on avait dû négliger plusieurs points importans, pour mettre plus tôt les principaux ouvrages en état de résister. Dans les derniers temps on n'avait pas donné tout l'argent ni employé tous les bras qu'on aurait pu consacrer à ces travaux; et Alexandrie n'était pas en état de résister plus de huit jours à une attaque régulière.

      On avait toujours regardé la ville du Caire comme trop considérable et trop peuplée pour être défendue; cependant, après le siége qu'il avait été obligé d'en faire, Kléber voulut éviter que dans des circonstances pareilles à celles d'Héliopolis, des partis ennemis pussent y pénétrer et occasionner une nouvelle révolte; en conséquence, il ordonna la réparation d'un ancien mur d'enceinte, la construction de quelques tours et l'occupation de plusieurs postes. Il destinait particulièrement à ce service les troupes auxiliaires grecques et cophtes, de manière qu'il aurait toujours eu l'armée disponible; mais, en ordonnant ces travaux, il n'avait jamais pensé que dans aucun cas elle dût s'y renfermer. Après sa mort on les continua; et comme ils s'exécutaient sous les yeux du chef de l'armée, on leur donna une importance qu'ils n'auraient jamais dû avoir: on les augmenta en nombre et en solidité, et on y employa des fonds et des ouvriers qui auraient été plus utiles ailleurs, particulièrement à Alexandrie.

      Cet СКАЧАТЬ