La destinée. Ages Lucie des
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Название: La destinée

Автор: Ages Lucie des

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

Серия:

isbn: 4064066083618

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СКАЧАТЬ les autres salles sans que la petite fille les eût entendus venir. Elle ne leva pas la tête à leur approche et se serra, au contraire, d'un mouvement craintif, contre le coussin derrière lequel se cachait son visage, semblable à ces oiseaux qui, la tête abritée sous leur aile, s'imaginent se dérober à l'oeil du chasseur.

      - Cette petite créature ne semble pas extrêmement civilisée, dit Jacques. Elle paraît peu habituée à la société de ses semblables!

      - Il faut pourtant s'adresser à elle, car je ne pense pas qu'il y ait personne autre dans la maison.

      - Mademoiselle! appela le lieutenant en se penchant.

      Sarah ne bougea pas.

      - Voyons, regardez-moi, je vous en prie, reprit-il d'un ton insinuant. Je n'ai pas la prétention d'être un joli garçon, mais un regard vous démontrera que je n'ai rien de si terrifiant que vous semblez le croire.

      Sa tentative fut sans succès et Sarah ne parut pas avoir entendu cette invitation.

      Il se retourna d'un air découragé vers le docteur:

      - Elle demeure insensible à mon éloquence et refuse décidément de me donner audience!

      - Ton uniforme l'effraie peut-être.

      - C'est donc une princesse bien sauvage! Essaie alors de l'apprivoiser, mon ami.

      - Mon enfant, dit Robert doucement, ayez la complaisance de nous répondre.

      - Voilà, je pense, une façon civile d'interroger les gens! murmura Jacques.

      - Où est M. Larousse? reprit le docteur, s'adressant encore à la petite fille.

      Celle-ci se hasarda enfin à écarter un des coussins et jeta un regard sur les visiteurs.

      - Par où êtes-vous entrés? demanda-t-elle avec autant d'étonnement que si les deux jeunes gens, munis chacun d'une paire d'ailes, fussent descendus à travers le rayon pâle que le soleil envoyait dans l'appartement.

      - Par la porte, ma belle enfant, dit Jacques. Vous semblez ne pas comprendre que nous ayons usé d'un moyen si naturel de pénétrer chez vous! Par où pensez-vous donc que nous ayons l'habitude de nous introduire dans les magasins?

      Le jeune officier s'amusait de l'attitude effarouchée de Sarah et trouvait plaisant de la taquiner; mais Robert eut pitié d'elle:

      - Je t'en prie, ne l'effraie pas. Elle est déjà assez difficile à approcher! Si tu continues, nous n'en tirerons rien.

      Puis, se penchant de nouveau, car la petite fille du marchand était restée dans la même position, hésitant à inspecter encore ceux qui lui parlaient:

      - Peut-on voir Nicolas Larousse?

      Sans doute, l'enfant sentit une intonation protectrice dans cette voix, adoucie pour la rassurer; relevant ses paupières aux longs cils et repoussant d'un geste ses cheveux, qui s'étaient dénoués et cachaient son visage, elle regarda le jeune homme.

      Le docteur Martelac n'était rien moins que rassurant au premier abord; ses traits trop forts, son regard grave et sa taille élevée devaient inspirer une certaine frayeur à une sauvage créature comme Sarah. La personne de Jacques, au contraire, avait une apparence d'élégance et de jeunesse; ses traits fins et réguliers, ses grands yeux gris, sa moustache blonde et soyeuse, la douceur naturelle de son sourire, formaient un ensemble sympathique. Toutefois, Sarah fut satisfaite, sans doute, par le rapide coup d'oeil qu'elle avait jeté sur le premier, car ce fut à lui qu'elle s'adressa quand elle se décida à répondre, non sans un reste de timidité:

      - Il est sorti. Habituellement, il ne sort jamais sans fermer à clé la porte de la rue. Elle ne l'était donc pas?

      - Non, nous avons frappé longtemps et appelé quelqu'un. Personne ne nous ayant répondu, nous nous sommes décidés à ouvrir et votre rire de toute à l'heure nous a amenés vers vous.

      - Comme vous êtes belle! dit Jacques en montrant du doigt le collier de l'enfant. Vous êtes couverte de bijoux comme les fées des contes enfantins.

      La comparaison, en ce moment, semblait juste. Debout, car elle avait enfin quitté l'abri des coussins pour répondre à Robert, elle retenait autour d'elle l'étoffe aux vives couleurs avec sa main chargée de bracelets trop grands pour son poignet délicat. Sa chevelure, à travers laquelle glissaient les épingles de corail qui l'avaient retenue, tombait sur ses épaules et elle regardait, de ses grands yeux sauvages et encore effrayés, les deux jeunes gens étonnés. A la remarque de Jacques, elle tourna les yeux vers la glace et dit:

      - Mon grand-père a tant de choses comme celles-là!

      - Il est donc riche?

      - Oui, je pense. Il doit l'être, il aime beaucoup l'argent et en amasse le plus possible.

      Puis, oubliant un instant sa timidité pour raconter le secret surpris:

      - Tenez, là, ajouta-t-elle en montrant la direction dans laquelle se trouvait le cabinet de Nicolas, il a beaucoup d'or. Il ne croit pas que je le sais, car il se plaint toujours devant moi et ne cesse de m'engager à économiser sur notre nourriture. Un soir qu'il me croyait endormie, je suis venue doucement pour savoir ce qu'il faisait; j'ai vu la lueur de sa lampe à travers la porte entrebâillée et je me suis avancée. Assis devant un grand coffre où il y avait des billets et des pièces d'or, il mettait les pièces en piles, les comptait et les remettait dans la caisse.

      - Rit-il souvent? demanda Robert, frappé de l'expression sérieuse de cette figure enfantine.

      - Jamais, dit Sarah en secouant la tête.

      - Vous aime-t-il?

      - Je ne sais pas.

      L'aimer? Elle? Qui donc l'avait aimée? Peut-être celle à laquelle elle avait donné le dom de mère. Encore, Sarah n'avait aucun souvenir de ces expansives tendresses par lesquelles tant de jeunes têtes se trouvent entourées, mais seulement d'un amour glacé, souvent dur, tel que peuvent l'éprouver les créatures inférieures dont l'instinct maternel consiste à sauvegarder la vie de ceux auxquels elles ont donné le jour.

      Puis la mort était venue fermer cette source avare et sa main enfantine placée dans la main desséchée de Nicolas, elle avait commencé à marcher dans cette vie dont les duretés imprévues avaient imprégné ses regards d'une tristesse singulière.

      Tout en parlant, elle enlevait le collier, les bracelets et les épingles piquées dans ses cheveux; alors, elle laissa retomber à ses pieds l'étoffe rayée dont son innocente vanité s'était fait une toilette fantaisiste et parut revêtue de ses misérables vêtements, absolument comme l'héroïne des contes de Perrault, subitement dépouillée des riches parures dues à la baguette magique de sa marraine.

      Sarah était petite, même pour son âge. Mais ses membres délicats parfaitement modelés, sa taille gracieuse, son teint d'une blancheur mate sous laquelle on voyait par instant glisser un sang pâle qui donnait à ses joues une teinte rosée, ses yeux grands et intelligents, si lumineux qu'on les eût dits parfois pailletés d'or, tout cela en faisait une jolie enfant, malgré les vêtements misérables dont elle était revêtue. Ce fut l'avis des deux jeunes gens, et Jacques murmura à l'oreille de son ami:

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