La destinée. Ages Lucie des
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Название: La destinée

Автор: Ages Lucie des

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

Серия:

isbn: 4064066083618

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СКАЧАТЬ autant celui auquel il parlait était grêle et délicat.

      - Je n'en veux ni à l'un ni à l'autre, dit enfin ce dernier, mais je vous prierai, s'il n'y a aucune indiscrétion à vous adresser pareille demande, de venir avec moi sous ce réverbère.

      - Pourquoi?

      - Pour que je puisse vous voir.

      Un éclat de rire résonna dans le silence de la rue, où ne se faisait entendre que le bruit des gouttes d'eau, tombant à intervalles de plus en plus éloignés des toits encore ruisselants. Poitiers est une ville paisible, et le quartier où se rencontraient les deux jeunes gens était éloigné du centre, seul endroit où le mouvement se prolonge après la tombée de la nuit.

      Parbleu! Il ne sera pas dit que je vous aurai refusé cette satisfaction, si vous y tenez! répondit joyeusement Robert. Vous désirez, il paraît, avant d'entamer une conversation, savoir si votre auditeur possède une honnête figure? A votre aise! Je me prête de bon coeur à l'accomplissement de ce désir; d'autant que vous me permettrez, je suppose, le même examen de votre personne. Toutefois, laissez-moi vous communiquer ma première impression. Vous ne sauriez être tout au plus qu'un diminutif de brigand! La voix de Fra Diavolo devait avoir d'autres intonations que la vôtre, dont le timbre doux et caressant me semble propre à soupirer de sentimentales paroles plus qu'à effrayer les passants. Tenez, mon lieutenant, ajouta-t-il en passant la main sur la manche du jeune officier et en comptant les galons d'or qui luisaient sur le vêtement sombre, allez roucouler quelque refrain d'amour, mais ne vous avisez plus de jouer au voleur! Le rôle ne vous convient pas.

      Cette singulière aventure mettait le docteur en gaîté. Complaisamment, il se laissa conduire par l'inconnu sous un réverbère dont la lumière vacillante pouvait permettre de distinguer ses traits.

      - Voici! dit-il en enlevant son chapeau et en relevant légèrement la tête pour laisser la lumière se répandre sur son front et éclairer ses yeux souriants.

      - Robert Martelac!

      Robert tressaillit et subitement son visage redevint sérieux. Quelque chose comme un son lointain avait frappé son oreille; il se pencha en avant pour examiner à son tour celui qui était devant lui. Au bout d'un instant, la mémoire lui revenant:

      - Jacques Hilleret! s'écria-t-il.

      Ils tombèrent dans les bras l'un de l'autre.

      - Toi? C'est toi qui joues ainsi au voleur? disait Robert avec bonne humeur. Du diable si je croyais te rencontrer ce soir sur mon chemin! Si tu ne m'avais poliment prié de me montrer, j'eusse passé près de toi sans te reconnaître, grâce au parcimonieux éclairage de cette rue. Je suis ravi!

      En même temps, il serrait chaleureusement les mains du jeune lieutenant.

      - Quel bonheur de te retrouver! murmurait celui-ci, dont la frêle personne semblait secouée par l'émotion.

      - Toujours le même! dit Robert. Aussi profondément touché par l'émotion qu'une femme ou un enfant! Mon pauvre Jacques, il faut être plus fort.

      Ces paroles étaient prononcées sur un ton d'affectueuse remontrance.

      - Oui, comme autrefois, répondit l'officier en souriant à ce souvenir, quand tu me disais qu'il fallait apprendre à me défendre contre mes camarades. Je n'ai jamais su!

      - Et pourtant, j'en suis sûr, malgré cette nature impressionnable à l'excès, tu feras toujours honneur à l'uniforme que tu portes.

      En disant cela, le docteur prenait le bras de Jacques et rebroussait chemin sans que son ami fît aucune résistance.

      - Certes! Je l'espère. J'aime ma carrière avec passion.

      - Je n'en doute pas. Le Français est né soldat. L'amour de son pays l'électrise. Les enfants timides et doux eux-mêmes, tels que tu l'étais jadis, rêvent d'exterminer le monde afin de faire plus grande et plus glorieuse la part de leur pays. Tu es en garnison ici?

      - J'arrive aujourd'hui et je n'ai pas encore eu le temps de me découvrir un gîte définitif.

      - Alors, je t'emmène chez ma mère.

      - Impossible! A pareille heure, ce serait une invasion que je ne saurais me permettre qu'en pays conquis! Je n'ai pas l'honneur de la connaître.

      - Vous ferez connaissance. Elle accueille toujours très bien les amis de son fils.

      Jacques se débattit un instant, trouvant la chose indiscrète de sa part. Mais Robert insista et eut facilement raison des scrupules du lieutenant, trop heureux d'ailleurs de la perspective d'une soirée passée avec lui pour résister longtemps à cette invitation.

      - Je n'espérais pas te trouver ici en ce moment, reprit M. Hilleret, quand il eut enfin consenti à se laisser diriger vers la maison de Madame Martelac. Je te croyais à Paris, où ta réputation grandit malgré ta jeunesse et c'est pourquoi j'ai hésité à t'arrêter.

      - Non pas à m'arrêter, mon ami, car tu l'as fait avec une crâne désinvolture, il faut l'avouer! Tout au plus as-tu hésité à me questionner pour t'assurer de mon identité. Je bénis le hasard qui me fait te rencontrer justement le jour de ton arrivée ici quand moi-même j'y suis pour quelques heures seulement. Je retourne après-demain à Paris, mais je viens voir ma mère toutes les fois qu'il m'est possible de m'arracher à mes occupations.

      Les deux jeunes gens avaient tout en causant remonté la rue. Robert s'arrêta devant une vieille maison à laquelle on arrivait par un perron de trois marches, profondément usées au milieu par les pas de nombreuses générations. De chaque côté une rampe en fer offrait un appui pour les gravir. Le docteur sonna, et se tournant ensuite vers Jacques, il lui dit:

      - Sois le bienvenu dans cette chère demeure qui m'a vu naître après avoir abrité un nombre considérable de Martelac, peu fortunés, je crois, si j'en juge par l'aspect de la maison qu'ils m'ont léguée.

      Cette maison, en effet, ne pouvait donner une haute idée de la fortune de ses propriétaires passés et présents. Humblement retirée, un peu en arrière de l'alignement de la rue, elle semblait faire timidement place à deux constructions neuves qui s'étaient élevées de chaque côté d'elle et l'écrasaient de leur jeunesse arrogante. Son toit affaissé était couvert de tuiles brunies par le temps et ses fenêtres s'ouvraient, les unes larges au-delà de l'ordinaire, les autres longues et étroites comme des meurtrières, suivant le goût capricieux de l'architecte chargé de la construire. La lumière tremblotante des becs de gaz revêtait sa façade noircie d'une teinte jaune, tandis qu'elle faisait briller par instants la blancheur neuve de ses voisines.

      Madame Martelac était venue habiter là aussitôt après son mariage; son fils y était né, son mari y était mort et pour rien au monde elle n'eût consenti à abandonner cette demeure imprégnée de ses souvenirs.

      Nos pères avaient l'amour de la maison, l'amour du chez soi, et ils s'en trouvaient bien. Les générations se succédaient entre les mêmes murs, en face des mêmes horizons. Elles grandissaient dans le même milieu, transformé lentement par le temps, et s'attachaient instinctivement à ces habitations dans lesquelles leurs ancêtres avaient eu leurs joies et leurs peines, comme elles-mêmes à leur tour y avaient les leurs. Elles retrouvaient là les traces de leurs ascendants et les exemples sur lesquels elles cherchaient à former leur vie. L'amour du changement est venu, amenant le besoin de locomotion СКАЧАТЬ