Cités et ruines américaines: Mitla, Palenqué, Izamal, Chichen-Itza, Uxmal. Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc
Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу Cités et ruines américaines: Mitla, Palenqué, Izamal, Chichen-Itza, Uxmal - Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc страница 8

СКАЧАТЬ

      Adam de Brême, dans son Histoire ecclésiastique, parle ainsi des peuples scandinaves[35]: «La nation des Suédois a un temple célèbre, celui d'Upsal, non loin de la ville de Sictona ou Birka. Dans ce temple, qui est tout orné d'or, le peuple vénère les statues de trois dieux, dont le plus puissant, qui est Thor, occupe seul, au milieu, le triclinium. À droite et à gauche sont Wodan et Fricco. Voici leur signification: Thor, disent-ils, règne dans l'air et gouverne les tonnerres et les éclairs[36], les vents et les pluies, les temps et les productions de la terre. Le second, Wodan, c'est-à-dire le fort, préside à la guerre et inspire le courage des hommes contre les ennemis. Le troisième est Fricco, qui accorde aux mortels la paix et les plaisirs, et qui est représenté par un grand phalle. Quant à Wodan, ils le façonnent tout armé, comme les nôtres ont coutume de représenter Mars. Thor, lui, avec son sceptre, semblait reproduire Jupiter. Ils honorent aussi des hommes élevés au rang des dieux et que, pour leurs grandes actions, ils ont gratifiés de l'immortalité[37], comme est dit avoir fait le roi Éric dans la vie de saint Ansgar, c'est-à-dire qu'ils assignent à tous les dieux des prêtres chargés d'offrir les sacrifices du peuple. Si l'on est menacé de la peste ou de la famine, on sacrifie à l'idole de Thor; si c'est de la guerre, on sacrifie à Wodan; s'il s'agit d'un mariage, à Fricco. Tous les neuf ans, on a coutume de célébrer une solennité où se réunissent toutes les provinces de la Suède: personne n'est dispensé de s'y rendre. Les rois et tout le peuple envoient leurs offrandes à Upsal, et, ce qu'il y a de plus douloureux au monde, ceux qui ont embrassé le christianisme se rachètent par ces cérémonies. Le sacrifice consiste à offrir neuf têtes d'hommes ou d'animaux mâles de toute espèce, par le sang desquels on a coutume de fléchir ces dieux. Leurs corps sont suspendus dans le bois qui est voisin du temple[38]. Ce bois est tellement sacré pour les païens, qu'ils en croient tous les arbres divins, comme étant nourris du sang des victimes. Il y a des chiens suspendus avec des hommes: un chrétien m'a dit avoir vu soixante-dix corps d'hommes ou d'animaux mêlés ensemble qui pendaient aux arbres. Du reste, il se pratique dans ces cérémonies une foule d'autres choses pour la plupart déshonnêtes, et que, pour cela, nous passerons sous silence[39]...»

      Soit que l'on considère les nombreuses migrations qui, du nord, sont descendues vers l'Amérique centrale comme étant venues par le détroit de Behring ou par le Groenland, c'est-à-dire du nord-ouest ou du nord-est, toujours est-il qu'il existe entre les idées religieuses, les habitudes et les mœurs de ces tribus émigrantes et celles des populations antiques descendues des plateaux septentrionaux de l'Asie, des rapports frappants.

      Examinons donc les monuments. Nous avons dit précédemment que ces monuments ne pouvaient appartenir ni à une seule époque, ni à une seule race. À nos yeux, les monuments de Palenqué seraient les plus anciens; ils seraient dus à une race déjà mêlée cependant d'aborigènes ou d'indigènes jaunes et des premières migrations blanches, aux Olmécas. Ceux de l'Yucatan auraient été élevés après l'invasion de la puissante émigration blanche des Quichés dans l'empire de Xibalba; ceux de Mitla, au départ de certaines tribus quichées de Tulan et à leur établissement postérieur à la conquête de Xibalba. C'est ce que nous tenterons de démontrer, après avoir décrit les curieuses ruines qui nous occupent. Les monuments de l'Yucatan, quoique bâtis, pensons-nous, dans l'espace d'un siècle à peine, présentent entre eux des dissemblances de style qui nous obligent à les classer séparément.

      RUINES D'ISAMAL

      À la base d'une des pyramides, seuls débris de cette ville antique de l'Yucatan, il existe, pl. XXV, une tête gigantesque modelée au moyen d'un ciment enveloppant des moellons irréguliers. C'est une sorte de gros blocage dont les moellons, posés avec art par le sculpteur au milieu d'un mortier très-dur, ont formé les joues, la bouche, le nez, les yeux. Cette tête colossale est réellement une bâtisse enduite. Autour, des enroulements enchevêtrés, également modelés en ciment, forment un parement irrégulier. Le caractère de la tête ne rappelle pas le type de celles des sculptures de Palenqué; les traits sont beaux, la bouche est bien faite, les yeux grands sans être saillants, le front, couvert d'un ornement, ne semble point fuyant. Cette tête était peinte comme toute l'architecture mexicaine, et des traces de la peinture sont encore très-visibles dans la bouche. Ici, comme on le voit, non-seulement le mortier est employé comme moyen d'agglutination des matériaux, mais il sert à modeler; c'est une pâte que le sculpteur met en œuvre, et cette pâte, ce stuc a été appliqué par des ouvriers très-expérimentés, puisqu'il a résisté aux intempéries pendant une longue suite de siècles; or un peuple primitif, chez lequel les arts sont à l'état d'enfance, assemble du bois, ou accumule des blocs de pierre à force de bras; mais il n'arrive que bien tard à mettre en œuvre avec succès une matière comme le mortier, qui demande non-seulement des préparations diverses, mais une longue pratique et des observations très-délicates; encore faut-il que ces constructeurs possèdent les aptitudes naturelles aux races qui, sur la surface du globe, semblent spécialement destinées à employer la chaux dans leurs constructions. Je le répète, ni les Égyptiens, ni les Grecs même, n'ont jamais employé la chaux et le sable dans leurs bâtisses. Le mortier, la matière agglutinante qui réunit des pierres pour n'en former qu'un roc, n'appartient qu'aux races touraniennes ou à celles qui ont reçu du sang jaune dans leurs veines.

      La pl. XXIV présente un ensemble de la pyramide au bas de laquelle est modelée la tête précédente.

      La pl. XXIII fait voir l'ensemble de la grande pyramide à deux étages d'Isamal. La base de la plate-forme inférieure n'a pas moins de 250m de côté; son plateau, 200m environ; sa hauteur totale est de 15 à 20m. La pyramide supérieure a 20m environ. Il faut observer que ces pyramides élevées en pays plat sont entièrement en maçonnerie pleine. Dans la pl. XXIII, on distingue parfaitement les escaliers qui permettaient de monter jusqu'à la plate-forme supérieure, privée malheureusement de l'édifice qui la couronnait.

      RUINES DE CHICHEN-ITZA

      À Chichen-Itza, nous voyons une de ces pyramides de maçonnerie couronnée de son édifice, pl. XXXII, auquel on donne aujourd'hui le nom du château. Vu de près, l'un de ces monuments, appelé la Prison, pl. XXXI, présente une construction assez mal faite composée d'un blocage revêtu d'un parement en gros moellons irrégulièrement taillés et posés. On observera que les baies de cet édifice consistent en des pieds-droits verticaux avec linteaux de pierre; que le couronnement présente une combinaison de méandres formés de petites pierres juxtaposées et scellées au blocage au moyen du mortier. Des pierres plus fortes soutiennent les angles; mais cet édifice est un des moins bien construits de l'Yucatan. Le monument de Chichen-Itza, connu sous le nom du Cirque, pl. XXXIV, nous montre un appareil plus grand et dont une partie est couverte de sculptures. Sur une frise, comprise entre deux assises de rinceaux, sont figurés des tigres se suivant, ou affrontés deux par deux et séparés par des couronnes, contenant de petits disques percés. Bien que les parements de cet édifice soient mieux faits que ceux de la Prison, cependant on observera que les joints des pierres ne sont pas coupés conformément à l'habitude des constructeurs d'appareils, mais que les pierres, ne formant pas liaison, présentent plusieurs joints les uns au-dessus des autres et ne tiennent que par l'adhérence des mortiers qui les réunit au blocage intérieur. Par le fait, ces parements ne sont autre chose qu'une décoration, un revêtement collé devant un massif. Toutefois, rien dans cette construction n'indique une tradition de structure en bois. C'est un blocage revêtu, tandis que dans la plupart des autres monuments de l'Yucatan, la structure de bois apparaît dans les bâtisses de pierre, particulièrement dans ceux d'Uxmal, que nous allons examiner tout à l'heure.

      On voit sur la face du bâtiment du Cirque, pl. XXXIV, au-dessous de l'assise des entrelacs inférieurs, cinq trous circulaires. Ces trous, que nous retrouverons plus apparents encore dans d'autres monuments du Mexique, paraissent avoir été réservés pour recevoir des boulins ou grosses perches de bois, auxquelles étaient attachées des bannes, afin de former СКАЧАТЬ