Mémoires d'un cambrioleur retiré des affaires. Galopin Arnould
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Название: Mémoires d'un cambrioleur retiré des affaires

Автор: Galopin Arnould

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

Серия:

isbn: 4064066083403

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      —Sais-tu, Bartissol, à quoi je songe?... aux nuits de Noël de chez nous. Elles étaient bleues comme celle-ci, à cause du clair de lune sur la neige, mais il y avait plus de neige dans ce temps-là qu'aujourd'hui... ou bien c'est le pays qui n'est pas le même... On allait en bande à la messe de minuit, et puis on revenait gelé, transi et bien content de trouver une bonne bûche qui pétillait dans l'âtre. Alors... on réveillonnait avec des crêpes, du boudin, et les anciens racontaient des histoires.

      —Ah oui! fit Bartissol, les vieux en ont toujours de bonnes.

      —La plupart du temps, reprit le Breton, c'étaient des contes qui font peur... Nous... les gosses, on dormait à moitié, mais on se réveillait toujours dès qu'on parlait du Korrigan.

      —Hé! railla Bartissol, qu'est-ce que c'est que ça, le Korrigan?

      —C'est comme qui dirait une sorte de loup-garou...

      —En as-tu vu?

      —Moi... non, mais il y a des gens qui en ont vu.

      —Et à quoi cela ressemble-t-il?... à une bête?

      —Non... Ce serait plutôt un homme... certains croient que c'est un damné... un mort qui revient, comprends-tu?

      —Eh bien! vous êtes gais là-bas, en Bretagne... Chez nous, à Pézenas, on réveillonne aussi, mais on chante et on boit, Bou Diou! et les garçons dansent avec les filles... ça, c'est s'amuser, quoi!... Enfin, bref, quelle figure a-t-il, ton Korrigan?

      —Cela dépend... Quelquefois, on ne voit que deux yeux...

      —Hein?... deux yeux, sans corps?

      —Il paraît... Deux yeux qui brillent dans la nuit et qui se mettent à vous poursuivre... D'autres fois, cela vous saisit brusquement par derrière... vous renverse, et il y a des malheureux que l'on a trouvés morts, la figure déchirée... le ventre ouvert...

      —Brrr!...

      L'homme du Midi tortilla sa longue moustache d'un geste vainqueur d'ancien dragon et se mit à rire doucement. Il n'était pas de ceux qui croient aux Korrigans ni aux contes de bonne femme.

      Le petit Logarec, ancien quartier-maître de la flotte, se réservait et n'en pensait pas moins.

      Cependant, les deux gardiens tombèrent d'accord sur ce point qu'il était abusif, à l'heure où tous les vivants s'amusent, de condamner deux fonctionnaires à garder trois ou quatre personnages, défunts depuis des siècles.

      —Que l'on veille sur les diamants, dit Bartissol, je comprends; sur les tableaux, passe encore, mais supposer que quelqu'un aura jamais l'idée d'enlever une vieille dame comme cette reine-là...

      —Des fois..., répliqua Logarec.

      —Et que veux-tu qu'on en fasse?

      —Toi ou moi, rien, pardi! mais un savant, un collectionneur! ces gens-là n'ont pas des idées comme tout le monde... Avoue que c'est drôle tout de même, ces antiquités... Je trouve que ça vous a quelque chose d'impressionnant...

      Et, tout en parlant, Logarec, rêveur, contemplait la glace qui recouvrait le sarcophage dans lequel était enfermée la pauvre reine Tia.

      La tête et le haut du buste de la momie étaient dégagés des bandelettes, ainsi que ses mains, ramenées sous le menton. Ce masque de mort sévère, de couleur sombre, aux traits profondément accentués, paraissait de bronze. On l'eût pu prendre pour une figure sculptée en haut-relief, n'eût été une sorte d'humidité persistante entre les deux bords des paupières.

      Le gros œil de cyclope de la lanterne sourde posée sur la glace éclairait le visage en dessous et rebroussait de bas en haut toutes les ombres.

      Attiré, malgré lui, Bartissol regardait aussi.

      —Non, vois-tu, fit Logarec, tu diras ce que tu voudras, mais ces morts-là ne sont pas comme les autres... Te figures-tu bien ce que nous serons, toi et moi, cinq ans seulement après qu'on nous aura enterrés?...

      —En voilà des idées... non, mais t'es pas un peu «marteau», mon pauvre Logarec?

      Bartissol avait la voix puissante et, dans le grand vide des hautes salles, les échos de cette voix répercutée par les caissons résonnaient étrangement.

      Il s'en aperçut, sans doute, car il continua, baissant le ton:

      —Satané «nigousse»! va! Il finirait par vous donner la tremblote.

      Puis haussant les épaules:

      —Ces Bretons! tous superstitieux comme des vieilles femmes.

      Et, pour se donner une contenance, le Méridional, plus impressionné qu'il ne voulait le paraître, repoussa de dépit la lanterne qui glissa sur la glace du sarcophage.

      Les ombres se déplacèrent violemment, bouleversant les traits de la momie et, subitement, le visage de la reine Tia changea d'expression.

      Bartissol tourna le dos.

      Quant à Logarec, il coulait un regard furtif vers ce masque mystérieux qui l'attirait étrangement.

      Tout à coup, il tressaillit.

      —Qu'as-tu donc? demanda Bartissol en faisant lui-même un mouvement involontaire.

      —Moi... rien... répondit Logarec.

      Le Méridional fit claquer ses doigts.

      —C'est toutes tes histoires aussi... Secouons-nous. Bon Dieu... Tiens, entends-tu comme on chante dans la rue... A Pézenas, on est gai comme cela... pas de fête sans chansons. Crier à pleine gorge, voilà qui vous chasse les idées noires... mais on n'en a pas chez nous. Aussi, on chante toujours... Je me rappelle, l'année où j'ai tiré au sort...

      Brusquement, Bartissol se sentit saisir par le bras.

      Logarec fixait sur lui deux yeux agrandis par la peur.

      —Tu as entendu?... souffla-t-il.

      —Quoi?... les «réveillonneurs» qui chantent?

      —Non... là... je ne sais pas... Quelque chose a craqué!...

      —Bah!... c'est une lame de parquet...

      —Je ne crois pas... c'était comme qui dirait dans l'air...

      —Tu ne vas pas croire que c'est le Korrigan... je suppose...

      —Ne ris pas, Bartissol, je te dis que quelque chose a craqué...

      —Eh oui... c'est le parquet... parbleu!

      —Non... Cela sonnait le creux...

      —Le creux!... le creux!... tu ferais devenir les gens fous, ma parole... Tu sais pourtant bien que le parquet est mauvais, qu'il y a un tas de lames qui fléchissent... même qu'on a déjà fait СКАЧАТЬ