Le cycle patibulaire. Georges Eekhoud
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Читать онлайн книгу Le cycle patibulaire - Georges Eekhoud страница 6

Название: Le cycle patibulaire

Автор: Georges Eekhoud

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

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isbn: 4064066086169

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      Quant aux paroissiennes, furieuses de voir se détourner à ton profit l'attention des plantureux garçons, elles nous témoignèrent peut-être des sentiments moins équivoques; leurs physionomies mafflues exprimaient une haine sans mélange. Leurs sourires pincés, leurs clins d'œil obliques luisardaient comme des braises.

      Sois sûre, pauvre amie, que si mes pronostics se fussent réalisés, jalouses, ces Katto, safres comme des chiennes, n'auraient jamais permis à leurs Jann ragoûtants de te posséder vivante. Aussi, tu baissas la tête sous l'anathème de ces prunelles!...

      Ce qui m'entraînerait décidément à supposer que les villageois nous épargnèrent parce qu'ils flairaient mon faible pour eux, c'est qu'à mon simulacre de défi quelques-uns des blousiers répondirent en me tirant ironiquement leur casquette. «Sois tranquille, avaient-ils l'air d'insinuer, nous te connaissons, mon beau monsieur. Faux citadin, âme rurale, transfuge repenti! Au besoin, plutôt que de nous contrarier, tu nous prêterais main-forte et ferais notre jeu; car en toi commande notre race, bouillonne notre sang et couve notre humeur.»

      A peine les eûmes-nous dépassés, en leur tournant le dos, qu'ils nous gratifièrent de quelques quolibets soulignés par des rires égrillards.

      Aussi, tu pus croire que je les avais réellement matés....

      Seule une terrienne plus effrontée que les autres, encouragée et poussée par ses compagnes, se détacha de la file en courant, nous rejoignit, se tint en travers de notre route et avisant la brassée de bruyères que tu avais cueillie, nous décocha cette boutade plus gracieuse qu'offensive:

      —La petite signorine, prenez garde que les abeilles de Campine ne viennent vous réclamer tout à l'heure les fleurs que vous leur dérobez!

      Et elle s'en retourna, plus interloquée que nous, ce qui n'empêcha pas la galerie de l'accueillir à son retour par des vivats et des effusions de gestes; convaincus que la pataude nous avait gratifiés d'une de ces énormités qu'engraisse et que farcit la langue flamande. Quelques grasses huées furent lancées sur nos talons par acquit de conscience.

      Hors de danger, nous n'échangeâmes pas un mot.

      Plutôt troublé que gêné, sans la moindre rancune contre ces rustauds, je m'abstins de te parler de l'incident, craignant autant d'épiloguer sur leur licence, que d'avouer ma blâmable partialité à leur égard.

      —Franchement, me disais-je, elle n'a pas à se plaindre! Les lurons sont restés platoniques tout de même! Ils lui devaient un hommage, et tant pis si l'expression en est un peu crue!

      Et, pour rester sincère, j'avouerai qu'il y eut chez moi, après l'inoffensive issue de cette aventure, plus de déconvenue que de soulagement.

      Il recommençait de tomber une tiède et intermittente pluie d'orage, d'un orage honteux et contraint. Tout ce que notre terre contient de désir morne et refoulé, de leurre poursuivi et d'amour éludé, de forces aux prises avec l'inertie, se résumait, à cette heure, dans ces solitudes, dans la cloche qui balbutiait l'angelus de midi, dans la terre qui suait, dans cette chaleur blanche comme certaines colères, dans les arbres flagellés par l'ondée et ne cessant d'expirer leurs sèves sans parvenir à en saturer l'impassible, l'implacable espace, mais surtout dans notre accablant silence trahissant une gêne réciproque et mettant entre nous un secret ou plutôt une sécrétion.

      Sans souci des représailles annoncées par la terrienne, pour te donner contenance, tu complétais ta moisson d'améthystes fleuries. Que craindre encore? Un essaim d'abeilles autrement farouches et gloutonnes t'avait guignée et menacée là-bas, au tournant du cimetière.

      Tacitement nous prîmes un autre chemin pour regagner la grand'route banale et le non moins banal railway.

      En retournant sur nos pas, nous n'aurions plus trouvé, assemblés au carrefour, tes inquiétants admirateurs.... Pourquoi éprouvais-je le besoin de mettre des lieues entre nous et le tilleul de Zoersel? Plus nous nous en éloignions, plus l'arbre tutélaire et sa nichée de rustres florissants m'obstruaient la mémoire.

      Et, durant toute cette journée de pathétique villégiature, tant au départ qu'au retour, la nature panthée fut de connivence avec nous, ou mieux, elle nous tourmenta de son malaise, de sa crise, de sa passion sourde qui n'éclatait pas.

      Et nous nous boudions, par contagion, comme le soleil boudait la terre; et nous aspirions à je ne sais quel redoutable inconnu!

      Hélas, pauvres nous, venus dans cette contrée vivifiante pour y ragoûter notre mutuelle tendresse, sentions s'y fondre, s'y anéantir, tout ce qui nous restait d'ardeur l'un pour l'autre! Nous ne nous suffisions plus....

      Le souvenir d'un stupide article de journal! Telle l'origine de notre inavouable malentendu.

      Les éléments avaient pris un malin plaisir à entretenir, d'heure en heure, ce germe de dissentiment, en me suggérant dès la descente du tramway, une anormale et pernicieuse admiration pour les destructeurs.

      L'aspect sous lequel s'annonça leur contrée justifia leur excessive originalité. Sous peine de discordance, c'était bien ainsi que devaient se comporter envers les civilisés les terriens de ce terroir! Ils ne pouvaient mentir à leur milieu farouche et hallucinant.

      L'après-midi déclinait lorsque nous nous aventurâmes dans la vaste «Bruyère des Vanneaux».

      Il avait fait, je ne saurais assez insister sur ce point, gris, opaque et énervant, tout le jour, avec des éclaircies ambiguës, des sourires faux, des rages en dedans. La température affectait des accablements et des suffocations, comme d'un cœur qui voudrait s'ouvrir mais qui n'ose, et qui se dissout faute de s'épancher.

      Et voilà que, tout à coup, le soleil boudeur et taquin, las de son jeu cruel et de ses éternelles refuites, sur le point de quitter l'horizon, se décida à en finir une bonne fois avec sa victime et, déchirant enfin sa tunique de nuages, vautra la plaine, navrée, mit l'horizon à feu et à sang, consomma son rouge viol.

      Alors seulement, chère ange, débarrassé de mon idée fixe, de ma délétère obsession, je te jetai à la dérobée un regard de compassion et de tendresse, tandis que la bruyère t'éclaboussait de ses rubis....

      Et ce fut comme si quelque victime d'expiation venait d'être livrée à ta place, aux amoureux en peine, sous le tilleul fatidique.

       Table des matières

      La ferme du Boschhof ou «Maison Forestière» était située entre Wortel et Ippenroy.

      Pays désolé mais plein de caractère, comme disent les peintres d'aujourd'hui: des bruyères couleur de rouille, des sapins d'un vert noirâtre, des genêts d'or, çà et là un de ces marais glauques et figés, entourés de genévriers, que nos paysans appellent vennes, de rares chênayes, des cultures plus rares, trois ou quatre clochers ayant l'air de se faire des signaux par-dessus des lieues de landes, et presque toujours un grand ciel nuageux, aussi mobile, aussi tourmenté que la plaine est quiète et amortie.

      Le contraste s'étend du décor à la population: au noyau des habitants СКАЧАТЬ