Histoire de Sibylle. Feuillet Octave
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Название: Histoire de Sibylle

Автор: Feuillet Octave

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

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isbn: 4064066083526

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СКАЧАТЬ resta au lit avec la fièvre pendant trois jours. Jacques Féray passe ces trois jours étendu comme un mort sous la fenêtre de sa chambre. Après de vaines tentatives pour l'arracher de cette place, on l'y laissa par l'ordre de M. de Férias, et on lui donna à manger là. Il n'en bougeait pas même la nuit. La quatrième jour, au matin, il s'entendit appeler par son nom, et, se dressant brusquement, il vit Sibylle à sa fenêtre. Il y eut quelque chose de touchant dans le sourire qui passa alors comme un rayon de soleil d'hiver sur ce pauvre visage qui ne riait jamais.

       Table des matières

      MISS O'NEIL

      M. de Férias, qui pensait que l'éducation morale des enfants doit être commencée dès le berceau, n'avait mis aucune hâte à entreprendre l'éducation intellectuelle de sa petite-fille.

      — L'âme, disait-il, est comme la moelle de ces jeunes arbres: elle veut être soutenue et dirigée dès qu'ils naissent; mais nous devons, comme fait la nature, attendre un certain degré de force et de maturité pour en tirer des fruits. Plus ce petit cerveau, ajoutait-il en caressant la blonde tête de Sibylle, témoigne d'heureuses et faciles dispositions, plus il demande à être ménagé et respecté dans sa fleur.

      Cependant il y eut pour le marquis et la marquise de Férias, lorsqu'enfin ils jugèrent opportun d'initier Sibylle aux mystères de l'alphabet, il y eut une heure de doute et d'amertume qui fut pour madame de Beaumesnil une heure d'extrême jubilation. Cette intelligence, qui semblait si prompte et si ouverte dans le monde de la fantaisie, le seul où elle se fût exercée jusque-là, se trouva, devant la science positive de la lecture, d'une incapacité affligeante. Ni tendresses ni rigueurs ne pouvaient vaincre le dégoût de cet esprit rêveur pour une application régulière. La pauvre marquise, y perdant ses peines et jusqu'à sa patience céleste, appela à son aide le curé de Férias, comme plus imposant. Le curé, qui était homme de conscience et de plus pénétré d'un profond respect pour la famille de Férias, apporta à sa tâche un soin religieux, et n'eut pas plus de succès.

      — J'en maigris, disait-il.

      Avec le temps, il devait en voir bien d'autres.

      — La pauvre petite sera idiote, répondait madame de

       Beaumesnil. Ils l'ont abrutie. J'en étais sûre… A cinq ans,

       Clotilde savait lire et même elle récitait des fables!

      — Je ne vois qu'un miracle, reprenait le curé, qui puisse nous tirer de cette impasse.

      Le miracle eut lieu, non pas tel peut-être que l'entendait le curé, mais tel qu'il est toujours permis de l'espérer de la bienveillance divine. Les miracles se font dans les coeurs, c'est là qu'ils sont possibles et fréquents. — Sibylle n'ignorait pas qu'elle était orpheline, et elle savait le triste sens de ce mot; mais sur ce douloureux sujet, M. et madame de Férias, redoutant de donner un objet trop précis à sa vive sensibilité, lui avaient toujours refusé les éclaircissements que réclamait parfois sa cruelle curiosité d'enfant. Son père et sa mère étaient au ciel, et c'était tout. Les subalternes avaient reçu et exécuté fidèlement l'ordre de s'en tenir à la même réponse. On leur avait surtout interdit toute parole, tout signe même qui aurait pu attirer l'attention de Sibylle sur les deux tombes blanches du petit cimetière. Malgré ces précautions, Sibylle, qui accompagnait chaque dimanche ses vieux parents à la messe de la paroisse, finit sans doute par surprendre dans leur air et dans leurs regards, lorsqu'ils passaient devant ces deux tombes, quelque chose de particulier; car un jour, sortant de l'église, elle alla droit aux deux marbres incrustés de lettres d'or, et se retournant vers sa nourrice qui la suivait effrayée:

      — Qu'est-ce qu'il y a d'écrit là? dit-elle.

      — Rien, dit la nourrice.

      — Il y a des lettres, reprit Sibylle, le sourcil froncé: lis-moi ce qu'il y a.

      — C'est du latin, mademoiselle.

      Sibylle leva légèrement les épaules et s'en alla. A dater de ce jour, le bon curé de Férias ne reconnut plus son élève; il se frottait les mains, il se félicitait:

      — Je savais, disait-il, qu'à force de patience j'en viendrais à bout.

      Un mois après, Sibylle, sous prétexte de s'informer de la santé de son professeur, qui avait un peu de goutte, se fit conduire au presbytère. En passant, elle entra dans le cimetière, s'arrêta devant les tombes, demeura un moment silencieuse, l'oeil fixé sur les lettres d'or, puis elle s'agenouilla et pleura. Le miracle était fait, Sibylle savait lire.

      Une fois en possession de cette clef élémentaire des connaissances humaines, Sibylle, ainsi qu'il arrive souvent aux esprits de sa trempe, s'en servit avec une ardeur impatiente qui eut désormais besoin d'être modérée et contenue plutôt qu'excitée. Cette fièvre de savoir, qui se portait sur tout et touchait à tout assez indiscrètement, eut deux résultats principaux: le premier fut d'embarrasser à l'excès, en mainte occasion, l'humble précepteur de Sibylle, le second d'engager M. de Férias à retirer les clefs de sa bibliothèque. Le vieux marquis avait trop de jugement toutefois pour se contenter de cette précaution banale; il ne s'alarmait pas d'ailleurs outre mesure de cette fermentation où les rêveries mystiques et les curiosités positives semblaient s'agiter pêle-mêle. Ne rien négliger, ne rien étouffer, mais dégager les éléments confus qui bouillonnaient dans ce jeune cerveau, en régler les aspirations, en discipliner les forces, féconder enfin ce chaos en l'ordonnant, c'était une conduite qui lui était suffisamment tracée par ses principes. Mais M. de Férias sentit que le gouvernement d'une intelligence si active ne pouvait être abandonné plus longtemps aux faibles mains et à la routine pédagogique de l'abbé Renaud: il résolut d'appeler sans retard une institutrice qui aurait, dans l'éducation de sa petite-fille, la charge de la partie temporelle, tandis que la partie spirituelle resterait naturellement confiée aux soins du prêtre. L'abbé eut la modestie de reconnaître la convenance et même la nécessité de cette combinaison:

      — L'enfant, dit-il simplement, laisse voir une sorte de petit génie bizarre dont je suis incapable de débrouiller l'écheveau; tout ce que je pourrai faire, monsieur le marquis, ce sera de lui apprendre son catéchisme, et cela encore, ajouta-t-il en soupirant, avec la grâce de Dieu.

      Pour le choix d'une institutrice, M. de Férias crut pouvoir s'en remettre à la sollicitude de son cousin, le comte de Vergnes, grand-père maternel de Sibylle, auquel sa résidence à Paris et ses relations étendues dans le monde devaient faciliter cette tâche délicate. Il écrivit au comte une lettre grave et touchante dans laquelle, en l'édifiant amplement sur les dispositions de sa petite-fille, il le suppliait de ne rien négliger pour que l'institutrice fût digne de l'élève. Un mois après, M. de Férias, qui commençait à s'inquiéter du silence du comte, en reçut la réponse suivante:

      "Mon cher cousin,

      "A force de plonger, comme un pêcheur de perles, dans l'océan parisien, je crois avoir mis la main sur le trésor demandé. La personne n'est pas d'une physionomie très-séduisante. Elle n'a point d'ailes; néanmoins c'est un ange, dit-on. Je me figurais les anges autrement, mais n'importe, et je vous l'expédie en même temps que ma lettre. Envoyer votre voiture à la gare de ***, train du soir (espoir!). La personne vient d'achever une éducation très-heureuse dont elle a été maigrement récompensée. Votre domestique la reconnaîtra au signalement suivant: Miss O'Neil (Augusta-Mary), trente ans, d'un blond flamboyant, Irlandaise, d'une famille СКАЧАТЬ