Histoire de Sibylle. Feuillet Octave
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Читать онлайн книгу Histoire de Sibylle - Feuillet Octave страница 11

Название: Histoire de Sibylle

Автор: Feuillet Octave

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

Серия:

isbn: 4064066083526

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СКАЧАТЬ superbes.

      Et pour témoigner sans retard à miss O'Neil sa respectueuse admiration, Sibylle s'empressa de lui rendre tous les petits services que l'occasion pouvait réclamer. Elle l'aida de son mieux à classer et à ranger dans la chambre toutes ses richesses, et quand le moment fut venu de suspendre les tableaux, Sibylle, montée sur une chaise, présenta les clous à miss O'Neil. Ces tableaux, par parenthèse, sans être aussi superbes qu'ils le paraissaient à Sibylle, ne laissaient pas d'avoir quelque mérite, surtout par le sentiment et par la couleur; mais on pouvait leur reprocher une certaine monotonie de composition. Presque tous, effectivement, représentaient le même sujet, avec de très-légères variantes, comme l'indiquaient d'ailleurs les inscriptions, vraiment superflues, que miss O'Neil, dans sa modestie, avait jugé prudent de faire graver sur les cadres: Vue d'un lac au clair de lune (par miss O'Neil). — La lune se levant sur un lac (par miss O'Neil). — Le lac. Effet de lune (par miss O'Neil), etc.

      L'Irlandaise, ayant terminé ce travail avec le concours de son officieuse petite amie, prit dans le fond de la caisse un dernier tableau qui était enveloppé précieusement d'une gaîne de toile cirée.

      — Celui-ci, mon enfant, dit miss O'Neil, n'est point de moi: c'est le dernier souvenir de la jeune fille qui a été avant vous mon unique élève. Elle a travaillé secrètement à cette toile, la pauvre enfant, pendant tout le mois qui a précédé mon départ, et en me la remettant elle m'a priée de ne la découvrir que quand je serais arrivée à ma destination. Ce n'est donc pas sans émotion, mon enfant, je vous l'avoue, que je vais détacher cette enveloppe.

      L'enveloppe fut détachée d'une main tremblante. Le tableau, sur lequel miss O'Neil attacha aussitôt son regard impatient, représentait un lac vert-pomme, violemment éclairé par une lune monstrueuse, et au milieu du lac, dans un berceau flottant comme celui de Moïse, un enfant dont les traits, tournés à la caricature, offraient avec ceux de miss O'Neil une ressemblance grotesque. Sur le cadre on lisait: Naissance de miss O'Neil sur un lac. Effet de lune.

      L'élève de miss O'Neil, jeune personne d'une humeur enjouée apparemment, avait cru très-ingénieux, très-plaisant et très-aimable de laisser pour adieu à son institutrice cette allusion piquante à ses prédilections pittoresques. Miss O'Neil, malheureusement, n'en jugea pas comme son élève, car elle fondit en larmes, et, tombant tout éplorée sur une chaise:

      — Oh,! dit-elle, quelle cruauté! C'est donc vrai,… j'ai eu beau faire,… elle n'a pas de coeur!… Non, elle n'en a pas!… Ah! que j'ai de peine!… Vous ne pouvez pas comprendre, ma pauvre petite, poursuivit-elle en pressant avec angoisse les mains de Sibylle, qui ne comprenait pas effet, mais qui la regardait avec une émotion sympathique; mais tenez, je vais vous expliquer: cette jeune fille, que j'ai élevée, soignée, caressée pendant dix ans, comme une fleur chérie; pendant dix ans, elle a été jour et nuit ma vie, mon culte, ma passion… Pour ne pas la quitter, je lui offrais d'être sa servante et la servante de ses enfants!… Eh bien, sa dernière pensée, sa dernière parole, est une moquerie, une dureté, une insulte!… Vous ne pouvez pas savoir ce que je souffre, pauvre petite, vous ne pouvez pas,… c'est impossible! Imaginez que je suis seule au monde, plus seule qu'une autre, parce que je suis laide et disgraciée, et que cela me condamne à être toujours seule, sans affection, sans mari, sans enfants!… Et j'aurais été une si bonne mère, voyez-vous, Sibylle, une si tendre mère!… Elle le sait bien, elle, cette malheureuse, que j'ai aimée plus que sa mère ne l'aima jamais. Et voilà,… elle me brise le coeur!

      Et la pauvre fille cacha sa tête dans ses mains.

      — Ne pleurez pas, miss O'Neil, dit Sibylle, essayant de lui prendre les mains; vous ne serez plus seule maintenant. Ma mère, à moi, est au ciel, vous la remplacerez: le voulez-vous?

      — Oh! Dieu! chère petite! dit miss O'Neil, qui sanglotait.

      — Nous ne nous quitterons jamais, miss O'Neil.

      — Non, non, jamais.

      — Comment vous appelez-vous, miss O'Neil?

      — Augusta-Mary, murmura miss O'Neil à travers ses larmes.

      — Eh bien, Augusta-Mary, nous ne nous quitterons jamais.

      Miss O'Neil n'y put tenir: elle enleva l'enfant dans ses bras, et, la serrant convulsivement sur son coeur, elle la noya de pleurs et de caresses.

      La nourrice les surprit dans cette expansion.

      — On demande mademoiselle au salon, dit-elle d'un ton sec.

      Sibylle suivit sa nourrice, mais non sans avoir envoyé, avant de sortir, un baiser suprême à son amie.

      — Vous avez les yeux rouges, ma mignonne!… Que s'est-il donc passé? dit le marquis en voyant entrer Sibylle.

      — C'est que j'ai pleuré avec miss O'Neil. Son élève, l'autre, lui a joué un méchant tour. Elle en a beaucoup de chagrin; mais je l'ai consolée en lui promettant d'être sa fille et de ne la quitter jamais.

      — Bien! dit le marquis: il ne nous manquait plus que cela! Vous devez renoncer à cette idée, ma chère enfant: une circonstance imprévue nous force à congédier miss O'Neil.

      — Vous ne le ferez pas, grand-père, je vous en prie. Elle en mourrait. Songez qu'elle est seule au monde, qu'elle est laide et disgraciée. Vous ne le ferez pas. D'ailleurs je l'aime de tout mon coeur, et je crois que j'en mourrais aussi.

      — Parfait! de mieux en mieux! reprit le marquis. J'en suis aussi fâché que bous, ma chérie, poursuivit-il; mais malheureusement nous ne pouvons hésiter. Nous venons d'être informés que miss O'Neil appartient à la religion protestante, qui est une religion fausse et mauvaise.

      — Je ne puis croire que miss O'Neil ait une mauvaise religion, grand-père. Soyez sûr que cela n'est pas vrai. Elle a le coeur trop bon, et d'ailleurs elle joue de la harpe comme sainte Cécile.

      — Il ne s'agit point de harpe, dit avec un peu d'impatience M. de Férias: je vous répète, et vous devez me croire, que miss O'Neil, avec toutes ses vertus, a le malheur de vivre hors de notre religion, qui est la seule bonne et véritable.

      — Eh bien, il faut la lui apprendre, grand-père. Je suis sûre qu'elle en sera très-reconnaissante. Le curé la lui apprendra. N'est-ce pas, cher curé?

      Le curé s'agitait sur sa chaise.

      — Ah! si on pouvait espérer cela! dit à demi-voix la marquise.

      — D'ailleurs, reprit Sibylle, qui enlaça de ses deux bras le cou de son aïeul, elle verra si bien, en vivant avec vous, que votre religion est la meilleure, qu'il ne peut pas y en avoir de meilleure au monde… Elle le verra si bien, grand-père! Je vous jure qu'elle le verra!

      — Laissez, laissez donc, murmura le pauvre marquis en jetant un regard timide vers le curé.

      — Dieu, monsieur le marquis, dit le curé en soupirant et en souriant, met quelquefois la vérité dans la bouche des enfants, vous savez.

      Le marquis sauta sur cette branche.

      — N'insistez pas, curé, dit-il; vous voyez mon faible pour cette infortunée: un mot de plus, et je la garde.

      — On pourrait toujours, dit le curé, essayer pendant quelque temps.

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