Les douze nouvelles nouvelles. Arsène Houssaye
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Название: Les douze nouvelles nouvelles

Автор: Arsène Houssaye

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

Серия:

isbn: 4064066074029

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СКАЧАТЬ la plus invraisemblable des extravagantes héraldiques.

      Il l'aimait jusqu'au ciel: Il l'aimait jusqu'aux abîmes. C'était l'âme de son âme, là chair de sa chair, la vie de sa vie.

      Dès qu'elle n'était plus sous sa main ou sous ses yeux, tout s'arrêtait en lui, le mouvement de l'idée et le battement du coeur. Il se croyait dans un Sahara sans oasis, il ne respirait plus que du feu. Et pourquoi l'aimait-il?

      Elle n'était ni belle ni jolie; pas même la beauté du diable; mais elle avait du diable—je ne sais quoi de la perversité des filles d'Eve qui donne le vertige à ceux que l'amour affole. Et puis elle avait des yeux! Ces yeux pers, profonds comme la mer, entraînants comme la vague, éclatants comme la tempête. Et puis, elle avait des lèvres rouges, des framboises parfumées qui riaient sur ses dents aiguës. Et puis, elle avait un sein provocant, qui donnait à sa désinvolture je ne sais quoi de batailleur et de va-de-l'avant.

      Quand il voyait ce sein, il tombait agenouillé et demandait à Angèle la grâce d'y cueillir des fraises, expression que j'abandonne aux lettrés de l'avenir.

      Si toutes celles qui ne sont ni belles ni jolies n'étaient pas aimées, ce serait un désastre sur la terre, qui ne vit que par l'amour.

      Mais de qui parlons-nous?

      J'oubliais. Nous parlons de monsieur et de madame Falbert, deux jeunes mariés qui filent les derniers jours de leur lune de miel.

      Je ne dresserai pas l'arbre généalogique des Falbert, non plus que celui des Aymar, quoique tout le monde descende d'Adam et Eve, c'est-à-dire que les hommes sont toujours plus ou moins trompés par les femmes. Voilà la vraie noblesse héréditaire, puisque c'est la noblesse des passions.

      Léonce Falbert, licencié en droit, s'était marié à la veille de plaider sa première cause. S'il s'était marié, ce n'était pas dans la préoccupation d'avoir beaucoup d'enfants, mais parce qu'il avait rencontré dans une petite fête mondaine Mlle d'Aymar, qui prenait tous les coeurs au cotillon. Il n'y fit pas trop le chevalier de la triste figure. Il soupa à côté d'elle, il la cajola par toutes les caresses de la causerie et des oeillades, si bien que Mme Agnès dit à sa fille, quelques jours après:

      —Sais-tu pourquoi tu es distraite? C'est parce que tu penses à M. Léonce Falbert.

      —Pas du tout, maman.

      —Alors, s'il demandait ta main, tu lui dirais de repasser?

      —Non, je lui dirais oui;

      —Et pourquoi épouserais-tu plutôt qu'un autre M. Léonce Falbert?

      —Par curiosité.

      —Ah! je te reconnais bien là; tout ce que tu fais et tout ce que tu feras, curiosité, curiosité, curiosité!

      —Mais, maman, un roman que j'ai lu malgré toi m'a dit l'autre jour qu'il fallait lire toutes les pages du livre de la vie.

      —Ce roman, ma chère Angèle, ne parle pas comme un livre, mais comme un roman; car il est dit aussi que, si la vie n'était pas un mauvais livre, on ne s'y amuserait pas. J'espère que tu ne prends pas au sérieux toutes ces bêtises-là?

      Mlle Angèle ne répondit pas, mais elle pensa que, si sa mère pensait ainsi, c'est qu'elle était revenue de ces «bêtises-là».

      Si Mme d'Aymar avait parlé à sa fille de Léonce Falbert, c'est que le matin même une amie était venue lui confier les espérances du futur avocat.

      —Futur avocat! s'écrie la mère; ma fille rêve de tous les palais, excepté du Palais de Justice.

      —Rassurez-vous, ma chère amie, M. Léonce Falbert n'est pas si bête que de se planter devant un mur mitoyen; il sera avocat stagiaire, mais ce sera le stage de la politique. Son père, qui est membre du conseil général de son pays, le fera passer député aux prochaines élections législatives.

      —Quelle est son opinion?

      —Il n'en a pas.

      —Alors, je lui donne ma fille.

      Vraie mère de famille! Elle comprenait qu'un homme politique qui n'a pas d'opinion doit arriver à tout, quel que soit le gouvernement. Outre que M. Léonce Falbert n'avait pas d'opinion, son père lui donnait vingt-cinq mille livres de rente. Mme d'Aymar en donnait à peu près autant à sa fille, si bien que les jeunes mariés pourraient faire bonne figure dans le monde du palais et de la politique.

      Le mariage se fit à trois semaines de là. On se demanda comment Léonce, avec une si belle tête, avait pu s'amouracher d'un petit chafouin comme Angèle; car elle eut beau balayer arrogamment l'église d'une belle traîne de dentelle, nul ne dit au passage: La mariée est jolie. Seuls, les charnels, les lascifs, les libertins louèrent la coupe de son sein. «Cette belle coupe renversée,» disent les poètes. Les poètes disent encore: «Un sein abondant.» Là, il eût fallu dire surabondant. Aussi les mères des filles anémiques disaient-elles tout haut: «C'est scandaleux; je ne permettrais pas à ma fille de pareilles avant-scènes.»

       Table des matières

      Cependant le marié entraîna la mariée, pour la nuit des noces, dans une villa de son département, qui avait reçu les plus beaux décors pour cette première représentation.

      Angèle n'eut pas besoin que les matrones vinssent à la rescousse pour la décider à franchir le seuil de la chambre nuptiale. Tout est entraînant pour une curieuse.

      Par malheur pour Léonce, ce n'était pas l'amour qui la prenait par la main. Aussi, ce fut avec un éclat de rire et non avec des larmes qu'elle passa le Rubicon.

      Elle le repassa, toujours rieuse, se demandant ingénument pourquoi Léonce ne riait pas comme elle.

      Mais il était si amoureux qu'elle lui pardonnait d'être un peu trop sacerdotal dans sa passion.

      Le jeune licencié ne songeait pas à plaider d'autre cause que celle de son bonheur. Comme on avait manqué les derniers bals de juin et la fête du Grand Prix, Angèle voulut bien s'attarder dans sa villa, car on lui avait donné le nom de la Villa Angèle. Elle s'amusa à y jeter tout l'alliage du Louis XVI et du japonisme, ce qui émerveilla les voisins de campagne—par ouï-dire—puisqu'on vivait dans une maison fermée, avec quelques journaux, un peu de musique et beaucoup de primeurs. Tous les matins, Paris apportait des nouvelles, des fraises, des crevettes, des dentelles, des cerises et des chiffons.

      Angèle était gourmande et coquette. Les femmes qui ne sont pas belles ont la fureur de se faire belles. Ce n'était pas pour son mari que la jeune femme travaillait sa figure, c'était pour elle-même.

      Peu à peu la villa égaye ses portes, surtout quand il fut décidé qu'on y passerait la belle saison, grâce à quelques petites fêtes panachées de Parisiennes et de provinciales; Angèle trouvait amusant, je cite sa phrase, de faire une omelette aux fines herbes et aux petits oignons des femmes des Champs-Elysées et des femmes champenoises.

      Mais, les jours de solitude, que faire dans une villa après les СКАЧАТЬ