Les mystères d'Udolphe. Анна Радклиф
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Название: Les mystères d'Udolphe

Автор: Анна Радклиф

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

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isbn: 4064066080297

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СКАЧАТЬ visiter les environs. On découvrait le lac de Leucate, la Méditerranée, une partie du Roussillon, que bordaient les Pyrénées, et une partie assez considérable du Languedoc et de ses richesses. Les raisins, déjà mûrs, rougissaient les coteaux, et les vendanges se commençaient. Saint-Aubert et Emilie voyaient les groupes joyeux, entendaient les chansons que leur apportait le zéphyr, et goûtaient par avance tous les plaisirs que promettait leur route. Saint-Aubert néanmoins ne voulut pas quitter la mer; il était bien souvent tenté de s'en retourner chez lui; mais le plaisir qu'Emilie prenait à ce voyage balançait toujours ce désir: il voulait d'ailleurs essayer si l'air de la mer ne la soulagerait pas un peu.

      Le jour suivant, ils se remirent donc en route. Les Pyrénées, quoiqu'au fond du tableau, en faisaient ressortir l'effet; à droite, ils avaient la mer: à gauche, d'immenses plaines qui se confondaient avec l'horizon. Saint-Aubert en jouissait, il causait avec Emilie; mais sa gaieté était plus feinte que naturelle, et des nuages de tristesse voilaient souvent ses regards; un sourire d'Emilie suffisait pour les dissiper: mais elle-même avait le cœur flétri, et voyait bien que les chagrins de son père minaient tous les jours sa santé.

      Ils n'arrivèrent que tard à une petite ville du haut Languedoc; ils avaient le projet d'y coucher, la chose devint impossible; la vendange remplissait toutes les places, il fallut gagner un village plus loin: la lassitude et la souffrance de Saint-Aubert demandaient un prompt repos, et la soirée était fort avancée: mais la nécessité n'admet point de composition, et Michel continua son chemin.

      Les riches plaines du Languedoc, au fort des vendanges, retentissaient des saillies et de la bruyante gaieté française. Saint-Aubert n'en pouvait plus jouir; son état contrastait trop tristement avec la pétulance, la jeunesse et les plaisirs qui l'entouraient. Quand ses yeux languissants se tournaient sur cette scène, il songeait que bientôt ils ne s'ouvriraient plus. Ces montagnes éloignées et sublimes, se disait-il en regardant les Pyrénées et le couchant, ces belles plaines, cette voûte bleue, la douce lumière du jour, seront pour jamais interdites à mes regards; bientôt la chanson du paysan, la voix consolante de l'homme, ne parviendront plus à mon oreille.

      Les yeux d'Emilie semblaient lire tout ce qui se passait dans l'esprit de son père: elle les attachait sur son visage avec l'expression d'une tendre pitié. Oubliant alors les sujets d'un vain regret, il ne vit plus qu'elle, et l'horrible idée de laisser sa fille sans protecteur, changea sa peine en un véritable tourment; il soupira profondément, et garda le silence. Emilie comprit ce soupir; elle lui serra les mains avec tendresse, et se retourna vers la portière pour dissimuler ses larmes. Le soleil alors lançait un dernier rayon sur la Méditerranée, dont les vagues paraissaient toutes d'or; peu à peu les ombres du crépuscule s'étendirent; une bande décolorée parut seule à l'occident, et marqua le point où le soleil s'était perdu dans les vapeurs d'un soir d'automne. Un vent frais s'élevait du rivage. Emilie baissa la glace; mais la fraîcheur, si agréable dans l'état de santé, n'était pas nécessaire pour un malade, et Saint-Aubert la pria de la relever. Son indisposition croissant, il était alors plus occupé que jamais de finir la marche du jour; il arrêta Michel pour savoir à quelle distance ils étaient du premier village. A quatre lieues, dit le muletier. Je ne pourrai pas les faire, dit Saint-Aubert; cherchez, tout en allant, s'il n'y a pas une maison sur la route où l'on puisse nous recevoir cette nuit. Il se rejeta dans sa voiture; Michel fit claquer son fouet, et prit le galop jusqu'à ce que Saint-Aubert, presque sans connaissance, lui fît signe d'arrêter. Emilie regardait à la portière; elle vit enfin un paysan à quelque distance de leur chemin: on l'attendit, et on lui demanda s'il y avait dans le voisinage un asile pour des voyageurs. Il répondit qu'il n'en connaissait pas. Il y a un château parmi les bois, ajouta-t-il; mais je crois qu'on n'y reçoit personne, et je ne puis vous en montrer le chemin, parce que je suis moi-même presque étranger. Saint-Aubert allait renouveler ses questions sur le château; mais l'homme le quitta brusquement. Après un moment de réflexion, Saint-Aubert ordonna à Michel de gagner tout doucement les bois. A chaque moment le crépuscule devenait plus obscur, et la difficulté de se conduire augmentait. Un autre paysan passa. Quel est le chemin du château dans les bois? cria Michel.

      —Le château dans les bois! s'écria le paysan. Voulez-vous parler de ces tourelles?

      —Je ne sais pas si ce sont des tourelles, dit Michel; je parle de ce bâtiment blanc que nous découvrons de loin au milieu de tous ces arbres.

      —Oui, ce sont des tourelles. Mais, quoi! est-ce que vous avez envie d'y aller? répondit l'homme avec surprise.

      Saint-Aubert, entendant cette singulière question, frappé surtout du ton dont on la faisait, s'avança hors du carrosse et lui dit: Nous sommes des voyageurs, nous cherchons une maison pour y passer la nuit: en connaissez-vous ici près?

      —Non, monsieur, répondit l'homme, à moins que vous ne vouliez tenter fortune dans ces bois; mais je ne voudrais pas vous le conseiller.

      —A qui appartient ce château?

      —Je le sais à peine, monsieur.

      —Il est donc inhabité?

      —Non, il n'est pas inhabité: le régisseur et la femme de charge y sont, à ce que je crois.

      En apprenant ceci, Saint-Aubert se détermina à risquer un refus en se présentant au château. Il pria le paysan de guider Michel, et lui promit de payer sa peine. L'homme réfléchit un instant, et dit qu'il avait d'autres affaires, mais qu'on ne pouvait se tromper en suivant l'avenue qu'il montra. Saint-Aubert allait répondre quand le paysan, lui souhaitant une bonne nuit, le quitta sans rien ajouter.

      La voiture tourna vers l'avenue, qui était fermée d'une barrière. Michel mit pied à terre et l'ouvrit. Ils pénétrèrent alors entre d'antiques châtaigniers et de vieux chênes, dont les branches entrelacées formaient une voûte fort élevée: il y avait quelque chose de désert et de sauvage dans l'aspect de cette avenue, et le silence en était si imposant, qu'Emilie devint toute tremblante. Elle se rappelait le ton qu'avait le paysan en parlant de ce château; elle donnait à ses paroles une interprétation plus mystérieuse qu'elle ne l'avait d'abord fait: elle essaya néanmoins de calmer ses craintes; elle pensa qu'une imagination troublée l'en avait rendue susceptible, et que l'état de son père et sa propre situation devaient sans doute y contribuer.

      Ils avançaient lentement; l'obscurité était presque complète; le terrain inégal et les racines des arbres qui l'embarrassaient à tout moment obligeaient à beaucoup de précaution. Soudain Michel arrêta la voiture; Saint-Aubert regarda pour en savoir la cause. Il vit à quelque distance une figure qui traversait l'avenue; il faisait trop noir pour en distinguer davantage, et Saint-Aubert ordonna d'avancer.

      —Ceci me paraît un étrange lieu, reprit Michel; je ne vois point de maisons, et nous ferions mieux de retourner.

      —Allez un peu plus loin, dit Saint-Aubert; et si nous ne voyons pas de bâtiments, nous reprendrons le grand chemin.

      Michel avança, mais avec répugnance, et l'excessive lenteur de sa marche ramena Saint-Aubert à la portière. Il vit encore la même figure. Cette fois il tressaillit. Probablement l'obscurité le rendait plus prompt à s'alarmer qu'il ne l'était pour l'ordinaire; mais quoi que ce pût être, il arrêta Michel, et lui dit d'appeler l'individu qui traversait ainsi l'avenue.

      —Avec votre permission, dit Michel, ce peut bien être un voleur.—Je ne le permets sûrement pas, reprit Saint-Aubert, qui ne put s'empêcher de sourire à cette phrase: Allons, retournons à la route, car je ne vois aucune apparence de trouver ici ce que nous cherchons.

      Michel tourna avec vivacité, et repassa lestement l'avenue: une voix alors partit des arbres à gauche; ce n'était point un commandement, ce n'était point un cri de douleur, СКАЧАТЬ