Les mystères d'Udolphe. Анна Радклиф
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Название: Les mystères d'Udolphe

Автор: Анна Радклиф

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

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isbn: 4064066080297

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СКАЧАТЬ de cette femme, la simplicité de son récit et sa douleur sincère, portèrent Saint-Aubert à croire sa triste histoire. Valancourt, convaincu qu'elle était vraie, demanda sur-le-champ de quel prix était le troupeau; quand il le sut, il fut tout déconcerté. Saint-Aubert donna quelque argent à la femme; Emilie contribua de sa petite bourse, et ils marchèrent à l'endroit convenu. Valancourt restait derrière; il parlait à la femme du berger, dont les larmes coulaient alors et de reconnaissance et de surprise; il lui demandait combien il lui manquait encore d'argent pour rétablir le troupeau dérobé. Il trouva que cette somme était à peu près la totalité de ce qu'il portait avec lui. Il était incertain et affligé; cette somme, se disait-il, suffirait au bonheur de cette pauvre famille; il est en mon pouvoir de la donner, de les rendre complétement heureux; mais comment ferai-je, moi? comment regagnerai-je ma demeure, avec le peu qui me restera? Il hésita quelques moments; il trouvait une volupté singulière à sauver une famille de sa ruine. Il sentait la difficulté de poursuivre sa route avec le peu d'argent qu'il garderait.

      Il était dans cette perplexité, quand le berger lui-même parut. Ses enfants furent à sa rencontre; il en prit un entre ses bras, et l'autre, s'attachant à sa ceinture, il s'avança avec lenteur. Son air abattu, désolé, décida Valancourt; il jeta tout l'argent qu'il avait, sauf quelques pistoles, et courut après Saint-Aubert, qui, soutenu d'Emilie, s'acheminait vers la hauteur. Valancourt ne s'était jamais senti l'esprit si léger; son cœur tressaillait de joie, et tous les objets autour de lui semblaient plus beaux et plus intéressants. Saint-Aubert observa ses transports.—Qu'avez-vous, lui dit-il, qui vous enchante ainsi?—Oh! la belle journée, s'écriait Valancourt, comme le soleil brille, comme l'air est pur, quel site enchanteur!—Il est charmant, dit Saint-Aubert, dont l'heureuse expérience expliquait aisément l'émotion de Valancourt; quel dommage que tant de riches qui pourraient se procurer à volonté un soleil brillant laissent flétrir leurs jours dans les brouillards de l'égoïsme! Pour vous, mon jeune ami, puisse toujours le soleil vous paraître aussi beau qu'aujourd'hui; puissiez-vous, dans votre active bienveillance, réunir toujours la bonté et la sagesse.

      Valancourt, honoré d'un tel compliment, ne put répondre que par un sourire, et ce fut celui de la reconnaissance.

      Ils continuèrent de traverser le bois entre les fertiles gorges des montagnes. A peine arrivés dans l'endroit où ils voulaient se rendre, tous à la fois firent une exclamation; derrière eux, le roc perpendiculaire s'élevait à une hauteur prodigieuse et se séparait alors en deux flèches pareillement élevées. Leurs teintes grises contrastaient avec l'émail des fleurs qui s'épanouissaient entre leurs fentes; les ravins sur lesquels l'œil glissait rapidement pour se porter à la vallée, étaient eux-mêmes parsemés d'arbrisseaux; plus bas encore, un tapis vert indiquait des forêts de châtaigniers au milieu desquels on apercevait la chaumière du pauvre pâtre. De tous côtés les Pyrénées découvraient leurs sommets majestueux; les uns chargés d'immenses blocs de marbre, changeaient de nuance et d'aspect en même temps que le soleil; d'autres, encore plus élevés, ne montraient que leurs pointes couvertes de neige et leurs bases colossales, uniformément tapissées, se couvraient jusqu'au vallon de pins, de mélèses et de chênes verts. Ce vallon, quoique étroit, était celui qui conduisait au Roussillon; la fraîcheur de ses pâturages, la richesse de sa culture, contrastaient étonnamment avec la grandeur des masses dont il était environné. Entre les chaînes prolongées, on découvrait le bas Roussillon, et l'éloignement excessif confondant toutes les nuances, semblait unir la côte aux vagues blanches de la Méditerranée. Un promontoire surmonté d'un phare indiquait seul la séparation et le rivage; les oiseaux de mer voltigeaient autour. Plus loin, pourtant, on discernait quelques voiles blanches; le soleil en augmentait l'éclat, et leur distance du phare en faisait juger la vitesse; mais il y en avait de si éloignées, qu'elles servaient seulement à séparer le ciel de la mer.

      De l'autre côté de la vallée, précisément en face des voyageurs, était un passage dans les rochers, qui conduisait à la Gascogne. Ici, nul vestige de culture; les rocs de granit s'élevaient spontanément de leurs bases et perçaient les cieux de leurs pointes stériles: ici, ni forêts, ni chasseurs, ni cabanes; quelquefois pourtant, un mélèse gigantesque jetait son ombre immense sur un précipice sans fond, et quelquefois une croix sur un rocher apprenait au voyageur l'affreux destin de quelque imprudent. Le lieu semblait destiné à devenir un refuge de bandits; Emilie à tout moment s'attendait à les voir débusquer; bientôt après, un objet non moins terrible la frappa. Un gibet, placé à l'entrée du passage et précisément au-dessus d'une des croix, expliquait assez clairement quelque événement vraiment tragique. Elle évita d'en parler à Saint-Aubert, mais cette vue la rendit inquiète; elle eût voulu presser le repas pour arriver avec certitude avant le coucher du soleil. Mais Saint-Aubert avait besoin de rafraîchissements, et, s'asseyant sur le gazon, les voyageurs entamèrent la corbeille.

      Saint-Aubert fut ranimé par le repos et par l'air serein de cette esplanade. Valancourt était tellement ravi, tellement porté à la conversation, qu'il semblait avoir oublié tout le chemin qu'il restait à faire. Le repas fini, ils firent un long adieu à ce site merveilleux et recommencèrent à grimper. Saint-Aubert retrouva la voiture avec joie. Emilie y monta avec lui; mais voulant connaître avec plus de détails la délicieuse contrée dans laquelle ils allaient descendre, Valancourt découpla ses chiens et les suivit à pied; il s'égarait parfois sur des éminences qui lui promettaient un beau point de vue; le pas des mules lui permettait ces distractions. Si quelque endroit déployait une rare magnificence, il revenait à la voiture, et Saint-Aubert, trop fatigué pour en aller jouir lui-même, y envoyait Emilie et restait à l'attendre.

      Il était tard quand ils descendirent les belles hauteurs qui bordent le Roussillon. Cette charmante province est enclavée dans leurs barrières majestueuses et n'est ouverte que du côté de la mer. L'aspect de la culture embellissait au fond le paysage, et la plaine se colorait des plus riches nuances, et telles que le luxe du climat et l'industrie des habitants pouvaient partout les faire éclore. Des bosquets d'orangers et de citronniers parfumaient l'air; leurs fruits déjà mûrs se balançaient dans le feuillage, et des coteaux en pente douce étalaient les plus beaux raisins. Plus loin, des bois, des pâturages, des villes, des hameaux, la mer, dont la surface brillante laissait flotter des voiles éparses, un couchant étincelant de pourpre; ce passage, au milieu des montagnes qui le bordaient, formait la parfaite union de l'aimable et du sublime: c'était la beauté dormant au sein de l'horreur.

      Les voyageurs arrivés dans la plaine, avancèrent entre les haies de myrtes et de grenadiers en fleurs jusqu'à la petite ville d'Arles, où ils voulaient rester la nuit. Ils trouvèrent un asile simple, mais propre; ils eussent passé une soirée charmante, après les travaux et les jouissances du jour, si la séparation qui s'approchait n'eût répandu un nuage sur leurs cœurs. Saint-Aubert voulait partir le lendemain, côtoyer la Méditerranée, et arriver jusqu'en Languedoc. Valancourt, trop tôt guéri, désormais sans prétexte pour suivre ses nouveaux amis, devait s'en séparer en ce lieu même. Saint-Aubert qui l'aimait, lui proposa d'aller plus loin; mais il ne renouvela pas l'invitation, et Valancourt eut le courage de n'y pas céder, pour montrer qu'il en était digne. Ils devaient donc se quitter le lendemain: Saint-Aubert partant pour le Languedoc, et Valancourt reprenant, pour se rendre chez lui, la route des montagnes. Toute la soirée il fut muet, et plongé dans la rêverie: Saint-Aubert fut avec lui affectueux, mais pourtant grave; Emilie fut sérieuse, quoiqu'elle s'efforçât de paraître gaie; et après une des plus mélancoliques soirées qu'ils eussent jamais passée ensemble, ils se quittèrent pour la nuit.

      CHAPITRE VI.

      Le lendemain matin, Valancourt déjeuna avec Saint-Aubert et Emilie, mais aucun d'eux ne paraissait avoir dormi. Saint-Aubert portait l'empreinte de l'accablement et de la langueur; Emilie trouvait sa santé plus mauvaise, et ses inquiétudes s'augmentaient à chaque instant; elle observait tous ses regards avec une timide affection, et leur expression se retrouvait bientôt fidèlement répétée dans les siens.

      Au commencement de leur liaison, Valancourt avait indiqué son nom et sa СКАЧАТЬ