Cara. Hector Malot
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Название: Cara

Автор: Hector Malot

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

Серия:

isbn: 4064066089252

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СКАЧАТЬ allait sonner neuf heures.

      Il était temps: on ferma derrière lui le guichet de distribution des billets.

      Ce fut seulement quand il se trouva installé dans son wagon, où il était seul, qu'il reprit sa lecture, non au point où il l'avait interrompue, mais à la première ligne:

      «Mon cher Léon,

      «Ma dépêche télégraphique d'hier, par laquelle je te demandais si tu serais à Paris libre de toute occupation pendant la fin de la semaine, a dû te surprendre jusqu'à un certain point.

      «En voici l'explication:

      «Je vais mourir, et tu es la seule personne au monde, mon cher neveu, qui puisse assister ma fille, ta cousine; dans cette circonstance, il fallait donc que je fusse certain qu'aussitôt prévenu tu pourrais accourir près d'elle.

      «Cette certitude, ta réponse me la donne, et, comme d'avance je suis sûr de ton coeur, je puis maintenant accomplir ma résolution.

      «Tu connais ma position, je n'ai pas de fortune. Nés de parents pauvres, ton père et moi nous n'avons pas eu de patrimoine. Mais tandis que ton père, jetant un clair regard sur la vie, embrassait la carrière commerciale au lieu d'être artiste, comme il l'avait tout d'abord souhaité, j'entrais dans la magistrature. Et, d'autre part, tandis que ton père épousait une femme riche qui lui apportait des millions, j'en épousais une qui n'avait pour dot et pour tout avoir qu'une cinquantaine de mille francs.

      «Cette dot avait été placée dans une affaire industrielle; je ne changeai point ce placement, car il ne me convenait pas de défaire ce qui avait été fait par mon beau-père, et d'un autre côté j'étais bien aise de tirer de ces cinquante mille francs un revenu assez gros pour que ma femme et ma fille n'eussent point trop à souffrir de la médiocrité de mon traitement de substitut.

      «C'est grâce à ce revenu qu'après avoir perdu ma femme au bout de quatre années de mariage, je pus garder ma fille près de moi, et qu'elle a été élevée sous mes yeux, sur mon coeur.

      «En la mettant dans un pensionnat, j'aurais pu faire de sérieuses économies, car, lorsqu'on prend, pour instruire un enfant dans la maison paternelle, les meilleurs professeurs dans chaque branche d'instruction, pour la peinture un peintre de mérite, pour la musique des artistes de talent, cela coûte cher, très-cher, et en employant utilement ces économies, soit à former un capital, soit à constituer une assurance sur la vie, payable entre les mains de ma fille le jour de son mariage, je serais arrivé à lui constituer une dot moitié plus forte que celle que sa mère avait reçue. Mais je n'ai point cru que c'était là le meilleur. Plusieurs raisons d'ordre différent me déterminèrent: j'aimais ma fille, et ce m'eût été un profond chagrin de me séparer d'elle; je n'étais pas partisan de l'éducation en commun pour les filles; jeune encore, je ne voulais pas m'exposer à la tentation de me remarier, ce qui eût pu arriver si je n'avais pas eu ma fille près de moi; enfin je me disais que, si les hommes ne cherchent trop souvent qu'une dot dans le mariage, il en est cependant qui veulent une femme, et c'était une femme que je voulais élever; toi qui connais Madeleine, ses qualités d'esprit et de coeur, tu sais si j'ai réussi.

      «Tu as passé quelques-unes de tes vacances avec nous; tu sais quelle était notre vie dans notre petite maison du quai des Curandiers et notre étroite intimité dans le travail comme dans le plaisir; tu as assisté à nos soirées de lecture, à nos séances de musique, à nos réunions entre amis, je n'ai donc rien à te dire de tout cela; à le faire je m'attendrirais dans ces souvenirs si doux, si charmants, et je ne veux pas m'attendrir.

      «Cependant, en rappelant ainsi un passé que tu connais dans une certaine mesure, je dois relever un point que tu ignores peut-être, et qui a son importance: nos dépenses dépassèrent chaque année mes prévisions et m'entraînèrent dans des embarras d'argent qui furent les seuls tourments de ces années si heureuses; mais ton père me vint en aide, et, grâce à son concours fraternel, je pus en sortir à mon honneur.

      «Malgré ces embarras d'argent causés le plus souvent par des besoins imprévus, mais dans plus d'une circonstance aussi, je l'avoue, par une mauvaise administration, j'espérais pouvoir suivre jusqu'au bout le plan que je m'étais tracé pour l'éducation de Madeleine, quand un incident désastreux vint bouleverser toutes mes combinaisons: la maison dans laquelle notre capital était placé se trouva en mauvaises affaires, et de telle sorte que si nous n'apportions pas une nouvelle mise de fonds tout était perdu. Sans économies, sans ressources autres que celles provenant de mon traitement, il m'était difficile, pour ne pas dire impossible, de me procurer la somme nécessaire pour cet apport. J'aurais pu, il est vrai, la demander à ton père; mais j'en étais empêché par des raisons, à mes yeux décisives: ton père m'ayant déjà aidé dans plusieurs circonstances, je ne pouvais m'adresser à lui sans augmenter les obligations que j'avais déjà contractées à son égard dans des proportions qui n'étaient nullement en rapport avec ma situation financière; en un mot, je n'empruntais plus, je me faisais donner; enfin, je ne voulais pas m'exposer à voir nos relations fraternelles gênées par des questions d'argent, et même à voir les liens d'amitié qui nous unissaient brisés par ces questions. Mais ce que je n'avais pas voulu faire, un de nos cousins le fit à mon insu, et ton père apprit les difficultés de ma situation; il vint à Rouen et voulut régler cette affaire d'après certains principes de commerce qui n'étaient pas les miens. Une discussion s'ensuivit entre nous; tu sais combien nos idées sont différentes sur presque tous les points; cette discussion s'envenima et se termina par une rupture complète, telle que nos relations ont été brisées et que depuis ce jour nous ne nous sommes pas revus, malgré certaines avances que j'ai cru devoir faire, mais qui ont trouvé ton père implacable.

      «Si difficile que fût ma position, je parvins cependant à me procurer la somme qu'il me fallait, mais ce fut au prix d'engagements très-lourds que je ne contractai que parce que j'avais la conviction que notre affaire devait reprendre et bien marcher. Elle ne reprit point. Elle vient de s'effondrer, me laissant ruiné, et ce qui est plus terrible, endetté pour des sommes qu'il m'est impossible de payer.

      «Si l'insolvabilité est grave pour tout le monde, combien plus encore l'est-elle pour un magistrat! admets-tu que le chef d'un parquet poursuivi par les huissiers soit obligé de parlementer avec eux, d'user de finesses plus ou moins légales, de les abuser, de les prier d'attendre? Les prier!

      «Ce n'est pas tout.

      «Il y a quatre mois je remarquai un affaiblissement dans ma vue, ou plus justement du trouble et de l'obscurité. Tout d'abord je ne m'en inquiétai pas. Mais bientôt les objets ne m'apparurent plus qu'entourés d'un nuage et avec des formes confuses; en lisant, les lettres semblaient vaciller devant mes yeux, et se réunir toutes ensemble au point que je n'apercevais plus qu'une ligne noire uniforme.

      «Je consultai le docteur La Roë, que tu connais bien; il constata une amaurose qui dans un temps plus ou moins long devait me rendre aveugle.

      «On ne reste pas impassible sous le coup d'une pareille menace. Cependant je ne me laissai pas accabler, je résolus d'employer ce que j'avais d'énergie et d'intelligence à lutter. Un de mes collègues et des plus éminents est aveugle; ce qui ne l'empêche pas de remplir les devoirs de sa charge: j'espérai pouvoir suivre son exemple et remplir aussi les miens.

      «Tu as fait ton droit, tu sais que notre travail est de deux espèces, celui du cabinet et celui de l'audience; dans le cabinet on lit les dossiers, on prend des notes, c'est-à-dire qu'on fait usage des yeux; à l'audience on conclut, c'est-à-dire qu'on fait surtout usage de la parole. Lorsque je sortis de chez mon médecin, je rentrai chez moi et aussitôt je révélai la vérité ou tout au moins une partie de la vérité à Madeleine, en lui expliquant d'autre part notre situation financière; СКАЧАТЬ