Voyages dans la basse et la haute Egypte pendant les campagnes de Bonaparte en 1798 et 1799. Vivant Denon
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Читать онлайн книгу Voyages dans la basse et la haute Egypte pendant les campagnes de Bonaparte en 1798 et 1799 - Vivant Denon страница 4

СКАЧАТЬ forces me porta jusqu'à ce terme. Là je quittai l'armée pour rester avec la demi-brigade qui devait tenir Mourâd-bey dans le désert. Fier de trouver à ma patrie les mêmes confins qu'à l'empire Romain, j'habitai avec gloire les mêmes quartiers des trois cohortes qui les avaient jadis défendus. Pendant vingt-deux jours que je restai dans ce lieu célèbre je pris possession de tout ce qui l'avoisinait. Je poussai mes conquêtes jusque dans la Nubie, au-delà de Philoe, île délicieuse, dont il fallut encore arracher les curiosités à ses farouches habitants; six voyages et cinq jours de siège m'ouvrirent enfin ses temples. Sentant toute l'importance de vous faire connaître le lieu que j'habitais, toutes les curiosités qu'il rassemblait, j'ai dessiné jusqu'aux rochers, jusqu'aux carrières de granit, d'où sont sorties ces figures colossales, ces obélisques plus colossales encore, ces rochers couverts d'hiéroglyphes. J'aurais voulu vous rapporter, avec les formes, des échantillons de tout ce qu'elles contiennent d'intéressant. Ne pouvant faire la carte du pays, j'ai dessiné à vol d'oiseau l'entrée du Nil dans l'Égypte, les vues de ce fleuve roulant ses eaux à travers les aiguilles granitiques, qui semblent avoir marqué les limites de la brûlante Ethiopie, et d'un pays plus heureux et plus tempéré. Laissant pour jamais ces âpres contrées, je me rapprochai de la verdoyante Éléphantine, le jardin du tropique: je recherchai, je mesurai tous les monuments qu'elle conserve, et quittai à regret ce paisible séjour, où des occupations douces m'avaient rendu la santé et les forces.

      «Sur la rive droite du Nil je trouvai Ombos, la ville du Crocodile, celle de Junon Lucine, Coptos, près de laquelle il fallut défendre ce que je rapportais de richesses, du fanatisme atroce des Mekkyns.

      «Établi à Kénéh, j'accompagnai ceux qui traversèrent le désert pour aller à Kosséïr mettre une barrière à de nouvelles émigrations de l'Arabie. Je vis ce que l'on pourrait appeler la coupe de la chaîne du Moqatham, les bords stériles de la mer Rouge: j'appris à connaître, à révérer cet animal patient que la nature semble avoir placé dans cette région pour réparer l'erreur qu'elle a commise en créant un désert. Je revins à Kénéh, d'où je partis successivement pour retourner à Edfou, à Esné, à Hermontis, à Thèbes, à Dendérah; à Edfou, à Thèbes encore, toutes les fois qu'on envoyait un détachement, et partout où il était envoyé. Si l'amour de l'antiquité a fait souvent de moi un soldat, la complaisance des soldats pour mes recherches en a fait souvent des antiquaires. C'est dans ces derniers voyages que j'ai visité les tombeaux des rois; que j'ai pu prendre dans ces dépôts mystérieux une idée de l'art de la peinture chez les Égyptiens, de leurs armes, de leurs meubles, de leurs ustensiles, de leurs instruments de musique, de leurs cérémonies, de leurs triomphes; c'est dans ces derniers voyages que je suis parvenu à m'assurer que les hiéroglyphes sculptés sur les murailles n'étaient pas les seuls livres de ce peuple savant. Après avoir trouvé sur des bas-reliefs des personnages dans l'action d'écrire, j'ai trouvé encore ce rouleau de papyrus, ce manuscrit unique qui a déjà fait l'objet de votre curiosité; frêle rival des pyramides, précieux gage d'un climat conservateur, monument respecté par le temps, et que quarante siècles placent au rang du plus ancien de tous les livres.

      «C'est dans ces dernières excursions que j'ai cherché, par des rapprochements, à compléter cette volumineuse collection de tableaux hiéroglyphiques; c'est en pensant à vous, Citoyens, et à tous les Savants de l'Europe, que je me suis trouvé le courage de copier avec une scrupuleuse exactitude les détails minutieux de tableaux secs, dénués de sens, et qui ne devraient avoir pour moi de l'intérêt qu'avec le secours de vos lumières.

      «À mon retour, Citoyens, chargé de mes ouvrages, dont le poids s'était journellement augmenté, j'ai oublié la fatigue qu'ils m'avaient coûtée, dans la pensée qu'achevés sous vos yeux, et à l'aide de vos conseils, je pourrais quelque jour les utiliser pour ma patrie, et vous en faire un digne hommage.»

       Table des matières

      DANS

      LA BASSE ET LA HAUTE ÉGYPTE.

       Table des matières

      Introduction.--Départ de Paris, et de Toulon.--Arrivée devant Malte.

      J'avais toute ma vie désiré de faire le Voyage d'Égypte; mais le temps, qui use tout, avait usé aussi cette volonté. Lorsqu'il fut question de l'expédition qui devait nous rendre maîtres de cette contrée, la possibilité d'exécuter mon ancien projet en réveilla le désir; un mot du héros qui commandait l'expédition décida de mon départ; il me promit de me ramener avec lui; et je ne doutai pas de mon retour. Dès que j'eus assuré le sort de ceux dont l'existence dépendait de la mienne, tranquille sur le passé, j'appartins tout à l'avenir. Bien persuadé que l'homme qui veut constamment une chose acquiert dès lors la faculté de parvenir à son but, je ne songeai plus aux obstacles, ou du moins je sentis au-dedans de moi tout ce qu'il fallait pour les surmonter; mon coeur palpitait, sans qu'il me fût possible de me rendre compte si cette émotion était de la joie ou de la tristesse; j'allais errant, évitant tout le monde, m'agitant sans objet, sans prévoir ni rassembler rien de ce qui allait m'être si utile dans un pays si dénué de toutes ressources. Le brave et malheureux du Falga m'associa mon neveu. Combien je fus reconnaissant de ce bienfait! emmener un être aimable en m'éloignant de tout ce que j'aimais, c'était empêcher la chaîne de mes affections de se rompre, c'était conservé à mon âme l'exercice de sa sensibilité, c'était un acte qui caractérisait la délicatesse de ce brave et savant homme.

      Je m'étendrai peu sur mon voyage de Paris jusqu'au port désigné pour l'embarquement. Nous arrivâmes à Lyon sans sortir de voiture; là nous nous embarquâmes sur le Rhône jusqu'à Avignon. Je pensais, en voyant les belles rives de la Saône, les pittoresques bords du Rhône, que, sans jouir de ce qu'ils possèdent, les hommes vont chercher bien loin des aliments à leur insatiable curiosité. J'avais vu la Néva, j'avais vu le Tibre, j'allais chercher le Nil; et cependant je n'avais pas trouvé en Italie de plus belles antiquités qu'à Nîmes; Orange, Beaucaire, S.-Remi, et Aix. Je cite cette dernière ville, parce que nous y restâmes une heure, et que, je m'y baignai dans une chambre et dans une baignoire où, depuis le proconsul Sextus, on n'avait rien changé que le robinet.

      Nous perdîmes un jour à Marseille: nous en partîmes le 14 Mai 1798, pour Toulon; et, le 15, j'étais en mer sur la frégate la Junon, destinée avec deux autres frégates à éclairer la route, et former l'avant-garde.

      Le vent était contraire; la sortie fut difficile: nous abordâmes deux autres bâtiments; pronostic fâcheux: un Romain serait rentré; mais ce Romain aurait eu tort, car le hasard, qui nous sert presque toujours mieux, que nous ne nous servons nous-mêmes, en ne me laissant rien faire comme je voulais, en me conduisant aveuglément à tout ce que je voulais faire, me mit dès ce moment aux avant-postes, que je ne devais pas quitter de toute l'expédition.

      Le 16, nous ne fîmes que des bordées.

      Le 17, vers le soir, nous découvrîmes quatre voiles; elles manoeuvraient sous notre vent en ordre de bataille: on ordonna le branlebas; le branlebas! mot terrible dont on ne peut se faire idée, quand on n'a pas été en mer: silence, terreur, appareil de carnage, appareil de ses suites, plus funestes que le carnage même, tout est là sous les yeux réuni sur un même point; la manoeuvre et les canons sont les seuls objets de la sollicitude, et les hommes ne sont plus qu'accessoires; La nuit vint, et non pas la tranquillité; nous la passâmes à notre poste. Au jour, nous n'avions rien perdu de l'avantage des vents: nous ne pouvions juger si c'étaient des vaisseaux ou des frégates; ils étaient quatre, et nous trois; tous nos bas agrès étaient embarrassés de СКАЧАТЬ