Voyages dans la basse et la haute Egypte pendant les campagnes de Bonaparte en 1798 et 1799. Vivant Denon
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Читать онлайн книгу Voyages dans la basse et la haute Egypte pendant les campagnes de Bonaparte en 1798 et 1799 - Vivant Denon страница 13

СКАЧАТЬ ne la suivrons pas dans toutes ses stations; nous dirons seulement que le 20 Juillet elle vint coucher à Amm-el-Dinar; elle en partit le lendemain avant le jour; après douze heures de marche elle se trouva près Embabey, où les Mamelouks étaient rassemblés; ils y avaient un camp retranché, entouré d'un mauvais fossé, défendu par trente-huit pièces de canon.

      Bataille des Pyramides.

      Dès qu'on eut découvert les ennemis, l'armée se forma: lorsque Bonaparte eut donné ses derniers ordres, il dit, en montrant les pyramides: Allez, et pensez que du haut de ces monuments quarante siècles nous observent. Desaix, qui commandait l'avant-garde, avait dépassé le village; Reynier suivait à sa gauche; Dugua, Vial et Bon, toujours à gauche, formaient le demi-cercle en se rapprochant du Nil. Mourat-bey, qui vint nous reconnaître, et qui ne vit point de cavalerie, dit qu'il allait nous tailler comme des citrouilles (ce fut son expression): en conséquence le corps le plus considérable des Mamelouks, qui était en avant d'Embabey, s'ébranla, et vint charger la division Dugua avec une rapidité qui lui avait à peine laissé le temps de se former; elle les reçut avec un feu d'artillerie qui les arrêta; et par un à gauche ils allèrent tomber jusque sur les baïonnettes de la division Desaix; un feu de file nourri et soutenu produisit une seconde surprise: ils furent un moment sans détermination; puis, tout à coup voulant tourner la division, ils passèrent entre celle de Reynier et celle de Desaix, et reçurent le feu croisé de toutes deux: ce qui commença leur déroute. N'ayant plus de projet, une partie retourna sur Embabey, l'autre alla se retrancher dans un parc planté de palmiers, qui se trouvait à l'occident des deux divisions, et d'où on les envoya déloger par les tirailleurs; ils prirent alors la route du désert des pyramides. Ce furent eux qui dans la suite nous disputèrent la haute Égypte. Pendant ce temps les autres divisions en s'approchant du village, se trouvaient dans le cas d'être endommagées par l'artillerie du camp retranché: on résolut de l'attaquer; il fut formé deux bataillons, tirés de la division Bon et Menou, et commandés par les généraux Rampon et Marmont, pour marcher sur le village, et le tourner à l'aide du fossé: le bataillon Rampon leur paraît facile à envelopper et à détruire; il est attaqué par ce qui restait de Mamelouks dans le camp. Ce fut là que le feu fut le plus vif et le plus meurtrier; ils ne concevaient pas notre résistance (ils ont dit depuis qu'ils nous avaient crus liés ensemble): en effet la meilleure cavalerie de l'orient, peut-être du monde entier, vint se rompre contre un petit corps hérissé de baïonnettes; il y en eut qui vinrent enflammer leur habit au feu de notre mousqueterie, et qui, blessés mortellement, brûlèrent devant nos rangs. La déroute devint générale: ils voulurent retourner dans leur camp; nos soldats les y suivirent et y entrèrent pêle-mêle avec eux; leurs canons furent pris; toutes les divisions qui s'approchaient en entourant le village leur ôtaient tous moyens de retraite; ils voulurent longer le Nil, un mur qui y arrivait transversalement les arrêta et les refoula; alors ils se jetèrent dans le fleuve pour aller rejoindre le corps d'Ibrahim bey, qui était resté vis-à-vis pour couvrir le Caire: dès lors ce ne fut plus un combat, mais un massacre; l'ennemi semblait défiler pour être fusillé, et n'échapper au feu de nos bataillons que pour devenir la proie des eaux. Au milieu de ce carnage, en levant les yeux, on pouvait être frappé de ce contraste sublime qu'offrait le ciel pur de cet heureux climat: un petit nombre de Français, sous la conduite d'un héros, venait de conquérir une partie du monde; un empire, venait de changer de maître; l'orgueil des Mamelouks achevait de se briser contre les baïonnettes de notre infanterie. Dans cette grande et terrible scène, qui devait avoir de si importants résultats, la poussière et la fumée troublaient à peine la partie la plus basse de l'atmosphère; l'astre du jour roulant sur un vaste horizon achevait paisiblement sa carrière: sublime témoignage de cet ordre immuable de la nature qui obéit à d'éternels décrets dans ce calme silencieux qui la rend encore plus imposante. C'est ce que j'ai cherché à peindre dans le dessin que j'ai fait de ce moment.

      La relation officielle du général Berthier, où les mouvements militaires sont circonstanciés de la manière la plus lucide et la plus savante, servira encore d'explication au plan de cette bataille, plan qui doit acquérir un prix particulier par les corrections qu'a bien voulu y faire Bonaparte lui-même dans la disposition des corps, et la détermination de leurs mouvements.

      Tournée de l'Auteur dans le Delta.--Le Bogaze.--Rosette.

      Le général Menou était resté blessé à Alexandrie: il devait aller organiser le gouvernement à Rosette, et faire une tournée dans le Delta. Avant de se rendre au Caire il m'avait engagé à l'accompagner dans cette marche: je me décidai d'autant plus volontiers à faire ce voyage, que je pensais d'avance qu'il ne pouvait être très intéressant qu'autant qu'on le ferait avant celui de la haute Égypte; j'accompagnais d'ailleurs un homme aimable, instruit, et mon ami depuis longtemps.

      Nous nous embarquâmes sur un aviso dans le port neuf d'Alexandrie; nous manoeuvrâmes tout le jour: mais nos capitaines, ne connaissant ni les courants, ni les brisants, ni les bas-fonds de ce port, après avoir évité la pointe du Diamant, pensèrent nous échouer au rocher du petit Pharillon, et nous ramenèrent mouiller à l'entrée du port pour repartir le lendemain. Je fis le dessin du château, bâti dans l'île Pharus, sur l'emplacement de ce fameux monument si utile et si magnifique, cette merveille du monde, qui, après avoir pris le nom de l'île sur lequel il avait été élevé, le transmit à tous les monuments de ce genre.

      Nous repartîmes le lendemain sous d'aussi mauvais auspices que la veille. À peine fûmes-nous à quelques lieues en mer, quel le vent étant devenu très fort, le général Menou fut pris d'un vomissement convulsif qui pensa lui coûter la vie, en le faisant tomber de sa hauteur, la tête sur la culasse d'un canon. Aucun de nous ne pouvait juger du danger de la large blessure qu'il s'était faite: il avait perdu connaissance; nous mîmes en délibération si on le conduirait sur l'Orient, qui était mouillé avec la flotte à Aboukir, et vis-à-vis duquel nous nous trouvions dans le moment.

      Nos marins croyaient que quelques heures nous suffiraient pour nous rendre dans le Nil: nous choisîmes ce parti, qui devait finir les angoisses du général. Malgré le tourment de notre situation et le roulis du bâtiment, je parvins à dessiner une petite vue qui donne une idée du mouillage de notre flotte devant Aboukir; de ce promontoire célèbre autrefois par la ville de Canope et toutes ses voluptés, aujourd'hui si fameux par toutes les horreurs de la guerre. Quelques heures après nous nous trouvâmes, sans le savoir, à une des bouches du Nil, ce que nous reconnûmes au tableau le plus désastreux que j'aie vu de ma vie. Les eaux du Nil repoussées par le vent élevaient à une hauteur immense des ondes qui étaient perpétuellement refoulées et brisées par le courant du fleuve avec un bruit épouvantable; un de nos bâtiments qui venait de faire naufrage, et que la vague achevait de rompre, fut le seul indice que nous eûmes de la côte; plusieurs autres avisos dans la même situation que nous, c'est-à-dire dans la même confusion, se rapprochaient pour se consulter, s'évitaient pour ne pas se briser, et ne pouvaient s'entendre que par des cris encore plus épouvantables. Il n'y avait point de pilote côtier; nous ne savions plus qu'aviser; le général allait toujours en empirant: nous imaginâmes d'aller reconnaître le bogaze ou la barre du fleuve; le canot fut mis à la mer, et le chef de bataillon Bonnecarrère et moi nous nous y jetâmes comme nous pûmes. À peine eûmes-nous quitté notre bord que nous nous trouvâmes au milieu des abîmes, sans voir autre chose que la cime recourbée des vagues qui de toutes parts menaçaient de nous engloutir; à mille toises de l'aviso, nous ne pouvions plus le rejoindre: le mal de mer commençait à me tourmenter; il était question d'attendre d'une manière indéfinie, et de passer ainsi la nuit. Je m'enveloppais de mon manteau pour ne plus rien voir de notre déplorable situation, lorsque nous passâmes sous les eaux d'une felouque, où j'aperçus un malheureux qui, en descendant dans une embarcation, était resté suspendu à une corde; fatigué des efforts qu'il faisait pour se soutenir dans cette périlleuse position, ses bras s'allongeaient, et le laissaient aller dans ceux de la mort, que je voyais ouverts pour le recevoir. J'éprouvai à ce spectacle une telle révolution que mes évanouissements cessèrent: je ne criais pas, je hurlais; les matelots mêlaient leurs cris aux miens: ils furent enfin entendus de ceux du bâtiment; СКАЧАТЬ