L’inconnu Tsarévitch Alexis. Souvenirs de la famille de Filatov au Tsesarevitch Alexis. Oleg Vasiljevitch Filatov
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СКАЧАТЬ Il adorait la balalaika. Il jouait aussi du concertina, du hayan, de l’accordeon et nous initia a ses instruments […]. Il avait un attachement tout particulier pour la musique dassique, les Mazurkas et les Vaises n° 6 et 7 de Chopin, la Polonaise, Beethoven, Tchaikovski… II interpretait des valses russes au piano […]. Il connaissait les marches de tous les regiments du tsar […]. Il nous apprit a chanter sans forcer la voix et a obtenir un son doux sans tension. Il chantait avfc calme, serenite et beaucoup d’expression, des ballades, des arias et de longues chansons folkloriques russes. Il connaissait quantite de tchastushki (chansonnettes humoristiques).”

      Toute la famille Filatov se preparait longuement, assidument, pour le Nouvel An, leur fete preferee, cousant des costumes et fabriquant des masques pour les productions theatrales maison. Ils confectionnaient des jouets, des guirlandes, des bateaux, des flocons de neige en papier colore, et s’offraient des dessins accompagnes de poemes. Olga ecrit: « A la veille du Nouvel An, nous decorions un sapin, toujours imposant – jusqu’au plafond – et echangions des cadeaux. Dans notre famille, tout le monde s’entraidait, les plus grands prenant soin des plus jeunes […]. Papa et maman se deguisaient en Pere Noel et Reine de la Neige, prenaient les paquets sous l’arbre, les distribuaient, nous souhaitaient une bonne annee, puis nous leur donnions nos presents et nous dansions ime ronde ensemble.”

      Ces details sont peut-etre caracteristiques d’tme famille russe cultivee, aux traditions bien etablies, mais ils sont loin de ressembler aux coutumes d’une famille de cordonniers typique. Georgi Chavelski, archipretre de l’armee russe qui connaissait bien la famille Romanov, a evoque dans ses ecrits 1’exceptionnel amour qu’ils se temoignaient les uns les autres et leurs traditions ancestrales. Pierre Gilliard, le precepteur des enfants du tsar, raconte aussi a propos de la famille Romanov: « Le souverain lisait souvent a haute voix tandis que les petites duchesses faisaient des travaux manuels ou jouaient entre elles. L’imperatrice […] prenait aussi son ouvrage ou s’allongeait sur sa couche. Nous passions ainsi les longues soirees d’hiver dans une atmosphere familiale paisible comme si nous etions perdus dans les etendues sans fin de la lointaine Siberie.”

      Vassili Pankratov, commissaire du gouvemement provisoire, se souviendra que Nicolas II adorait l’histoire russe et l’enseignait lui-meme a son fils. « L’ancien tsar connaissait a fond l’his- toire militaire russe, mais son savoir relatif a l’histoire de la nation en general laissait beaucoup a desirer. Soit il avait oublie, soit il n’avait qu’une pietre comprehension des periodes de I’histoire russe et de leur signification. Tout son discours a ce sujet se resumait a l’historique des guerres8.” Oleg Filatov se souvient que son pere enseigna l’histoire a ses enfants, leur relatant en detail les grandes batailles. « Mon pere avait un vif enthousiasme pour l’histoire, surtout l’histoire militaire, qu’il connaissait par coeur, у compris les alignements ou la dispersion des forces au cours d’affrontements precis. En demontrant son expertise dans ce domaine, mon pere semblait s’inclure lui-meme dans la caste militaire. Toute sa vie, il a repete: « Nous autres, les Filatov, avons toujours monte la garde aupres de l’Etat.” Lorsqu’il evoquait les batailles sur la glace, il decrivait avec exactitude les tactiques allemandes et russes – le choix du site, l’embuscade. Il comparait les marches alpines de Souvorov avec les batailles « dans les ravins” de Koutouzov et Barclay de Tolly. Lorsqu’il rendait compte des batailles navales, d’Ouchakov a Makarov, il insistait sur la precision des tirs de l’artillerie russe et sur la qualite de l’armee.” Pour Vassili Filatov aussi, l’histoire militaire etait une passion.

      Vassili Filatov etait un pere de famille exemplaire. Il passait beaucoup de temps en compagnie de ses enfants et prenait grand plaisir a les eduquer. “Il connaissait, ecrit Oleg, les traditions de son propre pays et celles d’autres nations. Il parlait plusieurs langues etrangeres – l’allemand, le grec, le slavon, le latin, l’anglais, le fran^ais, bien qu’il en eut rarement l’usage […]. Il etait capable de reciter de memoire les poemes de Fet, Pouchkine, Lermontov, Tiout chev, Essenine, Tchekhov, Kouprine, ainsi qu’Heinrich Heine et Goethe en allemand […]. Pere fabriqua lui-meme un tambour a broder et me fit apprendre la broderie – point de croix, plumetis, etc. Quandje m’en offusquai, estimant que je n’en avais nulbesoin, il repliqua: ‘Que veux-tu dire? Il faut savoir tout faire!’ […] Il nous enseigna le dessin. Plus tard, nous passames a l’aquarelle, puis a l’huile.”

      Lidia Kouzminitchna Filatova – la femme de Vassili Filatov – evoque ses souvenirs:

      En 1949, on m’envoya enseigner a l’ecole du village de Bechkil qui comptait sept classes […]. Le directeur etait mon futur mari, Vassih Ksenofontovitch Filatov, professeur d’histoire et de geographic. Ma premiere impression de lui fut horrible. Il etait invalide et claudiquait, tirant sa jambe gauche puis la jetant en avant. De plus, il portait une chemise rose et un costume en coton tout firipe, avec des bottes qui rebiquaient au bout. Son visage pale, aux traits reguliers, etait anime par des yeux sombres, tristes, profondement enfonces dans leurs orbites.

      […]. II gagna mon coeur par sa generosite, sa gentillesse, sa vitalite, son courage.

      […] II etait souvent malade, soufffait de terribles maux de tete et de douleurs dans les jambes, les epaules et la taille […]. Pour oublier sa souffrance, il priait et quand il se sentait mieux, il jouait aux echecs.

      Ses enfants racontent qu’il faisait au moins deux parties d’echecs par jour, qu’il lisait des livres sur ce sujet et jouait aussi par correspondance: « Les echecs etaient sa passion. Il jouait quand la douleur s’apaisait. Il disait qu’il preferait cela plutot que de prendre des medicaments”.

      Dans son milieu professionnel, Vassili Filatov jouissait du respect et de l’amitie de tous, bien qu’il n’eut aucun ami proche et n’invitat jamais ses eleves (meme ses favoris) chez lui. Il ne donnait aucune mauvaise note, ne discutait presque jamais. C’etait un bon nageur; il aimait la peche et allait egalement chasser avec ses collegues de travail. Peu loquace sur sa vie passee, il restait tres secret.

      L’evasion et le sauvetage d’Alexis

      Les temoignages des membres de la famille de Vassili Filatov ont permis aux auteurs de recons tituer un scenario possible de ce qui serait arrive a Alexis Romanov juste apres l’execution:

      Le 3 juillet 1918, les unites du general tcheque blanc Gaida et du colonel Voitsekhovski prirent Zlatooust et Kyshtym. Moins de cent kilometres les separaient alors de Iekaterinbourg. Le 4 juillet, le Vе Congres des soviets debuta a Moscou, avec a l’ordre du jour, parmi d’autres questions, l’eventualite d’un proces contre l’exempereur, Nicolas Romanov. A’ Iekaterinbourg, le commandant de la maison Ipatiev fut limoge: Iourovski, president adjoint de la Tcheka provinciale, et Nikouline remplacerent Avdeiev et son assistant, Mochkine. Iourovski et Nikouline changerent toute la garde interieure, mais maintinrent la garde exterieure ou les freres Alexandre et Andrei Strekotine servaient depuis avril 1918. Vassili Filatov parlait d’eux comme de ses oncles et sauveurs.

      En 1928, Andrei Alexandrovitch Strekotine redigea un rapport des jours passes a garder le tsar et les siens. Il decrit les promenades de la famille imperiale:

      Il [le tsar] soulevait avec precaution [son fils] et le serrait contre sa large poitrine, et le garсon se cramponnait a son pere… Le tsar le portait ainsi hors de la maison, le deposait dans une carriole speciale et l’emmenait sur les chemins, s’arretant de temps en temps pour ramasser des cailloux, lui apporter des fleurs ou des branches qu’il lui donnait, et lui, qui n’etait qu’un enfant, les jetait dans les buissons. On avait installe des hamacs pour eux dans le jardin, mais seules les quatre

      filles du tsar s’en servaient. Deux d’entre elles etaient blondes aux yeux gris.

      Elies etaient de taille moyenne et se ressemblaient beaucoup. Tatiana etait une belle brune, plus replete et en pleine sante. L’ainee, СКАЧАТЬ