Mémoires touchant la vie et les écrits de Marie de Rabutin-Chantal, Volume 2. Charles Athanase Walckenaer
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Читать онлайн книгу Mémoires touchant la vie et les écrits de Marie de Rabutin-Chantal, Volume 2 - Charles Athanase Walckenaer страница 20

СКАЧАТЬ rel="nofollow" href="#n169" type="note">169. Dans ce nouveau ballet il jouait le rôle de Scaramouche; et sa petite taille, sa mine chétive, ses petits yeux, étaient si bien appropriés au burlesque de son rôle, qu'il réjouit encore plus les spectateurs par son jeu que par sa musique. Le goût des nobles figurants de ces ballets et de ces mascarades pour les déguisements de femmes augmentait chaque année, surtout pour ceux qui faisaient partie de la maison de MONSIEUR ou étaient attachés à ce prince170. On remarqua aussi que de jour en jour le jeune roi se plaisait davantage dans la société des femmes; et un essaim de jeunes beautés, portées comme lui sur de superbes coursiers, l'entourait presque toujours à la chasse, et le suivait dans ses rapides et brillantes cavalcades.

      Mais les jeunes femmes n'étaient pas celles qu'il recherchait uniquement ni toujours avec le plus d'empressement. La comtesse de Choisy, dont le mari était chancelier de la maison de son frère, femme d'esprit, dans l'âge du retour, qui possédait toutes les grâces de la politesse et du bon ton, toute la science du savoir-vivre, toutes les perfections d'une précieuse du beau temps de l'hôtel de Rambouillet, avait osé dire au jeune roi que s'il voulait devenir un honnête homme (c'est-à-dire, dans le sens qu'on attachait alors à ce mot, un cavalier accompli sous le rapport de la galanterie et de l'élégance des manières), il fallait qu'il eût souvent des entretiens avec elle. Ce conseil fut suivi; Louis allait dîner familièrement chez la comtesse de Choisy, et par la suite il se ressouvint de son institutrice et la récompensa par une pension de huit mille livres171.

      Après les préférences marquées que dans toute occasion Louis XIV avait montrées pour Olympe Mancini, on fut étonné de l'indifférence avec laquelle il apprit le mariage qu'elle allait contracter avec le duc de Soissons. On en conclut que Louis était encore trop jeune pour être capable d'éprouver le sentiment de l'amour, et que son goût pour Olympe Mancini, semblable à celui qu'il avait montré autrefois pour la duchesse de Châtillon, n'était encore que l'effet passager des premières habitudes et des souvenirs de l'enfance. La reine le crut ainsi, et témoigna ouvertement la joie qu'elle en ressentait172. Mazarin fit aussi semblant d'en être satisfait; mais, devinant mieux le naturel du jeune monarque, il se hâta de faire sortir du couvent deux de ses nièces et de les produire à la cour.

      La plus âgée des deux, Marie Mancini, celle-là même qui devait inspirer à Louis XIV un attachement si vrai et si tendre, était une grande fille maigre, avec de longs bras, un long cou, un teint brun et jaune, une grande bouche, mais de belles dents et de grands yeux noirs, beaux, pleins de feux. Louis fit à elle peu d'attention173. Toutefois il la préférait à sa sœur Hortense Mancini, qui devint une des plus belles personnes de son temps, mais qui était encore dans cet âge dont Louis ne faisait que de sortir. Au moment où la reine se félicitait de l'indifférence de son fils à l'égard des femmes, et où elle espérait que de quelque temps du moins la tendresse qu'il avait pour sa mère ne serait combattue par aucun autre sentiment, elle s'aperçut qu'il était devenu amoureux d'une de ses filles d'atour. Cette fille se nommait de La Mothe d'Argencourt; elle n'avait ni beaucoup d'esprit ni beaucoup de beauté, mais pourtant toute sa personne était aimable. Elle dansait admirablement, et sa façon de parler, mélangée de douceur et de vivacité, plaisait au premier abord. Sa peau n'était ni très-fine ni très-blanche; mais, par une singularité piquante, avec de beaux yeux, bleus et des cheveux blonds, elle avait des sourcils noirs et bien arqués; sa taille était grande et svelte, les traits de son visage étaient fins et réguliers, et ses manières pleines de dignité et de grâce. S'il y a au monde quelque chose qu'il soit impossible de dissimuler, c'est un premier amour: Louis ne put dérober la connaissance de celui dont il était atteint aux regards vigilants des personnes intéressées à le surveiller. Il se divertissait quelquefois le soir à de petits jeux, auxquels mademoiselle d'Argencourt participait avec plusieurs de ses compagnes. Dans la familiarité suite nécessaire d'un tel amusement la force de la passion du jeune roi se manifesta de manière à alarmer la reine et Mazarin. Anne d'Autriche ne voulait pas que son fils avant son mariage s'échappât jusqu'à s'abandonner à des plaisirs que la religion réprouvait; et elle mettait tous ses soins à le conserver pur. Il paraissait impossible à Mazarin d'empêcher plus longtemps Louis de se livrer à ses penchants; et pour le maintien de son influence, il désirait que cette sensibilité amoureuse, qui entraînait le jeune roi vers le beau sexe, se dirigeât sur une de ses nièces, et non sur d'autres. La reine et son ministre étaient donc également intéressés, quoique par des motifs différents, à s'opposer à la passion naissante de Louis XIV pour mademoiselle d'Argencourt.

      La reine usa d'abord de tout le pouvoir qu'elle avait encore sur son fils. A son profane amour elle opposa cet amour de Dieu qu'elle lui avait inspiré. Elle effraya la conscience de ce royal adolescent, et réussit à le convaincre qu'il ne pouvait échapper au danger qui le menaçait qu'en le fuyant. Louis se retira à Vincennes, chez le cardinal174. Ce ne fut pas sans de douloureux combats qu'il put persister dans la résolution que lui avaient fait prendre les deux personnes en possession de toute sa confiance, et auxquelles il n'ignorait pas qu'il était redevable de sa vie et de sa couronne. Il gémit, pria, soupira, se confessa, communia; et après une retraite de huit jours, passés dans ces exercices pieux, il reparut dans le monde et au milieu de sa cour, où une si longue absence avait été un sujet d'étonnement et d'entretiens continuels. Le roi évitait de se trouver avec mademoiselle d'Argencourt, et même de la regarder. La reine et le cardinal en éprouvaient une vive satisfaction, et saisissaient toutes les occasions de le féliciter du triomphe qu'il avait remporté sur lui-même175.

      Mademoiselle d'Argencourt n'en était pas, comme Louis, à son début: elle avait un amant quand elle reçut la déclaration du jeune monarque; c'était le beau Chamarante; d'autres disent le marquis de Richelieu: il n'y a d'incertitude que sur l'un ou sur l'autre de ces personnages, et les mémoires qui substituent le nom de l'un à celui de l'autre ne commettent probablement qu'une erreur de date. Cependant ses liaisons avec l'un ou avec l'autre, ou avec tous deux successivement, étaient restées secrètes, et sa réputation survivait encore à sa vertu. La passion que le roi avait pour elle flatta sa vanité, et excita son ambition. Elle ne lui avait opposé qu'une résistance calculée, et lui avait fait promettre, si elle consentait à répondre à son amour, de résister toujours à sa mère et au cardinal, s'ils entreprenaient de la séparer de lui. Elle en était là lorsque Louis, cédant aux conseils d'Anne d'Autriche, s'était retiré à Vincennes. Toute la famille de mademoiselle d'Argencourt, qui avait fondé de grandes espérances sur sa liaison avec le roi, fut, ainsi qu'elle, extrêmement contrariée de le savoir renfermé et gardé à vue chez le cardinal. Ils pensèrent qu'il y était retenu malgré lui; que Mazarin et la reine croyaient que les refus de mademoiselle d'Argencourt de céder aux désirs du roi étaient moins dus à sa vertu qu'au projet qu'elle avait de profiter de la violence d'une première passion et de l'inexpérience de l'âge pour se faire épouser. Afin de bien dissiper ces craintes, la mère de mademoiselle d'Argencourt offrit au cardinal et à Anne d'Autriche de consentir à ce que sa fille demeurât la maîtresse du roi. Elle crut les contraindre à ne pas s'y opposer en leur faisant confidence de ce qui s'était passé dans le tête-à-tête entre les deux amants, et des promesses du roi de résister toujours aux tentatives qu'on pourrait faire pour le séparer de celle qu'il aimait. Ce fut un motif de plus pour le cardinal et pour la reine de chercher à rompre une liaison si menaçante pour leur autorité. La reine en voyant la conduite de son fils après sa retraite de Vincennes se flatta d'y avoir complétement réussi, et elle était persuadée qu'elle n'avait plus rien à redouter de mademoiselle d'Argencourt. Mazarin, moins confiant, ne cessa de faire épier la jeune fille; et, employant ses moyens ordinaires, l'argent et les séductions, il connut ses liaisons, se rendit maître de tous ses secrets, et prit dès lors ses mesures contre tout ce que sa famille ou elle pourraient tenter.

      Tant de précautions semblaient inutiles. Louis tenait bon, et paraissait ne plus conserver du trace de ce qui s'était passé: il était plutôt СКАЧАТЬ



<p>170</p>

LORET, liv. VIII, p. 9, 15, 21 (20 et 27 janvier, et 10 février 1657).

<p>171</p>

LORET, liv. VIII, p. 59 (28 avril).—CHOISY, Mém., Notice sur sa vie, t. LXIII, p. 124.

<p>172</p>

MOTTEVILLE, Mém., t. XXXIX, p. 400.—LORET, Muse historique, liv. VIII, p. 29 (lettre en date du 24 février 1657).

<p>173</p>

MOTTEVILLE, Mém., t. XXXIX, p. 400.—MONTPENSIER, t. XLII, p. 120.—MONGLAT, Mém., t. LI, p. 114.

<p>174</p>

LORET, liv. IX, p. 15 (26 janvier 1658).—MOTTEVILLE, t. XXXIX, p. 401.

<p>175</p>

MONTPENSIER, Mém., t. XLII, p. 272, lig. 1 (lisez La Mothe d'Argencourt au lieu de La Mothe-Houdancourt).