Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 8 - (Q suite - R - S). Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc
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СКАЧАТЬ absolue d'un des deux partis peut offrir des dangers, et qu'il est nécessaire, au contraire, en n'admettant aucun des deux principes d'une manière absolue, d'agir en raison des circonstances particulières. Quelles sont ces circonstances particulières? Nous ne pourrions les indiquer toutes; il nous suffira d'en signaler quelques-unes parmi les plus importantes, afin de faire ressortir le côté critique du travail. Avant tout, avant d'être archéologue, l'architecte chargé d'une restauration doit être constructeur habile et expérimenté, non pas seulement à un point de vue général, mais au point de vue particulier; c'est-à-dire qu'il doit connaître les procédés de construction admis aux différentes époques de notre art et dans les diverses écoles. Ces procédés de construction ont une valeur relative et ne sont pas tous également bons. Quelques-uns même ont dû être abandonnés parce qu'ils étaient défectueux. Ainsi, par exemple, tel édifice bâti au XIIe siècle, et qui n'avait pas de chéneaux sous les égouts des combles, a dû être restauré au XIIIe siècle et muni de chéneaux avec écoulements combinés. Tout le couronnement est en mauvais état, il s'agit de le refaire en entier. Supprimera-t-on les chéneaux du XIIIe siècle pour rétablir l'ancienne corniche du XIIe, dont on retrouverait d'ailleurs les éléments? Certes non; il faudra rétablir la corniche à chéneaux du XIIIe siècle, en lui conservant la forme de cette époque, puisqu'on ne saurait trouver une corniche à chéneaux du XIIe, et qu'en établir une imaginaire, avec la prétention de lui donner le caractère de l'architecture de cette époque, ce serait faire un anachronisme en pierre. Autre exemple: les voûtes d'une nef du XIIe siècle, par suite d'un accident quelconque, ont été détruites en partie et refaites plus tard, non dans leur forme première, mais d'après le mode alors admis. Ces dernières voûtes, à leur tour, menacent ruine; il faut les reconstruire. Les rétablira-t-on dans leur forme postérieure, ou rétablira-t-on les voûtes primitives? Oui, parce qu'il n'y a nul avantage à faire autrement, et qu'il y en a un considérable à rendre à l'édifice son unité. Il ne s'agit pas ici, comme dans le cas précédent, de conserver une amélioration apportée à un système défectueux, mais de considérer que la restauration postérieure a été faite suivant la méthode ancienne, qui consistait, dans toute réfection ou restauration d'un édifice, à adopter les formes admises dans le temps présent, que nous procédons d'après un principe opposé, consistant à restaurer chaque édifice dans le style qui lui est propre. Mais ces voûtes d'un caractère étranger aux premières et que l'on doit reconstruire, sont remarquablement belles. Elles ont été l'occasion d'ouvrir des verrières garnies de beaux vitraux, elles ont été combinées de façon à s'arranger avec tout un système de construction extérieure d'une grande valeur. Détruira-t-on tout cela pour se donner la satisfaction de rétablir la nef primitive dans sa pureté? Mettra-t-on ces verrières en magasin? Laissera-t-on, sans motif, des contre-forts et arcs-boutants extérieurs qui n'auraient plus rien à supporter? Non, certes. On le voit donc, les principes absolus en ces matières peuvent conduire à l'absurde.

      Il s'agit de reprendre en sous-oeuvre les piliers isolés d'une salle, lesquels s'écrasent sous sa charge, parce que les matériaux employés sont trop fragiles et trop bas d'assises. À plusieurs époques, quelques-uns de ces piliers ont été repris, et on leur a donné des sections qui ne sont point celles tracées primitivement. Devrons-nous, en refaisant ces piliers à neuf, copier ces sections variées, et nous en tenir aux hauteurs d'assises anciennes, lesquelles sont trop faibles? Non; nous reproduirons pour tous les piliers la section primitive, et nous les élèverons en gros blocs pour prévenir le retour des accidents qui sont la cause de notre opération. Mais quelques-uns de ces piliers ont eu leur section modifiée par suite d'un projet de changement que l'on voulait faire subir au monument; changement qui, au point de vue des progrès de l'art, est d'une grande importance, ainsi que cela eut lieu, par exemple, à Notre-Dame de Paris au XIVe siècle. Les reprenant en sous-oeuvre, détruirons-nous cette trace si intéressante d'un projet qui n'a pas été entièrement exécuté, mais qui dénote les tendances d'une école? Non; nous les reproduirons dans leur forme modifiée, puisque ces modifications peuvent éclaircir un point de l'histoire de l'art. Dans un édifice du XIIIe siècle, dont l'écoulement des eaux se faisait par les larmiers, comme à la cathédrale de Chartres, par exemple, on a cru devoir, pour mieux régler cet écoulement, ajouter des gargouilles aux chéneaux pendant le XVe siècle. Ces gargouilles sont mauvaises, il faut les remplacer. Substituerons-nous à leur place, sous prétexte d'unité, des gargouilles du XIIIe siècle? Non; car nous détruirions ainsi les traces d'une disposition primitive intéressante. Nous insisterons au contraire sur la restauration postérieure, en maintenant son style.

      Entre les contre-forts d'une nef, des chapelles ont été ajoutées après coup. Les murs sous les fenêtres de ces chapelles et les pieds-droits des baies ne se relient en aucune façon avec ces contre-forts plus anciens, et font bien voir que ces constructions sont ajoutées après coup. Il est nécessaire de reconstruire, et les parements extérieurs de ces contre-forts qui sont rongés par le temps, et les fermetures des chapelles. Devrons-nous relier ces deux constructions d'époques différentes et que nous restaurons en même temps? Non; nous conserverons soigneusement l'appareil distinct des deux parties, les déliaisons, afin que l'on puisse toujours reconnaître, que les chapelles ont été ajoutées après coup entre les contre-forts.

      De même, dans les parties cachées des édifices, devrons-nous respecter scrupuleusement toutes les traces qui peuvent servir à constater des adjonctions, des modifications aux dispositions primitives.

      Il existe certaines cathédrales en France, parmi celles refaites à la fin du XIIe siècle, qui n'avaient point de transsept. Telles sont, par exemple, les cathédrales de Sens, de Meaux, de Senlis. Aux XIVe et XVe siècles, des transsepts ont été ajoutés aux nefs, en prenant deux de leurs travées. Ces modifications ont été plus ou moins adroitement faites; mais, pour les yeux exercés, elles laissent subsister des traces des dispositions primitives. C'est dans des cas semblables que le restaurateur doit être scrupuleux jusqu'à l'excès, et qu'il doit plutôt faire ressortir les traces de ces modifications que les dissimuler.

      Mais s'il s'agit de faire à neuf des portions de monuments dont il ne reste nulle trace, soit par des nécessités de constructions, soit pour compléter une oeuvre mutilée, c'est alors que l'architecte chargé d'une restauration doit se bien pénétrer du style propre au mouvement dont la restauration lui est confiée. Tel pinacle du XIIIe siècle, copié sur un édifice du même temps, fera une tache si vous le transportez sur un autre. Tel profil pris sur un petit édifice jurera appliqué à un grand. C'est d'ailleurs une erreur grossière de croire qu'un membre d'architecture du moyen âge peut être grandi ou diminué impunément. Dans cette architecture, chaque membre est à l'échelle du monument pour lequel il est composé. Changer cette échelle, c'est rendre ce membre difforme. Et à ce sujet nous ferons remarquer que la plupart des monuments gothiques que l'on élève à neuf aujourd'hui reproduisent souvent à une autre échelle des édifices connus. Telle église sera un diminutif de la cathédrale de Chartres, telle autre de l'église Saint-Ouen de Rouen. C'est partir d'un principe opposé à celui qu'admettaient, avec tant de raison, les maîtres du moyen âge. Mais si ces défauts sont choquants dans des édifices neufs et leur enlèvent toute valeur, ils sont monstrueux lorsqu'il s'agit de restaurations. Chaque monument du moyen âge a son échelle relative à l'ensemble, bien que cette échelle soit toujours soumise à la dimension de l'homme. Il faut donc y regarder à deux fois lorsqu'il s'agit de compléter des parties manquantes à un édifice du moyen âge, et s'être bien pénétré de l'échelle admise par le constructeur primitif.

      Dans les restaurations, il est une condition dominante qu'il faut toujours avoir présente à l'esprit. C'est de ne substituer à toute partie enlevée que des matériaux meilleurs et des moyens plus énergiques ou plus parfaits. Il faut que l'édifice restauré ait passé pour l'avenir, par suite de l'opération à laquelle on l'a soumis, un bail plus long que celui déjà écoulé. On ne peut nier que tout travail de restauration est pour une construction une épreuve assez dure. Les échafauds, les étais, les arrachements nécessaires, les enlèvements partiels de maçonnerie, causent dans l'oeuvre un ébranlement qui parfois a déterminé des accidents très-graves. Il est donc prudent de compter que toute construction СКАЧАТЬ