Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 8 - (Q suite - R - S). Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc
Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 8 - (Q suite - R - S) - Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc страница 10

СКАЧАТЬ d'avoir restauré des parties supérieures d'édifices avec des matériaux plus lourds que ceux qui furent primitivement employés. Ces oublis, ces négligences, ont causé plus d'un sinistre. Nous ne saurions trop le répéter, les monuments du moyen âge sont savamment calculés, leur organisme est délicat. Rien de trop dans leurs oeuvres, rien d'inutile; si vous changez l'une des conditions de cet organisme, vous modifiez toutes les autres. Plusieurs signalent cela comme un défaut; pour nous, c'est une qualité que nous négligeons un peu trop dans nos constructions modernes, dont on pourrait enlever plus d'un membre sans compromettre leur existence. À quoi, en effet, doivent servir la science, le calcul, si ce n'est, en fait de construction, à ne mettre en oeuvre que juste les forces nécessaires? Pourquoi ces colonnes, si nous les pouvons enlever sans compromettre la solidité de l'ouvrage? Pourquoi des murs coûteux de 2 mètres d'épaisseur, si des murs de 50 centimètres, renforcés de distance en distance par des contre-forts d'un mètre carré de section, présentent une stabilité suffisante? Dans la structure du moyen âge, toute portion de l'oeuvre remplit une fonction et possède une action. C'est à connaître exactement la valeur de l'une et de l'autre que l'architecte doit s'attacher, avant de rien entreprendre. Il doit agir comme l'opérateur adroit et expérimenté, qui ne touche à un organe qu'après avoir acquis une entière connaissance de sa fonction, et qu'après avoir prévu les conséquences immédiates ou futures de son opération. S'il agit au hasard, mieux vaut qu'il s'abstienne. Mieux vaut laisser mourir le malade que le tuer.

      La photographie, qui chaque jour prend un rôle plus sérieux dans les études scientifiques, semble être venue à point pour aider à ce grand travail de restauration des anciens édifices, dont l'Europe entière se préoccupe aujourd'hui.

      En effet, lorsque les architectes n'avaient à leur disposition que les moyens ordinaires du dessin, même les plus exacts, comme la chambre claire, par exemple, il leur était bien difficile de ne pas faire quelques oublis, de ne pas négliger certaines traces à peine apparentes. De plus, le travail de restauration achevé, on pouvait toujours leur contester l'exactitude des procès-verbaux graphiques, de ce qu'on appelle des états actuels. Mais la photographie présente cet avantage, de dresser des procès-verbaux irrécusables et des documents que l'on peut sans cesse consulter, même lorsque les restaurations masquent des traces laissées par la ruine. La photographie a conduit naturellement les architectes à être plus scrupuleux encore dans leur respect pour les moindres débris d'une disposition ancienne, à se rendre mieux compte de la structure, et leur fournit un moyen permanent de justifier de leurs opérations. Dans les restaurations, on ne saurait donc trop user de la photographie, car bien souvent on découvre sur une épreuve ce que l'on n'avait pas aperçu sur le monument lui-même.

      Il est, en fait de restauration, un principe dominant dont il ne faut jamais et sous aucun prétexte s'écarter, c'est de tenir compte de toute trace indiquant une disposition. L'architecte ne doit être complétement satisfait et ne mettre les ouvriers à l'oeuvre que lorsqu'il a trouvé la combinaison qui s'arrange le mieux et le plus simplement avec la trace restée apparente; décider d'une disposition à priori sans s'être entouré de tous les renseignements qui doivent la commander, c'est tomber dans l'hypothèse, et rien n'est périlleux comme l'hypothèse dans les travaux de restauration. Si vous avez le malheur d'adopter sur un point une disposition qui s'écarte de la véritable, de celle suivie primitivement, vous êtes entraîné par une suite de déductions logiques dans une voie fausse dont il ne vous sera plus possible de sortir, et mieux vous raisonnez dans ce cas, plus vous vous éloignez de la vérité. Aussi, lorsqu'il s'agit, par exemple, de compléter un édifice en partie ruiné; avant de commencer, faut-il tout fouiller, tout examiner, réunir les moindres fragments en ayant le soin de constater le point où ils ont été découverts, et ne se mettre à l'oeuvre que quand tous ces débris ont trouvé logiquement leur destination et leur place, comme les morceaux d'un jeu de patience. Faute de ces soins, on se prépare les plus fâcheuses déceptions, et tel fragment que vous découvrez après une restauration achevée, démontre clairement que vous vous êtes trompé. Sur ces fragments que l'on ramasse dans des fouilles, il faut examiner les lits de pose, les joints, la taille; car il est telle ciselure qui n'a pu être faite que pour produire un certain effet à une certaine hauteur. Il n'est pas jusqu'à la manière dont ces fragments se sont comportés en tombant, qui ne soit souvent une indication de la place qu'ils occupaient. L'architecte, dans ces cas périlleux de reconstruction de parties d'édifices démolis, doit donc être présent lors des fouilles et les confier à des terrassiers intelligents. En remontant les constructions nouvelles, il doit, autant que faire se peut, replacer ces débris anciens, fussent-ils altérés: c'est une garantie qu'il donne et de la sincérité et de l'exactitude de ses recherches.

      Nous en avons assez dit pour faire comprendre les difficultés que rencontre l'architecte chargé d'une restauration, s'il prend ses fonctions au sérieux, et s'il veut non-seulement paraître sincère, mais achever son oeuvre avec la conscience de n'avoir rien abandonné au hasard et de n'avoir jamais cherché à se tromper lui-même.

       RETABLE, s. m. Nous expliquons, à l'article AUTEL, comment les retables n'existaient pas sur les autels de la primitive Église. Thiers 18, auquel il est toujours utile de recourir lorsqu'il s'agit de l'ancienne liturgie, s'exprime ainsi à propos des retables: «Les anciens autels qui avoient pour caractère particulier la simplicité, étoient disposés de telle sorte que les évêques ou les prestres qui y célébroient les mystères divins, et les personnes qui étoient derrière, se pouvoient voir les uns les autres. En voici deux raisons qui me paroissent dignes de considération.

      «La première est prise des siéges ou throsnes épiscopaux... Ces siéges étoient placés derrière les autels et afin que les prélats s'y pussent asseoir, et afin qu'y étant assis, ils eussent en vue leur clergé et leur peuple... et qu'ils fussent eux-mêmes en vue à leur clergé et à leur peuple. Ainsi, où il y avoit des siéges épiscopaux, il n'y avoit point de retables; il y avoit des siéges épiscopaux au moins dans toutes les églises cathédrales...

      «La seconde raison est tirée de l'ancienne cérémonie pour laquelle, aux messes solennelles, le sous-diacre, après l'oblation, se retiroit derrière l'autel avec la patène, qu'il y tenoit cachée en regardant néanmoins le célébrant...»

      Or, le retable étant un dossier posé sur une table d'autel et formant ainsi, devant le célébrant, une sorte d'écran, les retables ne furent donc placés sur les autels principaux qu'à dater de l'époque où les choeurs et les siéges épiscopaux s'établirent en avant, et non plus autour de l'abside. Et même alors, dans les cathédrales du moins, le retable ne fut guère admis pour les maîtres autels (voy. AUTEL). Dans son Dictionnaire, Quatremère de Quincy définit ainsi le retable: «Ouvrage d'architecture fait de marbre, de pierre ou de bois, qui forme la décoration d'un autel adossé.» Il y a là une erreur manifeste. D'abord les autels n'étaient pas et ne devaient pas être adossés, puisque certaines cérémonies exigeaient que l'on tournât autour; puis les retables n'étaient pas et ne pouvaient pas être ce qu'on appelle un ouvrage d'architecture, mais bien un simple dossier décoré de bas-reliefs et de peintures.

      Les autels primitifs n'étaient qu'une table posée horizontalement sur des piliers isolés, table sur laquelle, dans l'Église grecque comme dans l'Église d'Occident, jusqu'au XIVe siècle, on ne posait que l'Évangile et le ciboire au moment de l'office. Dans les choeurs, le célébrant pouvait ainsi être vu de tous les points de l'abside. Mais vers la fin du XIe siècle, en Occident, sans adosser jamais les autels aux parois d'un mur, puisque certaines cérémonies exigeaient qu'on en fît le tour, on plaça parfois des retables sur les tables de l'autel, pour former derrière celui-ci un réduit propre à renfermer des reliques. Ces retables étaient même le plus souvent mobiles 19, en orfévrerie ou en bois, quelquefois recouverts d'étoffes 20. Nous n'avons à nous occuper ici que des retables fixes, et nous n'en connaissons pas en France qui soient antérieurs au commencement СКАЧАТЬ



<p>18</p>

J. B. Thiers, Dissertation ecclésiastique sur les principaux autels des églises, 1688, p. 181.

<p>19</p>

Voyez le Dictionnaire du mobilier français, art. RETABLE.

<p>20</p>

Voyez l'article AUTEL, l'autel matutinal de Saint-Denis (fig. 7), les autels des cathédrales d'Arras et de Paris (fig. 8 et 9).