Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 7 - (P). Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc
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СКАЧАТЬ éclat pouvant lutter avec les demi-teintes de l'or, d'être apposés en glacis. Ces glacis semblent avoir été collés au moyen d'un gluten résineux, peut-être seulement à l'aide de ce vernis composé d'huile de lin et de gomme arabique. Quant à la peinture des dessous ou empâtée, elle est fine, et est posée sur une assiette de chaux très-mince; ce n'est cependant pas de la fresque, car cette peinture s'écaille et forme couverte.

      Il arrivait même souvent aux artistes peignant des sujets ou des ornements sur fond d'or, de dorer les dessous des ornements ou draperies destinés à être colorés en rouge, en pourpre ou en jaune mordoré. Alors la coloration n'était qu'un glacis très-transparent posé sur le métal, et, avec des tons très-intenses, on évitait les lourdeurs. Ces tons participaient du fond et conservaient quelque chose de son éclat métallique.

      La cherté des peintures dans lesquelles l'or jouait un rôle important, les difficultés, conséquences de l'emploi de ce métal, qui entravaient le peintre à chaque pas pour conserver partout une harmonie brillante, très-soutenue, sans tomber dans la lourdeur, firent que vers la fin du XIIIe siècle, ainsi que nous l'avons dit, on adopta souvent le parti des grisailles. On avait poussé si loin, vers le milieu du XIIIe siècle, la coloration des vitraux; cette coloration écrasante avait entraîné les peintres à donner aux tons de leurs peintures un tel éclat et une telle intensité, qu'il fallait revenir en arrière. On fit alors beaucoup de vitraux en grisailles, ou l'on éclaircit la coloration translucide; l'or ne joua plus dans la peinture qu'un rôle très-secondaire et les sujets furent colorés par des tons doux, très-clairs, et, pour éviter l'effet plat et fade de ces camaïeux à peine enluminés, on les soutint par des fonds très-violents, noirs, brun-rouge, bleu intense, chargés souvent de dessins tons sur tons ou de damasquinages de couleurs variées, mais présentant une masse très vigoureuse. On ne songeait guère alors aux fonds de perspective, mais on commençait à donner aux accessoires, comme les siéges, les meubles, une apparence réelle. Peu à peu le champ de l'imitation s'étendit; après avoir peint seulement les objets touchant immédiatement aux figures suivant leur forme et leur dimension vraie, on plaça un édifice, une porte, un arbre, sur un plan secondaire; puis enfin les fonds de convention et purement décoratifs disparurent, pour faire place à une interprétation réelle du lieu où la scène se passait. Toutefois il faut constater que si les peintres, avant le XVIe siècle, cherchaient à donner une représentation réelle du lieu, ils ne songeaient, comme nous l'avons dit déjà, ni à la perspective aérienne, ni à l'effet, c'est-à-dire à la répartition de la lumière sur un point principal, ni à produire l'illusion, et que leurs peintures conservaient toujours l'aspect d'une surface plane décorée, ce qui est, croyons-nous, une des conditions essentielles de la peinture monumentale.

      Nous ne pourrions nous étendre davantage, sans sortir du cadre de cet article, sur la peinture des sujets dans les édifices. D'ailleurs nous avons l'occasion de revenir sur quelques points touchant la peinture, dans les articles STYLE et VITRAIL. Nous passerons maintenant à la peinture d'ornement, à la décoration peinte proprement dite. Il y a lieu de croire que sur cette partie importante de l'art, les artistes du moyen âge n'avaient que des traditions, une expérience journalière, mais peu ou point de théories. Les traités de peinture ne s'occupent que des moyens matériels et n'entrent pas dans des considérations sur l'art, sur les méthodes à employer dans tel ou tel cas. Pour nous, qui avons absolument perdu ces traditions, et qui ne possédons qu'une expérience très-bornée de l'effet décoratif de la peinture, nous devons nécessairement nous appuyer sur l'observation des exemples passés pour reconstituer certaines théories résultant de cette expérience et de ces traditions. Il serait assez inutile à nos lecteurs de savoir que tel ornement est jaune ou bleu, si nous n'expliquons pas pourquoi il est jaune ici et bleu là, et comment il produit un certain effet dans l'un ou l'autre cas. La peinture décorative est avant tout une question d'harmonie, et il n'y a pas de système harmonique qui ne puisse être expliqué.

      La peinture décorative est d'ailleurs une des parties de l'art de l'architecture difficiles à appliquer, précisément parce que les lois sont essentiellement variables en raison du lieu et de l'objet. La peinture décorative grandit ou rapetisse un édifice, le rend clair ou sombre, en altère les proportions ou les fait valoir; éloigne ou rapproche, occupe d'une manière agréable ou fatigue, divise ou rassemble, dissimule les défauts ou les exagère. C'est une fée qui prodigue le bien ou le mal, mais qui ne demeure jamais indifférente. À son gré, elle grossit ou amincit des colonnes, elle allonge ou raccourcit des piliers, élève des voûtes ou les rapproche de l'oeil, étend des surfaces ou les amoindrit; charme ou offense, concentre la pensée en une impression ou distrait et préoccupe sans cause. D'un coup de pinceau elle détruit une oeuvre savamment conçue, mais aussi d'un humble édifice elle fait une oeuvre pleine d'attraits, d'une salle froide et nue un lieu plaisant où l'on aime à rêver et dont on garde un souvenir ineffaçable.

      Lui fallait-il, au moyen âge, pour opérer ces prodiges, des maîtres excellents, de ces artistes comme chaque siècle en fournit un ou deux? Non certes; elle ne demandait que quelques ouvriers peintres agissant d'après des principes dérivés d'une longue observation des effets que peuvent produire l'assemblage des couleurs et l'échelle des ornements. Alors la plus pauvre église de village badigeonnée à la chaux avec quelques touches de peinture était une oeuvre d'art, tout comme la sainte Chapelle, et l'on ne voyait pas, au milieu de la même civilisation, des ouvrages d'art d'une grande valeur ou au moins d'une richesse surprenante, et à quelque pas de là de ces désolantes peintures décoratives qui déshonorent les murailles qu'elles couvrent et font rougir les gens de goût qui les regardent.

      Il n'y a, comme chacun sait, que trois couleurs, le jaune, le rouge et le bleu, le blanc et le noir étant deux négations: le blanc la lumière non colorée, et le noir l'absence de lumière. De ces trois couleurs dérivent tous les tons, c'est-à-dire des mélanges infinis. Le jaune et le bleu produisent les verts, le rouge et le bleu les pourpres, et le rouge et le jaune les orangés. Au milieu de ces couleurs et de leurs divers mélanges la présence du blanc et du noir ajoute à la lumière ou l'atténue. Précisément parce que le blanc et le noir sont deux négations et sont étrangers aux couleurs, ils sont destinés, dans la décoration, à en faire ressortir la valeur. Le blanc rayonne, le noir fait ressortir le rayonnement et le limite. Les peintres décorateurs du moyen âge, soit par instinct, soit bien plutôt par tradition, n'ont jamais coloré sans un appoint blanc ou noir, souvent avec tous les deux. Partant du simple au composé, nous allons expliquer leurs méthodes. Nous ne parlons que de la peinture des intérieurs, de celle éclairée par une lumière diffuse; nous nous occuperons en dernier lieu de la peinture extérieure, c'est-à-dire éclairée par la lumière directe. Pendant la période du moyen âge, où la peinture monumentale joue un rôle important, nous observons que l'artiste adopte d'abord une tonalité dont il ne s'écarte pas dans un même lieu. Or, ces tonalités sont peu nombreuses, elles se réduisent à trois: la tonalité obtenue par le jaune et le rouge avec l'appoint lumineux et obscur, c'est-à-dire le blanc et le noir; la tonalité obtenue avec le jaune, le rouge et le bleu, qui entraîne forcément les tons intermédiaires, c'est-à-dire le vert, le pourpre et l'orangé, toujours avec appoint blanc et noir, ou noir seul; la tonalité obtenue à l'aide de tous les tons donnés par les trois couleurs, mais avec appoint d'or et l'élément obscur, le noir, les reflets lumineux de l'or remplaçant dans ce cas le blanc.

      En supposant que le jaune vaille 1, le rouge 2, le bleu 3: mêlant le jaune et le rouge, nous obtenons l'orangé, valeur 3; le jaune et le bleu, le vert, valeur 4; le rouge et le bleu, le pourpre, valeur 5. Si nous mettons des couleurs sur une surface, pour que l'effet harmonieux ne soit pas dépassé, posant seulement du jaune et du rouge, il faudra que la surface occupée par le jaune soit le double au moins de la surface occupée par le rouge. Mais si nous ajoutons du bleu à l'instant, l'harmonie devient plus compliquée; la présence seule du bleu nécessite, ou une augmentation relative considérable des surfaces jaune et rouge, ou l'appoint des tons verts et pourpres, lesquels, comme le vert, ne devront pas être au-dessous du quart et le pourpre du cinquième de la surface totale. Ce sont là des règles élémentaires de l'harmonie de la peinture décorative des artistes du moyen âge. Aussi СКАЧАТЬ