Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 6 - (G - H - I - J - K - L - M - N - O). Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc
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СКАЧАТЬ solidité à toute épreuve.

      Les grilles de défense des trésors, des sanctuaires, des riches tombeaux, de précieux reliquaires, présentent non-seulement un obstacle aux voleurs ou aux indiscrets, mais elles sont aussi parfois armées de pointes et de chardons qui en rendent l'escalade périlleuse: telle est la grille du sanctuaire de l'église de Conques (Aveyron), dont nous donnons (6 ter) un fragment.

      Cette grille, qui n'a que 1m,40 de hauteur, non compris les couronnements, présente extérieurement, au droit de chaque montant, un appendice saillant qui ôte toute idée de tenter une escalade; de plus, les montants eux-mêmes sont munis de fers pointus, barbelés, forgés avec soin. Les appendices A se terminent par de petites têtes de dragons qui semblent être les gardiens du sanctuaire. Cette grille curieuse est décrite et dessinée en géométral dans le tome Xl des Annales archéologiques de M. Didron; elle nous paraît appartenir à la fin du XIIe siècle ou au commencement du XIIIe.

      Avant de présenter des modèles de grilles de clôture d'une époque plus récente, il est nécessaire de dire quelques mots des grilles dormantes et de garde scellées dans les baies vitrées, et servant à la fois de grillage et de défense. Les fenêtres de trésors d'églises, de rez-de-chaussée, de baies de châteaux, étaient souvent munies de ces sortes de grilles artistement travaillées. Nous voyons encore, à l'extérieur des baies romanes de l'église de la Brède (Gironde), des grilles du XIIe siècle, intéressantes à étudier. Leur fabrication est très-naïve, et cependant elles produisent un fort bon effet. Ces fenêtres romanes n'ont pas plus de 0,26 c. de largeur sur une hauteur de 0,90 c.

      La défense (7) consiste en une seule barre verticale de fer carré de 0,03 c., avec traverses A fichées comme des clavettes à travers des renflements de la barre verticale. Ces traverses sont aplaties, 0,02 c. sur 0,007m. Des enroulements en fer plat de 0,03 c. sur 0,004m sont également traversés et maintenus, par conséquent, au moyen des traverses-clavettes A. La tige verticale est affûtée à sa partie supérieure pour entrer dans un trou pratiqué dans la clef de l'arc, et façonnée en queue de carpe à sa partie inférieure pour fournir un bon scellement. Ici donc pas de soudures, seulement de petites pièces de forge assemblées de la manière la plus naturelle. Nous avons vu aussi de ces sortes de grilles de défense posées devant des fenêtres du XIIIe siècle, et qui se composent de barres verticales en fer plat de 0,035m sur 0,02 c., avec clavettes rivées en croix, ainsi que l'indique la fig. 8 19.

      Le rivet est carré afin d'empêcher les clavettes A de tourner. Il nous faut mentionner ici encore une fort belle grille dormante de défense trouvée à Agen, rue Saint-Antoine 20. Elle remplit aujourd'hui un cintre complet de 1m,60 de diamètre, et devait, pensons-nous, garnir une rose. Six panneaux, disposés en claveaux, composent le demi-cintre, et sont maintenus au moyen de deux demi-cercles et de sept barres rayonnantes (9). Nous donnons, en A, le détail de la pièce principale de l'un de ces panneaux formés de brindilles en fer carré de 0,008m, soudées au moyen d'embases B, suivant la méthode employée par les forgerons des XIIIe et XIVe siècles (voy. SERRURERIE).

      Revenons maintenant aux grilles de clôtures avec parties ouvrantes. La fig. 6 nous fournit un des premiers exemples de ces sortes de grilles avec ornements étampés; mais là, les fers sont étampés et côtelés sur le plat; le travail était beaucoup plus difficile s'il s'agissait d'orner les brindilles sur le champ du fer. C'est cependant ce que firent souvent les forgerons du XIIIe siècle. On voit encore dans l'église de Braîne, près de Soissons, des portions de grilles dormantes d'un charmant dessin, forgées suivant cette méthode. Très-légères en apparence, ces grilles, dont les fers se présentent de champ, ont une grande solidité.

      Nous donnons (10) un des fragments de leurs panneaux. En A est tracée la section des brindilles, grandeur d'exécution. Ces brindilles sont étampées des deux côtés en B et C, ce qui ajoute singulièrement à la difficulté d'exécution. L'épaisseur du champ diminue beaucoup à l'extrémité de chaque tigette portant un ornement, de manière à ce que ces ornements se renferment dans l'épaisseur EF.

      Cependant l'art du forgeron, en France, ne restait pas stationnaire; il cherchait des moyens nouveaux, des formes qui n'avaient pas encore été employées. Dès le commencement du XIVe siècle, le système des grilles composées de brindilles contournées et étampées, assemblées au moyen d'embrasses non soudées, comme les grilles de Saint-Denis, de Saint-Germer, de Saint-Aventin 21, de Braîne, de la cathédrale de Reims, n'étaient plus guère usitées; on cherchait d'autres combinaisons, on introduisait les plaques de fer battu découpées et modelées, comme moyen décoratif, à la place des ornements étampés en plein fer. Les forgerons voulaient produire plus d'effet avec des moyens de fabrication plus simples. L'industrie se perfectionnait, mais l'art y perdait. Les rivets remplaçaient les embrasses et même les soudures; on voulait fabriquer plus vite et avec peu de dépense; il ne faut pas moins reconnaître que les ouvriers de cette époque étaient beaucoup plus habiles que les nôtres lorsqu'il s'agissait de manier le fer et de le soumettre à l'action du feu. En effet, pour qui a pris la peine de se rendre compte des procédés employés par les forgerons, ce qui doit surprendre dans la fabrication de ces ouvrages délicats, c'est l'égalité dans l'exécution et la malléabilité laissée au métal. Les fers de ces anciennes grilles, bien qu'ils aient dû passer au feu un grand nombre de fois avant d'arriver à l'achèvement de l'ouvrage, ne sont jamais brûlés; ils conservent leur souplesse, et les soudures sont faites avec une perfection et une liberté très-difficiles à obtenir aujourd'hui 22. La lime s'est chargée de rectifier les maladresses du forgeron; alors la lime ne s'attaquait jamais aux pièces apparentes: c'était le marteau seul qui laissait son empreinte sur le fer.

      Voici un fragment d'une grille de clôture du XIVe siècle (11) qui explique la transition entre le système des grilles avec ornements étampés et ceux obtenus au moyen de plaques de tôle modelées, rapportées à l'aide de rivures. Ici ce n'est pas encore la tôle rapportée, mais ce n'est plus le fer étampé; le principe des montants et traverses persiste, chaque brindille est façonnée ainsi que l'indique le détail A; les feuilles découpées sont obtenues aux dépens de la brindille dont le fer a été refoulé pour former une masse, aplatie ensuite au marteau. Au lieu d'être attachées aux montants par des embrasses, comme dans les grilles du XIIIe siècle, ces brindilles sont rivées latéralement en C. Les montants passés à travers les oeils des traverses hautes sont rivées sous les traverses basses en D; de plus, ils sont recouverts sur les deux faces de deux plaques minces de fer battu retouchées et gravées au burin. Ces plaques, que nous avons supprimées dans le tracé de l'ensemble de la grille, sont figurées dans le détail E; les montants et traverses ont 0,016m de large sur 0,025m de champ; les brindilles, 0,006m sur 0,016m de champ. La grille tout entière, d'une traverse à l'autre, porte près d'un mètre 23.

      Généralement, à la fin du XIVe siècle et au commencement du XVe, les plaques de fer battu servant d'ornements sont soudées aux gros fers ou aux brindilles; ce n'est que plus tard que la tôle rivée est employée comme décoration. Il existe, dans le cloître de la cathédrale du Puy-en-Vélay, une grille de ce genre très-habilement forgée. Nous en donnons un ensemble (12).

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<p>19</p>

Maison à Saint-Antonin (Tarn-et-Garonne).

<p>20</p>

Par M. Alaux, architecte. Cette grille, ou plutôt ce fragment de grille, est disposé aujourd'hui sous le cintre d'une porte d'habitation dont la construction remonte à une époque assez récente. Le centre de la grille n'existe plus, nous le supposons rétabli.

<p>21</p>

Voy. Gailhabaud, L'Architecture du Ve au XVIIe siècle et les arts qui en dépendent, t. IV.

<p>22</p>

Nous ne voulons pas paraître injuste envers notre temps: avec un peu de persistance et de bons avis on arrive encore aujourd'hui à faire fabriquer ces ouvrages de ferronnerie. D'ailleurs ce ne sont jamais les ouvriers qui nous font défaut en France. L'obstacle, c'est la routine, ce sont les préjugés; tranchons le mot: l'ignorance des chefs, ignorance passée à l'état de privilége inattaquable.

<p>23</p>

Provenant d'une clôture, magasins de Saint-Denis.