Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 6 - (G - H - I - J - K - L - M - N - O). Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc
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СКАЧАТЬ s. m. Maison commune. Le mouvement politique qui se manifesta, dès le XIe siècle, dans un certain nombre de villes, et qui eut pour résultat l'affranchissement de la commune, chercha naturellement à centraliser la conjuration en élevant un édifice propre à contenir les jurés. Toutes fois qu'une charte de commune était octroyée, le droit d'ériger une maison commune et un beffroi s'y trouvait compris. Mais, jusqu'au XIVe siècle, les communes ont à subir des vicissitudes si diverses, aujourd'hui octroyées, demain abolies, qu'il nous reste bien peu de maisons de ville antérieures à cette époque, le premier acte de l'autorité qui abolissait la commune étant d'exiger la démolition de l'hôtel et du beffroi. «Les maisons communes, dit M. Champollion-Figeac 38, appartenaient quelquefois au roi ou aux seigneurs suzerains qui en permettaient l'usage à de certaines conditions. En 1271, celle de Carcassonne provint d'un don royal, et le sénéchal y exerçait la police au nom du monarque 39... Celle de la ville de Limoges appartenait, en 1275, au vicomte de ce nom, qui permettait aux consuls de s'y assembler avec le prévôt pour discuter les affaires municipales, et elle portait le nom de Consulat. Elle avait cependant été construite par la commune; mais il fut reconnu que c'était sur un emplacement appartenant au vicomte, ce qui fut cause que la propriété lui fut adjugée sur sa réclamation.»

      L'état précaire des communes, le peu de ressources dont elles disposaient pour subvenir à toutes les charges qui leur étaient imposées, devaient les arrêter souvent dans leurs projets de constructions de maisons de ville. Cependant certaines grandes cités, comme Bordeaux, par exemple, possédaient des édifices bâtis pour servir de maisons de ville, vers la fin du XIIe siècle 40. Il est certain que les villes de la Gaule situées au midi de la Loire avaient conservé, beaucoup mieux que celles du nord, les traditions municipales des derniers temps de l'Empire romain. «C'est là seulement, dit M. Aug. Thierry 41, que les cités affranchies atteignirent à la plénitude de cette existence républicaine, qui était en quelque sorte l'idéal auquel aspiraient toutes les communes.» Aussi ces villes possédaient-elles des édifices auxquels on peut donner le nom de maison commune, à une époque où, dans le Nord, on n'avait eu ni le loisir ni les moyens matériels nécessaires à leur érection. Certaines parties du Capitole de Toulouse indiquent une date fort ancienne, et cet hôtel municipal était une véritable forteresse dès le XIIe siècle.

      Dans la petite ville de Saint-Antonin, située dans le département de Tarn-et-Garonne, cité autrefois importante et riche, il existe encore un hôtel de ville du milieu du XIIe siècle, qui est certainement l'un des plus curieux édifices civils de la France. Il servait de halle à rez-de-chaussée.

      Le premier et le second étage contenaient chacun une salle et un cabinet. Une tour servant de beffroi couronnait un des côtés de la façade. Voici (1), en A, le plan du rez-de-chaussée. L'espace H servait de halle couverte et était mis en communication avec un marché M existant autrefois sur ce point; en P était le passage d'une voie publique sous le beffroi. L'escalier pour monter aux étages supérieurs était primitivement bâti en E; mais cet escalier, détruit depuis longtemps, a été remplacé par une vis qui est disposée en V. Le dessous du beffroi a subi quelques changements, afin de consolider les piles qui étaient fort altérées; mais ces changements laissent parfaitement voir la construction primitive. En B est tracé le plan du premier étage, auquel on arrivait par la porte F donnant sur l'ancien escalier. Ce premier étage se compose d'une salle S et d'un cabinet N ayant vue sur la place publique par la fenêtre R et sur une rue principale par celle T. Le sol de ce cabinet est élevé de quelques marches au-dessus de celui de la salle. Le plan C est celui du second étage. La porte d'entrée étant autrefois percée en F', du cabinet N' on montait à la guette du beffroi par un escalier en bois ou plutôt une sorte d'échelle de meunier passant à travers la voûte en berceau tiers-point qui couvre l'espace a,b,c,d. La salle principale S, au premier étage, est largement éclairée par une belle claire-voie qui a toujours été disposée pour être vitrée.

      Nous donnons (2) l'élévation de cet édifice, dont la partie supérieure X seule est moderne 42, et (3) un détail de la claire-voie du premier étage.

      En A est tracée la coupe de cette claire-voie avec le plancher B et l'arc C de rez-de-chaussée. En D, nous avons présenté la face extérieure d'une partie (1/3) du fenestrage, et, en E, sa face intérieure. Des châssis ouvrants viennent battre sur des traverses en bois hautes et basses G. La construction de tout le monument est traitée avec soin, faite en pierre très-dure du pays; la sculpture est d'une finesse et d'une pureté remarquables, tous les profils sont d'un excellent style et taillés en perfection. Des cuvettes en faïence émaillée, incrustées dans la pierre, ornaient certaines parties de la façade 43. Sur l'un des deux piliers qui coupent la claire-voie en trois travées, on remarque une statue d'un personnage couronné tenant un livre de la main droite et de la gauche un long sceptre terminé par un oiseau; sur l'autre, un groupe d'Adam et d'Ève tentés par le serpent. Ces figures en ronde-bosse, petite nature, sont d'un beau caractère et sculptées avec une extrême délicatesse de détails. La figure du personnage couronné a été l'occasion de quelques discussions. Quelques-uns ont voulu voir là Moïse, d'autres Charlemagne, d'autres encore un roi contemporain du monument. À grand'peine, sur le livre ouvert, nous avons pu, il y a quelques années, découvrir les fragments d'une inscription peinte.

      Nous donnons ici les traces visibles de cette peinture sur les deux pages (4); traces dont nous n'avons pu déchiffrer le sens. Peut-être quelques archéologues seront-ils plus heureux que nous. Sans donner ici notre opinion pour autre chose que comme une hypothèse nouvelle, nous verrions dans cette statue le Christ dominateur: Christus regnat, Christus imperat.

      Les colonnettes et chapiteaux de la claire-voie, son encadrement et les fenêtres, étaient colorés; sur les murs des salles recouverts d'enduits, nous avons pu constater des traces de peintures de deux époques (XIIe et XVe siècle). Derrière le portique du rez-de-chaussée était une place ayant toujours servi de marché; autrefois on ne pouvait y arriver qu'en passant sous les arcades du rez-de-chaussée.

      Si nous voyons encore, dans le nord de l'Allemagne et en Belgique, des hôtels de ville d'une époque assez ancienne, comme ceux de Lubeck, d'Aix-la-Chapelle, bâtis au XIIIe siècle, ceux de Brunswick, de Dantzig, de Munster, de Ratisbonne, élevés pendant les XIVe et XVe siècles, nous ne possédons plus en France d'édifices de ce genre, sauf celui de Saint-Antonin, antérieurs à la fin du XVe siècle et au commencement du XVIe. On peut encore étudier les hôtels de ville de cette époque à Orléans, à Compiègne, à Saumur, à Luxeuil, à Beaugency, à Saint-Quentin. Entre tous, le plus complet, le plus remarquable, est certainement l'hôtel de ville de Compiègne, gravé avec beaucoup de soin dans l'ouvrage de MM. Verdier et Cattois 44.

      Cet édifice se compose d'un seul corps de logis, avec grand escalier à vis dans la partie antérieure centrale; cet escalier est couronné par un très-joli beffroi. Au rez-de chaussée, au premier et au second étage, de grandes salles sont disposées à droite et à gauche de la tour centrale. Au-dessus de la porte, une large niche avait été remplie par une statue équestre de Louis XII. Deux échauguettes saillantes flanquent les deux angles du bâtiment. On observera que cette tradition avait été suivie encore dans l'hôtel de ville de Paris, élevé pendant le XVIe siècle et terminé sous Henri IV.

      Les maisons de ville du Nord possédaient СКАЧАТЬ



<p>38</p>

Droits et usages concernant les travaux de construction, etc., sous la troisième race des rois de France. Paris, 1860.

<p>39</p>

On observera que les Carcassonnais, chassés de l'ancienne ville après le siége mis par Trincavel, obtinrent du roi saint Louis de rebâtir une ville de l'autre côté de l'Aude (voy. ARCHITECTURE MILITAIRE).

<p>40</p>

Voy. le Bulletin des comités historiques, février 1854; Notice sur l'hôtel de ville de Bordeaux, par M. Lamothe.

<p>41</p>

Lettres sur l'histoire de France (XIIIe siècle).

<p>42</p>

Cet édifice a été restauré sous la direction des Monuments historiques. La restauration s'est bornée toutefois à la construction de l'escalier postérieur, au couronnement de la tour qui menaçait ruine et à la réfection des planchers. Voy. l'Archit. civ. et domest. de MM. Verdier et Cattois.

<p>43</p>

Nous n'avons pu trouver que des fragments de ces cuvettes de faïence, qui avaient de 0,30 c. à 0,40 c. de diamètre.

<p>44</p>

Archit. civ. et domest. au moyen âge et à la Renaissance, t. I.