Chronique de 1831 à 1862, Tome 4 (de 4). Dorothée Dino
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Название: Chronique de 1831 à 1862, Tome 4 (de 4)

Автор: Dorothée Dino

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ qu'on s'y flatte même qu'en n'entrant pas immédiatement en Belgique, ni en Savoie, on pourrait entrer en campagne d'accord avec l'Angleterre. Mais cela me paraît terriblement platonique. La France, si éprise du luxe et du bien-être, bénéficie de la paix; comment supporterait-elle d'en être sevrée, si on ne lui offrait promptement les émotions et les dédommagements de la conquête? D'ailleurs, le monde n'est-il pas mûr pour une crise définitive? Les grands instruments de vitesse qui ont été si merveilleusement prodigués à ce siècle, le sont-ils, dans les décrets de la Providence, uniquement pour les trains de plaisir et les ballots de coton? Ne sont-ce pas plutôt les bottes de sept lieues de la civilisation, avide de rentrer en Orient? Tout cela semble, à mon petit horizon solitaire, plus vraisemblable, quelque romanesque que cela paraisse, que la prolongation d'un état de choses qui n'est lui-même que la permanence du malaise et du péril pour tous les Gouvernements et pour tous les peuples.

       Sagan, 19 juin 1853.– Je suis allée à Hansdorf82 où Mme l'Archiduchesse Sophie a désiré (selon l'itinéraire que lui avait tracé le Roi de Prusse) dîner à deux heures pour arriver à Sans-Souci à l'heure du thé. J'ai passé une heure à côté d'elle, à causer de mille choses qu'elle traite avec facilité, agrément, abandon. Elle a paru fort sensible à mon attention et au superbe bouquet que je lui ai apporté. Elle a, depuis bien, bien, bien des années, été toujours également bonne pour moi, et je la trouve très aimable, animée, bienveillante et spirituelle.

       Dresde, 29 juin 1853.– Nous sommes arrivés ici, d'où la Grande-Duchesse83 est partie ce matin pour Weimar; sa fille Wasa est malade à Pilnitz et est soignée par la Princesse Carola, ou pour mieux dire, par Mme la Princesse Albert de Saxe, sa fille. J'apprends que le jeune ménage est fort satisfait. Le public ne trouve pas du tout la Princesse Carola jolie, mais on lui trouve l'air prévenant, bienveillant; elle est fort polie et obligeante. La Famille Royale est très contente d'elle, et le public, qui n'a pas vu ce mariage d'un bon œil, se radoucit devant les jolies et bienveillantes façons de la jeune Princesse. Comme le Prince Albert est très aimé et estimé, tout le pays lui a fait de superbes cadeaux: les villes manufacturières, notamment, et les villes de commerce, comme Leipzig, par exemple, qui a offert une magnifique vaisselle. On ne sait où placer l'énorme quantité de choses qui arrivent de toutes parts.

       Carlsbad, 3 juillet 1853.– Je suis arrivée hier dans cette fournaise. Le dernier jour de Dresde, j'ai dîné chez les Redern avec le Prince Albert de Prusse84. Redern, ministre de Prusse en Saxe a, de son souverain, la permission d'inviter le Prince Albert chez lui, mais non pas d'aller chez le Prince. Défense lui est faite de prendre notice quelconque de l'épouse qui, dit-on, est en couches en ce moment; c'est un peu bien près des noces. L'influence de la Reine de Prusse, pour empêcher le Roi de permettre ce mariage (à condition de ne jamais voir la femme), n'a jamais pu l'emporter sur les obsessions de la Princesse Charlotte de Meiningen et de l'Impératrice de Russie.

      J'ai appris, à Dresde, que le Prince Wasa avait donné les beaux diamants emportés de Suède à sa fille, la Princesse Carola, à l'occasion de son mariage; mais aussi à la condition de ne pouvoir, ni les vendre, ni les faire changer de monture; ils doivent rester dans la caisse du Prince Albert, qui en est responsable, et la Princesse ne peut les porter qu'en donnant chaque fois un reçu. On évalue cet écrin à quatre cent mille écus.

      Carlsbad, 8 juillet 1853.– Le Grand-Duc de Saxe-Weimar est décidément au plus mal. Voilà un deuil qui jettera du trouble dans le séjour de Mme la Princesse de Prusse à Londres. Elle aime son père, et elle s'inquiétera pour son frère, elle se préoccupera pour sa mère; enfin, elle aura quelques soucis de plus à joindre à ceux qui, déjà, ne lui manquent pas.

      Teplitz, 12 août 1853.– J'ai quitté Carlsbad sans regret; il me faut maintenant conter, tant bien que mal, le peu qui arrive jusqu'à moi; et d'abord le mariage de la jeune Mélanie de Metternich: elle épouse le comte Pepy Zichy, un sien cousin, qu'elle a refusé deux fois, tant qu'elle visait, avant 1848, à un prince de maison souveraine.

      On dit que la jeune Archiduchesse, future Duchesse de Brabant (ou plutôt déjà Duchesse de Brabant, car le mariage par procuration a dû se célébrer hier), a l'air bien triste. Je la plains et le jeune Duc de Brabant aussi; car ce sont deux enfants qui se marient à contre-cœur tous deux. La sensibilité paternelle ne s'en émeut guère. Le Roi Léopold fait son chemin à pas discrets, mais sûrs, sans se soucier ni des aigreurs des uns, ni des soupirs des autres; il a bien la figure de son rôle, bien plus desséchée que vieillie!

      Son Ministre à Vienne, M. O'Sullivan de Grass, est tellement enflé de joie, à ce qu'on dit, et d'orgueil d'être ambassadeur, et de ses fonctions auprès de la Princesse, qu'il en aurait crevé, si cela avait duré; mais après la cérémonie d'hier, il redevient Ministre, tout en précédant, cependant, la Princesse à Bruxelles où le Prince Adolphe Schwarzenberg l'accompagne.

      D'après ce qui me revient, je ne crois pas que l'entrevue du duc de Nemours et du Comte de Chambord ait eu lieu jusqu'à présent.

       Teplitz, 15 août 1853.– Ma cousine de Chabannes m'écrit ce qui suit: «Mme la Duchesse d'Orléans me paraît vraiment dans une sorte d'aberration d'esprit, car ce qu'elle fait, en ce moment, y ressemble fort, et je lui suis trop attachée pour ne pas en éprouver un vif chagrin. Vous savez que, l'année dernière, tout en se montrant fort opposée au désir de tous les siens, elle avait cependant fini par se soumettre à moitié, et à de certaines conditions qui, du reste, tout naturellement, ont dû faire échouer le projet de fusion entre les deux branches. Depuis un an, elle se tenait à part avec une certaine affectation; mais maintenant, et à l'occasion du voyage du duc de Nemours en Autriche, elle a déclaré ne plus rien vouloir entendre, ni avec, ni sans condition, menaçant, si on passait outre, d'un éclat public et d'une séparation hautement avouée. Les Princes et la Reine Amélie se plaignent de la nécessité de ne point causer une division de plus, et de devoir tout sacrifier à l'union de l'intérieur de leur groupe, exilé en Angleterre. Quelle déplorable faiblesse et quelle étroite façon de juger une position aussi grave! Une fois qu'elle se verrait toute seule de son bord, il faudrait bien qu'elle se soumit. Mais enfin on est en terreur d'elle, Dieu sait pourquoi!»

      Voici maintenant l'extrait d'une lettre de l'obligeant Scarella, qui m'écrit de Venise, après son retour d'un voyage à Rome, au sujet des commissions artistiques qu'il veut bien surveiller pour moi à Venise; il me dit: «J'ai eu occasion de me convaincre, hélas! à Rome, que le vénérable Pontife Grégoire XVI a été bien négligé et même abandonné dans sa dernière maladie! J'ai eu une longue audience de son successeur. Il a daigné me parler avec confiance et grande tristesse. Il m'a avoué l'état cruel de sa position actuelle, environnée de partis révolutionnaires qui conspirent sans cesse. On parvient à grand'peine à les comprimer, mais non à les détruire. L'esprit public est très mauvais dans les États romains et en révolte contre le Gouvernement qui est faible et inactif, incapable de conserver la tranquillité sans les troupes étrangères. Le Gouvernement qui, il y a quelques années, a si légèrement encouragé la révolution, n'a pas admis, jusqu'à présent, les moindres progrès administratifs; ni chemins de fer, ni télégraphes, ni éclairage au gaz, etc., etc… Ce Gouvernement misérable épuise la fortune de ses sujets, sans qu'il en résulte de bénéfice pour lui-même. J'ai assisté à l'élection du Général des Jésuites, le Père Beckx; il a été bien reçu du Pape, quoique le Saint-Père n'aime pas cette Compagnie, si essentielle cependant, et qui pourrait lui être bien utile. J'ai également assisté aux fonctions du chapeau donné aux deux Cardinaux français, et j'ai vu l'illumination de la Girandole au Monte Pincio, substituée à celle du Château Saint-Ange, occupé maintenant par le magasin à poudre des Français.»

      Teplitz, 19 août 1853.– Il paraît qu'on porte des jugements fort divers sur la nouvelle Duchesse de Brabant. On me dit que la Reine СКАЧАТЬ



<p>82</p>

Hansdorf était alors la station du chemin de fer d'embranchement de Berlin-Sagan.

<p>83</p>

La Grande-Duchesse Stéphanie.

<p>84</p>

Le Prince Albert de Prusse, qui vivait séparé de sa femme depuis quelque temps, venait d'épouser, assez clandestinement, une dame d'honneur de cette Princesse, Mlle de Rauch, qui reçut le titre et le nom de comtesse de Hohenau.