Название: Traité sur la tolérance
Автор: Voltaire
Издательство: Public Domain
Жанр: Философия
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Allez dans l'Inde, dans la Perse, dans la Tartarie; vous y verrez la même tolérance & la même tranquillité. Pierre-le-Grand a favorisé tous les Cultes dans son vaste Empire: le Commerce & l'Agriculture y ont gagné, & le Corps politique n'en a jamais souffert.
Le Gouvernement de la Chine n'a jamais adopté, depuis plus de quatre mille ans qu'il est connu, que le Culte des Noachides, l'adoration simple d'un seul Dieu: cependant il tolere les superstitions de Fo, & une multitude de Bonzes qui serait dangereuse, si la sagesse des Tribunaux ne les avait pas toujours contenus.
Il est vrai que le grand Empereur Yont-Chin, le plus sage & le plus magnanime peut-être qu'ait eu la Chine, a chassé les Jésuites; mais ce n'était pas parce qu'il était intolérant, c'était au contraire parce que les Jésuites l'étaient. Ils rapportent eux-mêmes dans leurs Lettres curieuses, les paroles que leur dit ce bon Prince: Je sais que votre Religion est intolérante; je sais ce que vous avez fait aux Manilles & au Japon; vous avez trompé mon Pere, n'espérez pas me tromper de même. Qu'on lise tout le discours qu'il daigna leur tenir, on le trouvera le plus sage & le plus clément des hommes. Pouvait-il en effet retenir des Physiciens d'Europe, qui, sous prétexte de montrer des thermometres & des éolipiles à la Cour, avaient soulevé déja un Prince du sang? & qu'aurait dit cet Empereur, s'il avait lu nos Histoires, s'il avait connu nos temps de la ligue, & de la conspiration des poudres?
C'en était assez pour lui d'être informé des querelles indécentes des Jésuites, des Dominicains, des Capucins, des Prêtres séculiers envoyés du bout du monde dans ses Etats: ils venaient prêcher la vérité, & ils s'anathématisaient les uns les autres. L'Empereur ne fit donc que renvoyer des perturbateurs étrangers: mais avec quelle bonté les renvoya-t-il? quels soins paternels n'eut-il pas d'eux pour leur voyage, & pour empêcher qu'on ne les insultât sur la route? Leur bannissement même fut un exemple de tolérance & d'humanité.
Les Japonois12 étaient les plus tolérants de tous les hommes, douze Religions paisibles étaient établies dans leur Empire: les Jésuites vinrent faire la treizieme; mais bientôt n'en voulant pas souffrir d'autre, on sait ce qui en résulta; une guerre civile, non moins affreuse que celles de la Ligue, désola ce Pays. La Religion Chrétienne fut noyée enfin dans des flots de sang. Les Japonois fermerent leur Empire au reste du monde, & ne nous regarderent que comme des bêtes farouches, semblables à celles dont les Anglais ont purgé leur Isle. C'est en vain que le Ministre Colbert, sentant le besoin que nous avions des Japonois, qui n'ont nul besoin de nous, tenta d'établir un commerce avec leur Empire; il les trouva inflexibles.
Ainsi donc notre Continent entier nous prouve qu'il ne faut ni annoncer ni exercer l'intolérance.
Jettez les yeux sur l'autre hémisphere, voyez la Caroline, dont le sage Loke fut le Législateur; tout pere de famille qui a sept personnes seulement dans sa maison, peut y établir une Religion à son choix, pourvu que ces sept personnes y concourent avec lui. Cette liberté n'a fait naître aucun désordre. Dieu nous préserve de citer cet exemple pour engager chaque maison à se faire un culte particulier: on ne le rapporte que pour faire voir que l'excès le plus grand où puisse aller la tolérance, n'a pas été suivi de la plus légere dissension.
Mais que dirons-nous de ces pacifiques Primitifs, que l'on a nommés Quakres par dérision, & qui, avec des usages peut-être ridicules, ont été si vertueux, & ont enseigné inutilement la paix au reste des hommes? Ils sont en Pensilvanie au nombre de cent mille; la discorde, la controverse sont ignorées dans l'heureuse Patrie qu'ils se sont faite: & le nom seul de leur Ville de Philadelphie, qui leur rappelle à tout moment que les hommes sont freres, est l'exemple & la honte des Peuples qui ne connaissent pas encore la tolérance.
Enfin cette tolérance n'a jamais excité de guerre civile; l'intolérance a couvert la terre de carnage. Qu'on juge maintenant entre ces deux rivales, entre la mere qui veut qu'on égorge son fils, & la mere qui le cede pourvu qu'il vive.
Je ne parle ici que de l'intérêt des Nations; & en respectant, comme je le dois, la Théologie, je n'envisage dans cet article que le bien physique & moral de la Société. Je supplie tout Lecteur impartial de peser ces vérités, de les rectifier & de les étendre. Des Lecteurs attentifs, qui se communiquent leurs pensées, vont toujours plus loin que l'Auteur.13
CHAPITRE V.
Comment la Tolérance peut être admise
J'Ose supposer qu'un Ministre éclairé & magnanime, un Prélat humain & sage, un Prince qui sait que son intérêt consiste dans le grand nombre de ses Sujets, & sa gloire dans leur bonheur, daigne jetter les yeux sur cet Ecrit informe & défectueux; il y supplée par ses propres lumieres; il se dit à lui-même: Que risquerai-je à voir la terre cultivée & ornée par plus de mains laborieuses, les tributs augmentés, l'Etat plus florissant?
L'Allemagne serait un désert couvert des ossements des Catholiques, Evangéliques, Réformés, Anabatistes, égorgés les uns par les autres, si la paix de Westphalie n'avait pas procuré enfin la liberté de conscience.
Nous avons des Juifs à Bordeaux, à Metz, en Alsace; nous avons des Luthériens, des Molinistes, des Jansénistes; ne pouvons-nous pas souffrir & contenir des Calvinistes à peu près aux mêmes conditions que les Catholiques sont tolérés à Londres? Plus il y a de sectes, moins chacune est dangereuse; la multiplicité les affaiblit; toutes sont réprimées par de justes Loix, qui défendent les assemblées tumultueuses, les injures, les séditions, & qui sont toujours en vigueur par la force coactive.
Nous savons que plusieurs Chefs de famille, qui ont élevé de grandes fortunes dans les Pays étrangers, sont prêts à retourner dans leur Patrie; ils ne demandent que la protection de la Loi naturelle, la validité de leurs mariages, la certitude de l'état de leurs enfants, le droit d'hériter de leurs peres, la franchise de leurs personnes; point de Temples publics, point de droit aux Charges municipales, aux dignités: les Catholiques n'en ont ni à Londres, ni en plusieurs autres Pays. Il ne s'agit plus de donner des privileges immenses, des places de sûreté à une faction; mais de laisser vivre un Peuple paisible, d'adoucir des Edits, autrefois peut-être nécessaires, & qui ne le sont plus: ce n'est pas à nous d'indiquer au Ministere ce qu'il peut faire; il suffit de l'implorer pour des infortunés.
Que de moyens de les rendre utiles, & d'empêcher qu'ils ne soient jamais dangereux! La prudence du Ministere & du Conseil, appuyée de la force, trouvera bien aisément ces moyens, que tant d'autres Nations employent si heureusement.
Il y a des fanatiques encore dans la populace Calviniste; mais il est constant qu'il y en a davantage dans la populace Convulsionnaire. La lie des insensés de St. Médard est comptée pour rien dans la Nation, celle des Prophetes Calvinistes est anéantie. Le grand moyen de diminuer le nombre des Maniaques, s'il en reste, est d'abandonner cette maladie de l'esprit au régime de la raison, qui éclaire lentement, mais infailliblement les hommes. Cette raison est douce, elle est humaine, elle inspire l'indulgence, elle étouffe la discorde, elle affermit la vertu, elle rend aimable l'obéissance aux Loix, plus encore que la force ne les maintient. Et comptera-t-on pour rien le ridicule attaché aujourd'hui à l'enthousiasme par tous les honnêtes gens? Ce ridicule est une puissante barriere contre СКАЧАТЬ
11
Voyez
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Voyez
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Mr.
On n'a pas ici la témérité de proposer des vues à des Ministres dont on connaît le génie & les grands sentiments, & dont le cœur est aussi noble que la naissance: ils verront assez que le rétablissement de la Marine demande quelque indulgence pour les Habitants de nos Côtes.