Noémie Hollemechette. Magdeleine du Genestoux
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Название: Noémie Hollemechette

Автор: Magdeleine du Genestoux

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ de peine à maintenir la paix sur elle, me regarda et je vis dans ses yeux une expression si triste et si bonne que je me souvins tout à coup d’un mot de Madeleine en parlant de maman: «Les yeux bon bleu» de maman, et sans que je puisse me retenir je me mis à pleurer; mais pour que maman ne me vît pas, je fis semblant de ramasser la poupée de Barbe.

      A Malines la gare était remplie de monde, toutes les femmes étaient assises sur des paquets, leurs enfants autour d’elles.

      C’était un brouhaha épouvantable. Un soldat qui gardait la voie nous dit que les Allemands avaient bombardé Tirlemont et que tous ces gens-là couraient se réfugier à Hereullich, à Anvers et à Bruxelles.

      Une femme nous raconta qu’elle venait de Gheel et qu’elle y avait vu l’arrivée des Allemands: c’était horrible; ils ont commencé par démolir les fils télégraphiques; le revolver au poing ils ont arrêté un train et forcé tous les voyageurs à descendre; et comme un gendarme voulait préserver quelques enfants il a été fait prisonnier. Et puis après ils ont ordonné, oui, ordonné au bourgmestre de faire enlever notre drapeau qui volait au-dessus de l’église, sous peine d’être fusillé – oui, fusillé – et comme dans une des rues un petit garçon a fait un pied de nez à un des Boches – la femme a bien dit «Boches», – ils ont saisi sa maman et lui ont donné de grands coups avec la crosse de leur fusil.

      «Oui, continua cette femme, j’ai vu ces choses, je me suis sauvée avec mes deux petits, et je ne sais plus où est mon mari, qui se bat depuis le 1e août.»

      Maman demanda si la femme frappée par les Allemands était partie aussi.

      «Eh! je ne sais pas, je me suis sauvée à travers champs avec mes petits; voyez, je n’ai rien sur moi, je ne possède plus rien que mes enfants. Ah! j’en ai vu encore d’autres! Et demain ils seront à Bruxelles et après-demain à Anvers.»

      Le soldat qui avait écouté le récit de cette femme s’approcha et lui dit:

      «Allons, calmez-vous et taisez-vous; allez manger quelque chose.

      – Non, je ne veux rien prendre, je veux mourir…»

      Barbe, qui était devant elle et qui la regardait avec ses grands yeux, lui dit:

      «Eh bien, madame, nous allons donner vos enfants à maman et ils mangeront de notre bonne confiture.»

      La femme parut stupéfaite et éclata en sanglots en disant que Barbe était un petit ange et qu’elle voulait bien manger puisque ce petit ange le lui disait.

      Maman a voulu aller dans la ville afin de prendre un bon repas dans un restaurant; elle dit à cette femme de nous suivre, et, nous tenant la main à toutes deux, elle nous a menées vers la rue d’Egmond. Nous avions laissé nos paquets à la femme Greefs, qui ne voulait pas sortir de la gare avec tous ses enfants.

      Nous sommes entrées dans un petit restaurant appelé «Au bon Wallon»: il n’y avait que des femmes pour servir, et un homme assez gros était assis devant une table. Il parla à maman et dit que la Reine et ses enfants, le gouvernement avaient quitté Bruxelles pour Anvers; mais que personne ne s’en inquiétait, que les cafés du boulevard d’Anspach étaient aussi pleins et que les Bruxellois se promenaient comme à l’ordinaire.

      Nous avons couché à l’hôtel du duc de Brabant où maman a pu trouver une chambre.

      Le lendemain qui était un dimanche, maman nous dit qu’elle voulait aller entendre le cardinal Mercier à Notre-Dame. Elle nous habilla le mieux possible et Barbe se mit à pleurer quand maman lui dit qu’elle ne voulait pas qu’elle prît sa poupée avec elle.

      Quand nous sommes arrivées sur la place, devant Notre-Dame, il y avait une foule énorme, mais personne ne se bousculait et on laissait les enfants se placer au premier rang. Je m’étais mise à côté de Barbe; il y avait un petit garçon qui se glissa entre nous et tout à coup Barbe poussa un cri: c’était le petit garçon qui l’avait pincée; il s’enfuit vite et alla un peu plus loin vers une autre petite fille à qui il voulait faire la même chose. Barbe le vit aussi et cria:

      «C’est un méchant garçon qui va pincer la petite fille.»

      Alors lui, il tira une longue langue en faisant un pied de nez. Vraiment je n’ai jamais vu à Louvain des petits garçons aussi mal élevés!

      Maman nous dit: «Voilà le Cardinal!»

      Il arrivait à pied avec un autre abbé près de lui et deux messieurs. En passant, il posa sa main sur la tête de plusieurs petits enfants. Maman nous poussa en avant et il mit sa main sur nos têtes. Il avait une belle croix en or et une magnifique bague.

      Il entra dans l’église, nous l’avons suivi et nous nous sommes assises sous la chaire, mais il n’y monta pas et parla de l’autel.

      Je me rappelle très bien ce qu’il a dit, et du reste j’ai demandé à maman de me le redire afin de l’écrire bien exactement dans mon journal, car il faudra que je le montre à papa.

      Il a parlé de la Reine partie la veille de Bruxelles avec ses enfants, ce qui n’était pas un motif de tristesse pour les Belges qui devaient voir dans cela une preuve de la résistance que la Belgique voulait faire à l’Allemagne qui attaquait si injustement un peuple paisible et bon. Chacun devait agir selon son devoir, les hommes comme les femmes et même les petits enfants pour consoler ceux qui souffraient et étaient affligés, et la Belgique saurait garder ses droits et sa liberté.

      Après, quand nous sommes sorties, un régiment passait. Sa musique jouait la Brabançonne, et Barbe battit des mains tandis que maman pleurait.

      Nous nous sommes encore un peu promenées, les magasins étaient presque tous fermés et comme à Louvain les gens se parlaient sans se connaître.

      Maman a continué à marcher et au coin d’une rue nous avons été arrêtées par une brouette poussée par un soldat. Dans la brouette étaient couchés trois petits enfants qui dormaient, bien enveloppés dans des couvertures.

      Il y avait tant de monde, que le soldat fut obligé de s’arrêter. On voulait absolument caresser ces petits enfants. Une femme, enveloppée d’un grand châle noir, suivie de deux petites filles de mon âge, était leur maman. Sur le devant de la brouette il y avait une belle couverture en soie roulée soigneusement.

      «C’est tout ce qui me reste de ma maison!»

      Maman donna à Barbe et à moi des fruits pour ces pauvres petits bébés qui étaient si jolis.

      Nous sommes allées à la poste pour savoir s’il n’y aurait pas de lettre; il n’y avait rien. Maman envoya une carte à papa. Lui arrivera-t-elle? Maman ne le croit pas.

Anvers, 24 août.

      Nous voilà à Anvers. Nous avons eu beaucoup de peine pour y arriver, et toutes les aventures de notre voyage sont difficiles à raconter. En sortant du train, maman a voulu aller tout de suite chez un vieux savant qui habite près du musée Plantin; il venait souvent à Louvain, à l’Université, et papa l’aimait beaucoup. Il s’appelle M. Claus et a un gentil petit garçon qui a dix ans comme moi. Il est boy-scout depuis le début de la guerre, et il nous a dit qu’il rendait de grands services aux autorités, il en était très fier. Quand nous sommes arrivées, M. et Mme Claus allaient se mettre à table, et ils nous ont invitées à déjeuner avec eux.

      Ils n’ont fait que parler de la guerre; maman s’informait surtout de Louvain.

      «Voilà СКАЧАТЬ