Les mystères du peuple, Tome IV. Эжен Сю
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Название: Les mystères du peuple, Tome IV

Автор: Эжен Сю

Издательство: Public Domain

Жанр: История

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СКАЧАТЬ luxurieux fait ses maîtresses, les conciles l'obligeant, dit-il, à vivre chastement avec sa femme… telle est ma vie… ma triste vie!.. L'âge approche, et jamais, jamais, je n'ai connu un seul jour d'amour et de liberté… Amour! liberté! vieillirai-je donc sans vous connaître?

      Et la belle évêchesse se redressa, secoua sa noire chevelure au vent de la nuit, fronça ses noirs sourcils, et, d'un air de défi, s'écria:

      –Malheur aux maris violents et débauchés… ils font les femmes perdues!.. Aimée, respectée, traitée, sinon en femme, du moins en soeur par l'évêque, j'aurais été chaste et douce… Dédaignée, humiliée devant les dernières esclaves de ma maison, je suis devenue emportée, vindicative, et du haut de ma terrasse… souvent, le front rouge, je suis d'un regard troublé les jeunes esclaves laboureurs allant aux champs… J'ai battu de mes mains les concubines de mon mari… et pourtant, pauvres malheureuses, elles ne cèdent pas à l'amant qui prie, mais au maître qui ordonne… Je les ai battues par colère, non par jalousie; cet homme, avant de m'être odieux, m'était indifférent… Je l'aurais aimé, cependant, s'il avait voulu… et comme il aurait voulu. Femme-soeur d'un évêque… c'était beau!.. Que de bien à faire!.. que de larmes à sécher!.. Mais je n'ai séché que les miennes, puisque bientôt avilie… méprisée… Non, non, assez pleuré… assez gémi… assez souffert! Assez résisté à ces tentations qui me dévorent… Je fuirai cette maison, ne suis-je pas libre de moi-même? Cet homme, qui fut mon époux, ne m'a-t-il pas dit que nos liens charnels étaient brisés? S'il me force à rester près de lui, c'est pour jouir de mes biens! Oui, je fuirai cette maison, dussé-je être prise et vendue comme esclave!.. Maître pour maître, que perdrai-je? Oh! du matin au soir filer sa quenouille, ou aller à la chapelle, prier du coeur, non des lèvres, puisque les excès de ce prêtre cruel et débauché, parlant et priant au nom du Seigneur, sans être foudroyé, ont tué en moi la foi!.. Vivre ainsi! est-ce vivre? Traîner mes jours dans cette opulente villa, tombeau doré, entouré de verdure et de fleurs! est-ce vivre?.. Non, non; et, par les flancs de ma mère! je veux vivre, moi! Je veux sortir de ce sépulcre glacé! Je veux le grand air, le grand soleil, l'espace! Je veux mon jour d'amour et de liberté… Oh! si je revoyais ce jeune garçon, qui, plusieurs fois déjà, est passé de si grand matin au pied de cette terrasse, où dès l'aube, après mes nuits de brûlante insomnie, je viens respirer la fraîcheur matinale!.. Comme il me regardait d'un oeil fier et amoureux! Quelle avenante et hardie figure sous son chaperon rouge couvrant à demi ses noirs cheveux bouclés! Quelle taille svelte et robuste sous sa saie gauloise, serrée à ses reins agiles par le ceinturon de son couteau de chasse! Ce doit être quelque esclave forestier des environs… Esclave, esclave! Eh! qu'importe! Il est jeune, beau, leste, amoureux! Les maîtresses de mon saint mari sont esclaves aussi… Oh! n'aurai-je donc jamais aussi mon jour d'amour et de liberté!

      Que fait l'évêque pendant que son évêchesse, rêveuse, au balcon de sa terrasse, regarde les étoiles et jette ainsi au vent des nuits ses regrets, ses soupirs et ses espérances endiablées?.. Le saint homme boit et devise avec le comte Neroweg, cette nuit son hôte; la salle du festin, bâtie à la mode romaine (cette demeure avait appartenu l'autre siècle à un préfet romain), est vaste, ornée de colonnes de marbre, enrichie de dorures et de peintures à fresque quelque peu endommagées par les coups de dents et les ruades des chevaux des Franks, ces Barbares, lors de leur conquête de l'Auvergne, ayant fait une écurie de cette salle de festin; les vases d'or et d'argent sont étalés sur des buffets d'ivoire; le plancher est dallé de riches mosaïques agréables à l'oeil; plus agréable encore est la large table chargée de coupes et d'amphores à demi pleines; les leudes, compagnons de guerre de Neroweg, et ses égaux durant la paixH, après avoir, selon l'usage, soupé à la même table que le comte, sont allés jouer aux dés sous le vestibule avec les clercs et les chambriers de l'évêque. Çà et là sont déposées, le long des murs, les armes grossières des leudes: boucliers de bois, bâtons ferrés, francisques, ou haches à deux tranchants, haugons, ou demi-piques garnies de crampons de fer. Sur le bouclier du comte sont peintes en manière d'ornement trois serres d'aigle. Le prélat, resté attablé avec son hôte, le pousse à vider coupes sur coupes; au bas bout de la table un ermite laboureur ne boit pas, ne parle pas; parfois, il semble écouter les deux buveurs; mais le plus souvent il rêve.

      Et ce Frank? ce comte Neroweg? Quelle figure a-t-il? Il a l'encolure et le fumet d'un sanglier en son printemps, et la figure d'un oiseau de proie, avec son nez crochu et ses petits yeux renfoncés, tantôt hébêtés, tantôt féroces, ses cheveux rudes et fauves, rattachés au sommet de sa tête par une courroie, retombant derrière son dos comme une crinière, car depuis deux cents ans et plus, la coiffure de ces barbares n'a pas changéI; son menton et ses joues sont rasés, mais ses longues moustaches rousses descendent jusque sur sa poitrine, couverte d'une casaque de peau de daim, luisante de graisse, marbrée de taches de vin; sur ses chausses de grosse toile crasseuse se croisent de longues bandelettes de cuir montant depuis ses gros souliers ferrés jusqu'à ses genoux; de son baudrier flottant il a retiré sa lourde épée, placée près de lui sur un siége à côté d'un gros bâton de houx; tel est le convive du prélat, tel est le comte Neroweg; l'un de ces nouveaux possesseurs de la vieille terre des Gaules, de par le droit de pillage et de massacre…

      Et l'évêque Cautin?.. Oh! celui-ci ressemble à un gros et gras renard en rut… Oeil lascif et matois, oreille rouge, nez mobile et pointu, mains pelues… Vous le voyez d'ici, chafriolant sous sa fine robe de soie violette… Et quel ventre! On dirait une outre sous l'étoffe!

      Et l'ermite laboureur? Oh! l'ermite laboureur? Respect à ce prêtre, selon le jeune homme de Nazareth!… Trente ans au plus… figure pâle, à la fois douce et ferme, barbe blonde, front déjà chauve, longue robe brune, d'étoffe grossière, çà et là éraillée par les ronces des terres qu'il a défrichées; carrure rustique; mains robustes, le manche de la houe et de la charrue les a rendues calleuses. Voilà l'ermite!

      L'évêque verse encore un grand coup à boire au Frank, lui disant:

      –Comte… je te le répète… les vingt sous d'or, la prairie et la petite esclave blonde, sinon, pas d'absolution!

      –Absous-moi d'abord! patron?

      –Tu rirais…

      –Évêque, je reviendrai avec tous mes leudes mettre ta maison à sac; je te ferai étendre sur un brasier ardent, et tu m'absoudras…

      –Impie! scélérat blasphémateur! Pharaon! pourceau de luxure! réservoir à vin! oses-tu parler ainsi, toi! fils de l'Église catholique et apostolique?.. Menacer ton évêque!

      –De gré ou de force, tu m'absoudras!

      –Ah! le bestial! Tu veux donc aller au fin fond des enfers! bouillir durant des siècles dans des cuves de poix ardente! être lardé à coups de fourche par les démons! Et quels démons! Têtes de crapaud, corps de bouc, avec des serpents pour queue, des trompes d'éléphant pour bras… et les pieds fourchus! archifourchus!

      –Tu les as vus? – dit le comte Frank d'un air farouche et craintif, – patron? tu les as vus, ces démons?

      –Si je les ai vus!!! Ils ont emporté devant moi, dans une nuée de bitume et de soufre, le duc Rauking, qui avait, le sacrilége! donné un coup de bâton à l'évêque Basile!

      –Et ces diables l'ont emporté, le duc Rauking?

      –Au plus profond des entrailles de la terre, te dis-je!.. Je les ai comptés; ils étaient treize! Un grand démon rouge les commandait en personne, et voilà ce qui t'attend… si je ne te donne pas l'absolution.

      –Évêque, tu dis peut-être cela pour me faire peur et avoir mes vingt sous d'or, mes belles prairies et СКАЧАТЬ