Le morne au diable. Эжен Сю
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Название: Le morne au diable

Автор: Эжен Сю

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ sur le bord du divan où elle est étendue, est ouvert devant elle.

      La jeune femme y lit avec attention à la clarté de trois bougies parfumées que supporte un petit candélabre de vermeil, enrichi de ciselures exquises.

      Les cils de la jolie lectrice sont si longs qu’ils projettent une ombre légère sur ses joues, où l’on remarque deux gracieuses fossettes; son nez est d’une délicatesse rare, sa bouche purpurine est moins grande que ses beaux yeux bleus; sa physionomie est empreinte d’une ravissante expression d’innocence et de candeur.

      Du bas de sa tunique de mousseline sortent deux pieds de Cendrillon, chaussés de bas de soie blancs et de pantoufles moresques en satin cerise, côtelées d’argent, qui tiendraient dans le creux de la main.

      La position de cette jeune femme laisse deviner les formes les plus accomplies, quoiqu’elle soit de petite taille.

      Grâce à la largeur de sa manche qui est retombée, l’on peut admirer le ravissant contour d’un bras rond, poli comme de l’ivoire et marqué au coude d’une charmante fossette. La main qui feuillette le livre est digne du bras, ses ongles très longs ont la pureté luisante de l’agate. L’extrémité des doigts est nuancée d’un si vif incarnat, qu’on les dirait colorés du henné des Indiens.

      L’ensemble de cette délicieuse créature rappelle la suave idéalité de la Psyché, adorable réalisation de ce moment de beauté si fugitif qui passe avec la première fleur de l’adolescence. Certaines organisations conservent pourtant assez longtemps cette primeur juvénile, et, nous l’avons dit, quoique âgée au plus de vingt-trois ans, la Barbe-Bleue était du nombre de ces natures privilégiées.

      Car c’était la Barbe-Bleue!..

      Nous ne cacherons pas plus longtemps au lecteur le nom de l’habitante du Morne-au-Diable, nous dirons de plus qu’elle s’appelait Angèle. Hélas! ce nom céleste, cette physionomie candide ne contrastent-t-ils pas singulièrement avec la réputation diabolique dont jouissait cette veuve de trois maris, qui, disait-on, avait autant de consolateurs qu’elle avait eu d’époux.

      La suite des événements permettra de condamner ou d’innocenter la Barbe-Bleue.

      A un léger bruit qu’elle entendit dans la pièce voisine, Angèle redressa vivement sa tête, comme une gazelle aux aguets, et s’assit sur le bord du sofa en rejetant ses cheveux en arrière par un mouvement plein de grâce.

      Au moment où elle se levait en s’écriant: – C’est lui! un homme soulevait la portière de cette chambre.

      Le fer ne court pas plus vite à l’aimant qu’Angèle ne courut au devant du nouveau venu. Elle se précipita dans ses bras, l’enlaça avec une sorte de tendre fureur, l’accabla de caresses, de baisers passionnés, en s’écriant avec joie:

      – Mon tendre ami! mon bon Jacques!

      Cette première effusion passée, le nouveau venu prit Angèle dans ses bras, comme on prend un enfant, et regagna le sofa avec son précieux fardeau.

      Alors Angèle s’assit sur un des genoux de Jacques, prit une de ses mains dans les siennes, lui passa son joli bras autour du cou, approcha sa figure de la sienne, et le contempla avec une joie avide…

      Hélas! hélas! les médisants de la Martinique avaient-ils donc raison de suspecter la moralité de la Barbe-Bleue?

      L’homme qu’elle accueillait avec cette ardente familiarité avait le teint cuivré d’un mulâtre; il était grand et svelte, agile et robuste; ses traits nobles et gracieux ne rappelaient en rien le type nègre; une forêt de cheveux d’un noir de jais entourait son front, ses yeux étaient grands et d’un noir de velours; sous ses lèvres minces, rouges et humides, brillaient des dents du plus bel émail. Cette beauté à la fois charmante et virile, cet ensemble de force et d’élégance, rappelaient les nobles proportions du Bacchus Indien, ou de l’Antinoüs.

      Le costume du mulâtre était celui que certains flibustiers adoptaient alors généralement, lorsqu’ils étaient à terre. Il portait un justaucorps de velours grenat foncé, à boutons d’or ouvragés; de larges chausses à la flamande de pareille étoffe et ornées de boutons pareils, qui serpentaient le long de sa cuisse, étaient soutenues par une ceinture de soie orange, où était passé un poignard richement travaillé; enfin de grandes guêtres de peau blanche, piquées et brodées en soie de mille couleurs, à la mexicaine, lui montaient jusqu’au-dessous du genou et dessinaient une jambe du plus beau galbe.

      Rien de plus piquant, de plus joli que le contraste que présentaient Jacques et Angèle ainsi groupés. D’un côté, cheveux blonds, teint d’albâtre, joues rosées, grâces enfantines et gentillesse; de l’autre, teint bronzé, cheveux d’ébène, air mâle et hardi.

      La blancheur de la robe d’Angèle se dessinait sur la couleur sombre des vêtements de Jacques, et l’on pouvait mieux apprécier encore les contours de la taille fine et souple de la Barbe-Bleue. Attachant ses grands yeux bleus sur les yeux noirs du mulâtre, la jeune femme se plaisait à rabattre le collet brodé de la chemise de Jacques, pour mieux admirer son cou hâlé, qui par sa couleur et par sa forme, pouvait rivaliser avec le plus beau bronze florentin.

      Après avoir assez prolongé cette inconvenante exhibition, Angèle donna au mulâtre un bruyant baiser au-dessous de l’oreille, lui prit la tête entre ses deux petites mains, ébouriffa malicieusement sa noire chevelure, lui donna une tape sur la joue, et s’écria:

      – Voilà comme je vous aime, monsieur l’Ouragan.

      A un léger bruit qu’on entendit derrière la tapisserie qui servait de portière, Angèle dit:

      – Est-ce toi, Mirette? que fais-tu là?

      – Maîtresse, je viens d’apporter des fleurs… et je vais les arranger dans les caisses.

      – Elle nous entend… dit Angèle en faisant un signe mystérieux au mulâtre; puis elle s’amusa encore en riant comme une folle à ébouriffer la chevelure de M. l’Ouragan.

      M. l’Ouragan se prêtait complaisamment aux gentils caprices d’Angèle, et la contemplait avec amour.

      Il lui dit en souriant:

      – Enfant! parce que vous avez constamment seize ans, vous vous croyez tout permis! puis il ajouta en souriant d’un air gravement railleur:

      – Et qui dirait pourtant, à voir cette petite mine si rose, si ingénue, que je tiens sur mes genoux la plus insigne scélérate des Antilles?

      – Et qui dirait que cet homme, qui parle d’une voix si douce, est ce féroce capitaine l’Ouragan, la terreur des Anglais et des Espagnols! s’écria Angèle en éclatant de rire.

      Nous devons avertir le lecteur que le mulâtre et la veuve s’exprimaient dans le meilleur français et sans le moindre accent étranger.

      – Quelle différence! s’écria ce dernier en souriant, ce n’est pas moi qu’on accuse d’horribles et mystérieuses aventures, ce n’est pas moi qu’on appelle Barbe-Bleue.

      A ces mots qui devaient lui rappeler les plus sinistres souvenirs, la petite veuve, d’un geste plein de coquetterie mutine, donna la plus mignarde de toutes les chiquenaudes sur le bout du nez du capitaine l’Ouragan, lui montra d’un geste la porte de la chambre voisine pour l’avertir qu’on pouvait l’entendre et dit d’un air malicieusement boudeur:

      – Voilà СКАЧАТЬ