Le morne au diable. Эжен Сю
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Название: Le morne au diable

Автор: Эжен Сю

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ lui fût enlevée, il trouva le moyen de détacher sa ceinture et de l’attacher aux pieds du mort, puis la prenant entre ses dents et s’aidant de tes deux mains, il se mit à tirer avec toute l’énergie du désespoir…

      A peine il put imprimer un léger mouvement à ce cadavre.

      Sa terreur augmenta; il chercha son couteau, dans le projet insensé de dépecer le corps de John: il reconnut bientôt l’inutilité de cette tentative.

      Les pistolets et les munitions du colonel étaient dans un sac de peau de lamentin que portait John sur les épaules; il voulut au moins essayer d’enlever le sac à son compagnon; il y parvint après des difficultés inouïes, puis il regagna à reculons l’entrée du conduit.

      Une fois dans la caverne, il se sentit faiblir, mais l’air le ranima, il se plongea le front dans l’eau froide et s’assit sur la grève.

      Il avait presque oublié le serpent.

      Un long sifflement lui fit lever la tête; il vit le reptile se balançant à quelques pieds au-dessus de lui, à demi enlacé dans les roches qui formaient la voûte du souterrain.

      Le colonel retrouva son sang-froid à la vue du danger; restant presque immobile et n’agissant que des mains, il déboucla le sac, y prit un pistolet et l’arma.

      Heureusement la charge et l’amorce étaient intactes.

      Au moment où le serpent, irrité par le mouvement de Rutler, se précipita sur lui, ce dernier l’ajusta, tira, et le reptile tomba a ses pieds la tête fracassée. Il était d’un noir bleuâtre, tacheté de jaune, et avait huit à neuf pieds de long.

      Délivré de cet ennemi, encouragé par ce succès, le colonel voulut tenter un dernier effort pour dégager la seule issue par laquelle il pût sortir.

      Il rampa de nouveau dans le conduit; malgré sa vigueur, ses efforts inouïs, il ne put parvenir à déranger le cadavre de John.

      De retour dans la caverne, il la parcourut en tous sens et ne trouva aucune autre issue.

      Il ne pouvait espérer de secours du dehors, ses cris ne pouvaient être entendus.

      A cette horrible pensée, ses yeux tombèrent sur le serpent; il y vit une ressource momentanée; il savait que quelquefois les nègres affamés mangeaient de ces chairs répugnantes, mais non malsaines.

      La nuit vint, il se trouva dans de profondes ténèbres… Les lames mugissaient et se brisaient à l’entrée de la caverne; la chute d’eau se précipitait avec fracas dans le bassin inférieur.

      Une nouvelle frayeur vint assaillir Rutler. Il savait que les serpents se rejoignent et s’accouplent souvent pendant la nuit; guidé par la voie, le mâle ou la femelle du reptile qu’il avait tué pouvait venir à sa recherche.

      Les transes du colonel devinrent affreuses. Le moindre bruit le faisait tressaillir… malgré son caractère énergique; il se demanda, dans le cas ou il sortirait par un miracle de cette horrible position, s’il continuerait l’entreprise qu’il avait commencée.

      Tantôt il croyait voir dans cette aventure un avertissement du ciel; tantôt il s’accusait de lâcheté, et attribuait ses folles appréhensions à l’état de faiblesse dans lequel il se trouvait..

      Nous abandonnerons le colonel dans cette position difficile pour conduire le lecteur au Morne-au-Diable.

      CHAPITRE VIII.

      LE MORNE-AU-DIABLE

      La lune brillante et pure jetait une clarté presque égale à celle du soleil d’Europe et permettait de distinguer parfaitement, au sommet d’une roche assez élevée et entourée de bois de toutes parts, une habitation construite en briques et d’une architecture bizarre.

      On ne pouvait y arriver que par un étroit sentier, formant une spirale autour de cette espèce de cône. Ce sentier était bordé, d’un côté, par des masses de granit presque perpendiculaires; de l’autre, par un précipice, dont, en plein jour même, on n’apercevait pas le fond.

      Ce chemin dangereux aboutissait à une plate-forme traversée par une muraille de briques d’une grande épaisseur et garnie de meurtrières.

      Derrière cette espèce de glacis s’élevaient les murailles d’enceinte de l’habitation, dans laquelle on entrait par une porte de chêne très basse.

      Cette porte communiquait à une vaste cour carrée, occupée par les communs et par d’autres bâtiments. Cette cour traversée, on arrivait à un passage voûté qui conduisait au sanctuaire, c’est-à-dire au pavillon habité par la Barbe-Bleue. Aucun des noirs ou des métis qui formaient le nombreux domestique de l’habitation ne dépassait les limites de cette voûte.

      Le service de la Barbe-Bleue se faisait par l’intermédiaire de plusieurs mulâtresses, qui seules communiquaient avec leur maîtresse.

      La maison s’élevait sur le versant opposé à celui par lequel on montait au faîte du morne. Ce versant, beaucoup moins rapide et disposé en plusieurs terrasses naturelles, se composait de cinq ou six gradins immenses qui, de tous côtés, aboutissaient à des précipices.

      Par un phénomène assez fréquent dans les îles volcanisées, un étang de deux arpents environ de circonférence occupait presque toute l’étendue d’un des gradins supérieurs. L’eau en était limpide et pure. La maison de la Barbe-Bleue était séparée de ce petit lac par une étroite chaussée de sable uni, brillant comme de l’argent.

      Cette maison n’avait qu’un étage; au premier aspect elle semblait seulement construite d’écorces d’arbres; son toit de bambous, très incliné, se plongeant de cinq ou six pieds en dehors du mur extérieur, s’appuyait sur des troncs de palmiers enfoncés en terre, et formait ainsi une sorte de galerie autour de la maison.

      Un peu au-dessus du niveau de ce lac, descendait, en pente douce, une pelouse de gazon aussi frais, aussi vert que celui des plus belles prairies d’Angleterre; cette rareté inouïe aux Antilles était due à d’invisibles irrigations qui partaient de l’étang et répandaient dans ce parc une délicieuse fraîcheur.

      A cette pelouse, ornée çà et là de corbeilles de fleurs équinoxiales, succédait un jardin composé de massifs d’arbustes variés; l’inclinaison du terrain était telle qu’on n’apercevait pas leurs tiges, mais seulement leurs cimes émaillées des plus vives nuances; enfin, après les arbustes venait, sur un gradin plus bas encore, un vaste bois d’orangers et de citronniers couverts de fleurs et de fruits. Au jour, ainsi vu de haut, on eût dit un tapis de neige odorante semée de boules d’or.

      A l’extrême horizon, les tiges élancées des bananiers, des cocotiers, formaient une clôture splendide et dominaient le précipice, au fond duquel aboutissait le conduit souterrain dont nous avons parlé, et où était alors engagé le colonel Rutler.

      Maintenant, entrons dans l’une des pièces les plus reculées de l’habitation; nous y trouverons une jeune femme âgée de vingt à vingt-trois ans; mais ses traits sont si enfantins, sa taille si mignonne, sa fraîcheur si juvénile, qu’on lui donnerait à peine seize ans.

      Vêtue d’une tunique de mousseline à larges manches, elle est à demi couchée sur son sofa d’étoffe des Indes de couleur brune à fleurs d’or; elle appuie son front pur et blanc sur une de ses mains qui disparaît à demi dans une forêt de grosses boucles de cheveux СКАЧАТЬ