Mathilde. Эжен Сю
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Название: Mathilde

Автор: Эжен Сю

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ un facteur entra et remit une lettre à madame Lebœuf; celle-ci, vu le froid rigoureux, daigna lui verser un verre d'eau-de-vie en matière de gratification.

      Cette bonne action eut immédiatement sa récompense.

      Le facteur, tirant de sa botte une assez grande enveloppe scellée d'un large cachet noir, dit à la veuve:

      – Le voisin d'en face n'est pas une bonne pratique, car depuis trois mois je ne lui ai jamais porté une lettre; mais en voici une qui en vaut bien plusieurs! Eh! eh! il paraît qu'il aime mieux les gros morceaux que les petites bouchées, le colonel Ulrik, – ajouta le facteur d'un air capable.

      – Messieurs! messieurs! une lettre pour le Vampire! – s'écria madame Lebœuf en saisissant l'enveloppe et en l'élevant au-dessus de sa tête d'un air triomphant.

      Les habitués accoururent et entourèrent le comptoir.

      – Madame! madame! – s'écria le facteur; et craignant un abus de confiance, il étendait la main pour reprendre sa lettre.

      – Soyez tranquille, mon garçon; nous ne lui ferons pas de mal, à cette enveloppe! Laissez-nous seulement jeter un coup d'œil sur l'adresse.

      – Un simple coup d'œil, – ajouta M. Godet. Et, saisissant la lettre dans ses mains tremblantes d'émotion, il la déposa précieusement sur le marbre du comptoir.

      – Encore un verre d'eau-de-vie, mon garçon, – dit la veuve au facteur. – Qu'importe que vous remettiez cette lettre cinq minutes plus tard à son adresse!

      Le facteur but son second verre d'eau-de-vie sans quitter sa lettre des yeux.

      – Voyons, voyons, – dit la veuve, – quelle est l'adresse… – Elle lut: —M. le colonel Ulrik, 38, rue Saint-Louis, Paris.

      – Et le cachet, des armes?

      – Non, une losange pointillée.

      – Et le timbre? – demanda un autre curieux.

      – De Paris, levée de midi, et un franc de port, vu son poids, – répondit le facteur. – Allons, maintenant, madame Lebœuf, vous l'avez assez vue, cette lettre, j'espère.

      – Un moment, mon garçon, vous avez le nez bien rouge; buvez donc encore un verre d'eau-de-vie. Il fait un froid terrible aujourd'hui.

      – Merci! merci! madame Lebœuf, – dit le facteur. – Vite! vite! ma lettre!

      H. Godet et les habitués considéraient cette enveloppe avec une avidité presque farouche; ils examinaient attentivement son papier épais, bleuâtre, glacé, son écriture fine et déliée.

      Tout à coup la veuve appuya son nez camard sur la lettre, et s'écria: – Oh! ça sent le musc, quelle horreur d'odeur!

      Nous devons à la vérité de déclarer que cette enveloppe sentait extrêmement le vétiver; mais pour certaines gens tout parfum est musc, et le musc est, par tradition, une abominable odeur.

      Tous les nez des habitués du café Lebœuf se posèrent alternativement sur le paquet.

      Il n'y eut qu'un cri: – Ça sent le musc!

      – C'est une lettre de femme! – s'écria M. Godet d'un air inspiré, – et d'une femme qui porte des odeurs.

      – Pouah! – fit la veuve Lebœuf avec une moue suprêmement dédaigneuse.

      – Et qui, par là-dessus, n'affranchit pas une lettre de cette conséquence! une lettre d'un franc de port! – dit un autre habitué.

      – C'est-à-dire que ça ne peut être qu'une pas grand'chose, qu'un rien du tout, – reprit madame Lebœuf en haussant les épaules. – Une créature qui porte des odeurs, et qui n'a pas seulement de quoi affranchir ses lettres!

      – Attendez donc, attendez donc, – dit M. Godet en réfléchissant; – cette petite écriture fine et couchée… le numéro avant la rue.. oui! oui!.. plus de doute, cette lettre est d'une Anglaise!

      Que pouvait avoir de commun une femme qui portait des odeurs, une Anglaise, avec un beau colonel étranger, qui ne sortait jamais le jour, et qui allait dans les cimetières pendant la nuit?

      Tel fut le résumé des questions que se posèrent les habitués.

      Penchés autour de l'enveloppe, leurs yeux flamboyaient de convoitise.

      Certes, on peut affirmer, sans trop méjuger de l'espèce humaine, que, s'il avait dépendu des curieux du café Lebœuf de pouvoir immédiatement noyer d'un seul vœu le malheureux facteur pour posséder cette précieuse lettre, le messager à collet rouge eût couru de grands dangers.

      La veuve n'y tint pas, elle eut l'audace de soulever un coin de l'enveloppe afin de tâcher d'apercevoir quelque chose de son contenu.

      Le facteur s'élança sur sa lettre en s'écriant qu'il y allait de sa place et de la prison pour un tel abus de confiance.

      La veuve, emportée hors de toute limite par le démon de la curiosité, tint bon; l'enveloppe allait se déchirer dans cette lutte, lorsqu'un des habitués s'écria: – Messieurs! messieurs! en voici bien d'une autre! une femme! une femme qui a l'air de chercher le numéro de la tanière du Vampire!..

      Ces mots eurent un effet magique.

      La veuve abandonna la lettre déjà froissée, et colla son gros visage à ses carreaux marbrés par la gelée. Le facteur sortit en toute hâte, très-satisfait d'avoir échappé à ce guet-apens.

      Madame Lebœuf gratta légèrement avec son ongle la vapeur glacée qui s'était formée à l'une des vitres, se ménagea une percée de vue et regarda attentivement dans la rue.

      – Messieurs, ne nous montrons pas, – dit M. Godet, – nous effaroucherions cette femme; imitons cette chère madame Lebœuf, mettons-nous chacun à notre trou, et motus.

      Une fois aux aguets, les curieux furent amplement dédommagés de leur longue attente de trois mois; les événements semblaient ce jour-là s'accumuler.

      Le facteur frappa, remit sa lettre au domestique du colonel, qui examina l'enveloppe d'un air soupçonneux, et parut irrité.

      A peine le facteur avait-il disparu, que la femme déjà signalée par les oisifs s'approcha de la grande porte de l'hôtel; n'y trouvant pas de marteau, elle se dirigea vers la petite porte du pavillon de gauche.

      Cette femme, assez âgée, semblait émue, agitée; elle portait un chapeau noir et un manteau brun, sous lequel elle semblait cacher quelque chose.

      Après avoir sonné à la petite porte, au lieu d'attendre qu'on vînt lui ouvrir, elle marcha de long en large, sans doute afin d'être moins remarquée.

      Le domestique du colonel parut, la femme âgée lui dit quelques mots à la hâte, lui donna un petit coffret d'écaille, incrusté d'or, et disparut après avoir fait un signe d'intelligence à une personne que les oisifs du café Lebœuf ne pouvaient encore apercevoir.

      Le domestique regarda un moment le coffret d'un air surpris, et referma sa porte.

      M. Godet, la veuve et leurs complices СКАЧАТЬ