Mathilde. Эжен Сю
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Название: Mathilde

Автор: Эжен Сю

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ n'ai pas besoin de vous dire, messieurs, qu'ayant courageusement voué ma vie à la découverte du ténébreux mystère qui, j'ose l'affirmer, importe à tous les honnêtes gens, il…

      Alors, ne dites pas, – fit observer sagement un auditeur.

      – Comment? – répondit M. Godet.

      – Sans doute, – répondit l'habitué, – vous vous écriez: Je n'ai pas besoin de vous dire!.. et puis vous dites tout de même… Alors…

      – C'est bon, mais c'est bon, – cria-t-on tout d'une voix. – Vous ne dites que des sottises, monsieur Dumont; continuez donc, monsieur Godet, continuez, nous vous écoutons de toutes nos forces.

      – Hier, donc, – reprit M. Godet, – à la nuit tombante, moi et Dieudonné, nous nous embusquâmes aux deux issues de la ruelle, bien décidés à pénétrer ce susdit ténébreux mystère. L'horloge de la paroisse sonna sept heures… rien; huit heures… rien; neuf heures… rien; dix heures… rien; onze heures… rien.

      – Quel dévouement! attendre si longtemps par le froid! – s'écria l'auditoire.

      – Comme vous auriez eu besoin d'un bon bol de vin chaud! – soupira madame Lebœuf.

      – Je ne m'étonnai pas! – reprit M. Godet d'un ton doctoral. – Non, eh bien, moi, messieurs, je ne m'étonnai pas de ce retard; je m'y attendais. Je m'étais dit: Godet, si quelque chose doit se passer, je dois te prévenir que cela se passera à minuit; c'est ordinairement l'heure criminelle de certaines entreprises… que… Mais n'anticipons pas. Minuit venait donc à peine de sonner, lorsque j'entends distinctement cric, crac, et on ouvre la serrure de la petite porte.

      – Ah! enfin!.. – dit l'auditoire.

      – Comme le cœur a dû vous battre, monsieur Godet!.. – reprit la limonadière. – Je me serais trouvée mal, moi.

      – La nature m'ayant donné la faculté du courage, que tout Français porte en soi, ma chère madame Lebœuf, je croisai bien ma redingote, et je me préparai à suivre notre homme; seulement je sentis une légère sueur froide qui me monta au front, ce que j'attribuai à l'effet de la température extérieure. J'entendis Robin des Bois… ou plutôt non. Il n'est plus même digne de ce surnom; il doit en porter un, cette fois bien mérité et cent fois plus terrible. Mais n'anticipons pas… J'entendis donc Robin des Bois venir de mon côté; il avait un pas singulier, effrayant, un pas que j'oserais presque appeler bourrelé de remords. Je suspends ma respiration; je m'efface le long de la muraille: il faisait si noir qu'il ne me voit pas. Il passe, et je commence à m'attacher à ses pas avec la ténacité du chien qui poursuit sa proie, si j'ose m'exprimer ainsi. Dieudonné, qui l'avait entendu se diriger de mon côté, accourt, et nous suivons notre homme ou plutôt notre… Mais n'anticipons pas… Nous marchons, nous marchons, nous marchons… Dieu! fallait-il qu'il fût bourrelé, ce malheureux-là! pour ne pas s'apercevoir que nous étions sur ses talons!

      – C'est à faire dresser les cheveux sur la tête, – dit la veuve, – quand je pense qu'il pouvait vous apercevoir!

      – Dans ce cas-là, madame, j'avais une réponse toute prête, une réponse que j'avais soigneusement élaborée dans la prévision d'un conflit.

      – Cette réponse?

      – Cette réponse était bien simple: la rue est à tout le monde, – répondit M. Godet d'un air héroïque.

      – Comment était-il vêtu? – demanda madame Lebœuf.

      – Il me parut vêtu d'un manteau noir et d'un grand chapeau. Enfin, après des détours sans nombre, nous arrivons… devinez où? Je vous le donne en cent, je vous le donne en mille, je vous le donne en dix mille…

      – Nous jetons notre langue aux chiens, – s'écrièrent comme un seul homme les habitués du café.

      – Monsieur Godet, ayez pitié de nous! – dit madame Lebœuf.

      Le rentier, après avoir joui un moment de l'impatience générale, dit enfin d'un ton sépulcral: – Nous arrivons… Ah! messieurs…

      – Mais dites donc!

      – Nous arrivons au cimetière du Père-Lachaise.

      – Au cimetière du Père-Lachaise!!! – répéta l'assemblée avec un accent d'horreur et d'effroi.

      Madame Lebœuf fut si troublée, qu'elle se versa un verre de rhum pour se remettre de son émotion.

      – Eh! que pouvait-il aller faire au cimetière à cette heure? Dieu du ciel! – s'écria la veuve après avoir bu.

      – Vous allez le voir, messieurs, vous n'allez que trop le voir. Nous arrivons à la porte du cimetière. Elle était fermée, bien entendu, ainsi que cela se doit dans le champ du repos, pour que rien n'y trouble la paix de la tombe de chacun. Alors notre homme, c'est-à-dire l'homme, car je repousse toute complicité, toute communauté avec un pareil monstre, l'homme, sans doute armé d'une fausse clef, d'un rossignol, d'un monseigneur ou autre hideux instrument analogue à ses pareils, l'homme, dis-je, ouvre la porte et la referme après lui.

      – Alors qu'avez-vous fait? – demanda madame Lebœuf.

      – Moi et Dieudonné, nous avons eu le courage d'attendre cet abominable sacrilége jusqu'à quatre heures du matin… pendant ce temps-là nul doute qu'il n'ait employé son temps à des profanations abominables, à l'imitation de ce fameux mélodrame appelé le Vampire.

      – Un Vampire! – s'écria madame Lebœuf.

      – Est-ce que vous croyez qu'il y a encore des vampires? Comment! le voisin d'en face serait un vampire? un vampire! ah!.. quelles horribles délices!

      – Dieu merci, ma chère madame Lebœuf, je ne suis pas assez superstitieux pour croire aux vampires exagérés que le mélodrame nous montre; mais je crois qu'on ne s'introduit pas la nuit dans des cimetières sans des motifs qui n'ont rien d'humain ni de naturel; ce qui m'engage, en attendant mieux, à nommer Robin des Bois le Vampire. Et à ce propos j'éprouve le besoin de déclarer hautement que celui qui ne respecte pas l'abri des tombeaux finit tôt ou tard par y descendre, car la Providence atteint toujours le coupable, – ajouta philosophiquement M. Godet.

      – Mais c'est tout simple, puisqu'on meurt tôt ou tard, – dit à demi-voix, l'impitoyable critique de M. Godet.

      Ce dernier lui lança un regard courroucé, et termina en ces termes:

      – Lorsque l'homme que je ne crains pas d'appeler un vampire quitta le cimetière du Père-Lachaise, nous nous remîmes à le suivre, d'abord parce que c'était notre route, et ensuite parce que, dans le cas d'une mauvaise rencontre, il vaut mieux être trois que deux. Enfin, le Vampire revint d'où il était parti et rentra par la ruelle dans ce que j'ose appeler à peine son domicile… et d'où il repartira sans doute cette nuit pour continuer son tissu d'horreurs ténébreuses.

      La narration de M. Godet ne satisfit pas complétement ses auditeurs.

      Cette visite au cimetière, jointe à la brillante apparition du colonel dans une magnifique voiture, servit de nouveau texte aux inépuisables commentaires des habitués du café Lebœuf, et irrita davantage encore la curiosité générale.

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