Mathilde. Эжен Сю
Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу Mathilde - Эжен Сю страница 27

Название: Mathilde

Автор: Эжен Сю

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

Серия:

isbn:

isbn:

СКАЧАТЬ d'aimer, de bénir ta cousine; grâce à elle, tu peux, par ton instruction, par tes talents, faire oublier que ta figure est aussi peu agréable que la sienne est ravissante.»

      Il n'y avait rien de plus perfide, de plus odieux, de plus dangereux, que ces blâmes et que ces louanges sur nos avantages ou sur nos désavantages physiques.

      Je n'ai jamais compris cette fausse modestie qui consiste à nier sa beauté; c'est un fait indépendant de soi. Si l'on est belle, l'avouer n'est pas s'enorgueillir, c'est dire vrai.

      Je conçois, au contraire, la plus scrupuleuse, la plus défiante réserve dans l'appréciation qu'on peut faire des talents ou des avantages acquis.

      Je crois donc qu'à seize ou dix-sept ans j'étais belle, non pas sans doute aussi belle que le prétendait mademoiselle de Maran; mais enfin je l'étais assez pour justifier quelque peu ses louanges, si elles n'eussent pas été si cruellement exagérées.

      Il en était ainsi des blâmes qu'elle prodiguait à ma cousine; sa taille était grande, mince, parfaitement droite; mais ce qui donnait une apparence de réalité aux méchancetés de ma tante, c'est qu'Ursule, comme toutes les jeunes personnes qui ont grandi très-vite, se tenait un peu voûtée. On voit quel art, quelle suite mademoiselle de Maran mettait dans ses perfidies.

      C'était le même système qu'elle avait employé depuis mon enfance. Sous un certain point de vue, elle disait vrai, et, de plus, l'arme était à deux tranchants.

      Ma tante voulait blesser douloureusement Ursule dans sa vanité, et exciter mon amour-propre jusqu'au ridicule.

      Si les idées les plus fausses, las mensonges les plus avérés, lorsqu'ils sont incessamment répétés, finissent par jeter et laisser des traces profondes dans notre esprit, que sera-ce lorsqu'il s'agira d'apparentes vérités?

      Ma cousine avait fini par se croire dénuée de tout charme, de tout agrément; si je l'assurais du contraire, elle considérait mes paroles comme dictées par un sentiment d'affectueuse pitié, et me répondait:

      «Mon Dieu, que tu es bonne de chercher à me consoler ainsi! Je ne m'abuse pas, mademoiselle de Maran a raison… tu es aussi belle que je suis laide; j'en ai pris mon parti.»

      Sans doute le langage de ma cousine était sincère. Rien alors ne pouvait me faire supposer que ma tante eût atteint son but, qu'elle eût fait germer d'amères jalousies dans ce cœur candide et pur…

      Mais, hélas! l'avenir prouvera si ce ne fut pas un crime… un grand crime à mademoiselle de Maran, qui avait sondé les replis les plus secrets, les plus sombres du cœur humain, d'avoir risqué seulement d'éveiller dans l'âme d'Ursule la plus effrayante, la plus atroce, la plus implacable des passions… l'envie.

      L'autre danger… celui d'exalter mon amour-propre outre mesure, était moins grave. En agissant ainsi, ma tante me rendait même un service à son insu.

      Elle me mit pour jamais en garde contre les flatteries exagérées.

      Ce qui rend les flatteries dangereuses, c'est l'habitude, c'est la conscience d'avoir été loué avec tendresse, avec tact, avec vérité.

      On se laisse alors aveuglément aller au charme de ces paroles bienveillantes; elles vous rappellent un passé rempli de confiance, d'amour et de sincérité.

      Quelle puissance irrésistible, enchanteresse, n'aurait pas une flatterie qui semblerait continuer les louanges d'une mère?

      Quand je parlais à Ursule de nos projets de petites filles, de ne jamais nous marier, projets auxquels je voulais demeurer fidèle, elle me disait en souriant tristement:

      – Cela est bon pour moi de rester vieille fille, je suis pauvre, sans agréments; mais toi, riche, belle, charmante, tu te marieras, tu seras heureuse. Seulement, tu me garderas une petite place dans ton cœur et dans ta maison, pour que je puisse à chaque instant assister à ton bonheur.

      Hélas! la fatalité se rit quelquefois bien amèrement de nos vœux et de nos prévisions!

      J'avais atteint ma dix-septième année. Nous n'étions, ma cousine et moi, presque jamais sorties de l'hôtel de Maran.

      Quelquefois nous allions aux Bouffes ou à l'Opéra avec M. d'Orbeval, mon tuteur; mais nous n'avions pas encore été présentées dans le monde.

      Très-rarement nous restions le soir dans le salon de ma tante. Elle voyait beaucoup plus d'hommes que de femmes, et la présence de deux jeunes filles est presque toujours une gêne pour la conversation.

      Mademoiselle de Maran, songeant sans doute à me marier, se résolut, à son grand regret, de me mener dans le monde au commencement de 1830.

      Elle nous fit part de cette résolution, à ma cousine et à moi, en ajoutant, selon son habitude, quelques choses désobligeantes pour Ursule. – «Ce n'est plus chez moi seulement que tu vas avoir à souffrir de la comparaison qu'on fera de toi et de Mathilde, – «lui dit-elle; – mais au grand jour… devant tout le monde… Arme-toi donc de courage, ma chère enfant… Ta première épreuve se fera bientôt. Demain matin je vous présenterai à madame l'ambassadrice d'Autriche, et mercredi je vous conduirai au grand bal qu'elle donne. Il est temps que vous entriez dans le monde. Je suis vieille, d'une mauvaise santé: je ne voudrais pas mourir sans voir ma chère nièce mariée… et surtout mariée comme je le désire…»

      CHAPITRE VI.

      L'ENTRÉE DANS LE MONDE

      Lorsque mademoiselle de Maran nous eut annoncé qu'elle nous conduirait au bal de l'ambassade d'Autriche, Ursule et moi nous fûmes très-inquiètes; cela était fort simple, car nous vivions presque dans la retraite.

      Rien de plus monotone, de plus régulier que nos habitudes.

      Le matin nous prenions nos leçons. Dans l'après-midi, selon la saison, nous allions nous promener soit à pied avec madame Blondeau, soit en voiture avec mademoiselle de Maran; puis nous rentrions, et, après nous être habillées, nous restions quelquefois dans le salon de ma tante à travailler jusqu'au dîner.

      Plusieurs de ses amis venaient la voir à cette heure. Ils étaient peu nombreux, et tous d'anciens compagnons d'émigration de mon père.

      Parmi eux, nous aimions beaucoup M. de Versac, l'un des grands officiers de la maison du roi.

      Malgré ses soixante-dix ans, on ne pouvait voir un vieillard d'un esprit plus gai, plus jeune, plus aimable. Il était d'une tournure encore très-élégante, montait à cheval à merveille, et ne manquait aucune des chasses du roi ou de monsieur le dauphin. Il avait toujours été pour moi d'une bonté parfaite, et, à ma grande joie, il avait souvent défendu Ursule en prenant très-gaiement son parti contre ma tante.

      M. de Versac était d'un caractère charmant, mais sans consistance; il avait passé sa vie à plaire, et il lui eût été impossible de ne pas dire une chose aimable, gracieuse ou flatteuse. Jamais il n'avait, je crois, prononcé un mot qui approchât de la critique.

      Je suis maintenant quelquefois tentée de croire que cette impitoyable bienveillance cachait, sinon un profond dédain, du moins une parfaite indifférence de tout et de tous. Mais si ce sentiment existait chez M. de Versac, il devenait difficile de le pénétrer à travers l'enveloppe d'urbanité et d'affabilité exquise dont il s'entourait. D'ailleurs je n'ai jamais pu me représenter M. de Versac ne souriant pas ou ne flattant pas: il avait les plus belles dents du monde, un sourire très-séduisant; peut-être СКАЧАТЬ