Mathilde. Эжен Сю
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Название: Mathilde

Автор: Эжен Сю

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ ma terreur était que ma cousine me crût capable de faire quelques rapports à ma tante, ou du moins d'être complice ou flattée des louanges qu'elle me donnait.

      Je résolus de me mettre en état d'hostilité envers mademoiselle de Maran, de l'irriter à tout prix contre moi, afin de bien prouver à Ursule que je n'étais pas traître, et que je voulais partager avec elle les gronderies de ma tante.

      Il s'agissait de frapper un grand coup; mon inapplication, mon refus de travail, loin d'indisposer ma tante contre moi, avaient attiré de cruels reproches à Ursule; il fallait donc me rendre autrement coupable.

      Je méditai longtemps ce beau projet; j'avais, me dit plus tard Blondeau, l'air grave, pensif et préoccupé. Je redoublai de tendresse à l'égard d'Ursule; mais je prenais toutes les précautions possibles pour qu'elle ne pût pas être accusée d'avoir connu mes desseins.

      Entre plusieurs fâcheux projets, j'avais songé d'abord à briser une magnifique coupe de porcelaine de Sèvres que le roi Louis XVIII avait donnée à ma tante et à laquelle elle tenait beaucoup.

      Cela ne me satisfit pas: on pouvait attribuer cet acte à une maladresse, à une imprudence. Il me fallait quelque chose de prémédité, quelque bonne méchanceté, bien franche, bien inexcusable:

      Alors je pensai bravement à mettre le feu aux rideaux du salon; mais les suites de cet incendie devenaient dangereuses pour Ursule et pour Blondeau, et d'ailleurs on pouvait encore attribuer tout au hasard.

      En machinant ces mauvais desseins, je n'avais pas le moindre scrupule, je croyais faire quelque chose de très-généreux, de très-héroïque, je sentais mon sang bouillonner dans mes veines, je croyais atteindre la sublimité du dévouement.

      Je roulais ces grandes pensées dans ma tête, lorsque la fatalité voulut que je jetasse les yeux sur Félix, le chien-loup de ma tante.

      J'avais à me venger de ce méchant animal, il m'avait souvent mordue. La veille encore il avait donné un coup de dent à Ursule; mais, je l'avoue, eût-il été le plus débonnaire des chiens, son plus grand crime à mes yeux, ou plutôt la raison qui me le fit choisir pour victime, était l'attachement extrême que lui portait mademoiselle de Maran.

      Je savais sa colère, lorsque seulement par hasard un de ses gens faisait pousser le moindre cri à Félix. Un moment j'eus la lâcheté de trembler en pensant au courroux de mademoiselle de Maran. Je la crus capable de me tuer si j'entreprenais quelque chose contre son chien. Mais mon amitié pour Ursule l'emporta. Je bravai toutes les conséquences de ma résolution.

      Je me trouvais seule dans le parloir de ma tante, Félix était couché dans sa niche de velours; je ne voyais que sa tête; je voulais lui faire du mal, mais je ne savais comment m'y prendre: il était très-méchant, très-défiant, et d'ailleurs un coup de pied n'eût suffi ni à ma vengeance ni à mes projets.

      Maintenant je ne puis m'empêcher de sourire en retraçant ces détails puérils; pourtant je ne me souviens pas d'avoir jamais ressenti une émotion aussi profonde, aussi saisissante que celle que je ressentais alors, lorsque je fus sur le point d'agir.

      Chose étrange! depuis, j'ai pris dans ma vie des résolutions bien graves, bien coupables même; mais, encore une fois, jamais je n'ai éprouvé la crainte, l'hésitation, le remords anticipé, si cela se peut dire, que j'éprouvai au moment de commettre une méchante espiéglerie d'enfant.

      J'avoue que ma vengeance contre Félix fut bien barbare; je n'étais pas cruelle par caractère; il fallait tout mon désir de réhabilitation auprès d'Ursule pour me décider à cette atrocité.

      J'eus l'abominable idée du mettre une pincette au feu; quand je la vis bien rouge, je la pris et je m'avançai intrépidement contre mon ennemi.

      Selon son habitude, il sortit de sa niche en aboyant pour se jeter sur moi; mais je le saisis si adroitement avec la pincette par une de ses oreilles pointues, qu'il poussa des hurlements affreux, et tomba sans avoir le courage ou la force de regagner sa niche. J'eus un moment de remords en voyant fumer l'oreille de ce malheureux animal et en entendant ses cris douloureux; mais, pensant au bonheur d'être maltraitée par ma tante aux yeux d'Ursule, j'étouffai ce mouvement de pitié.

      J'étais héroïquement restée debout, ma pincette à la main: ma victime se roulait à mes pieds.

      Mademoiselle de Maran accourut et entra tout effrayée.

      Son maître d'hôtel la suivait non moins inquiet.

      – Bon Dieu du ciel! qu'y a-t-il? – s'écria-t-elle en se précipitant sur Félix. – Qu'y a-t-il, mon pauvre loup?.. Puis, apercevant son oreille complétement brûlée, elle releva la tête et me dit en furie:

      – Petite stupide! vous ne pouviez pas veiller sur lui… et l'empêcher d'approcher du feu… Servien… Servien… vite, de l'eau fraiche… de la glace…

      Puis, les yeux égarés par la colère, les lèvres écumantes, ma tante, oubliant ses procédés habituels, me prit par les bras, me pinça jusqu'au sang, et s'écria: – Tu ne pouvais pas veiller sur lui, vilaine sotte, indigne créature!..

      Mademoiselle de Maran avait une si terrible figure elle avait l'air si méchant, que j'eus un moment d'indécision: je pouvais lui laisser croire que la brûlure de Félix était la suite d'une imprudence, mais je surmontai bien vite cette lâche faiblesse; m'échappant de ses mains, je lui montrai la pincette que je tenais encore, en lui disant avec un calme superbe et triomphant:

      – J'ai fait rougir cette pincette au feu, et je m'en suis servie pour brûler l'oreille de Félix.

      Je n'avais pas terminé ces mots, que je sentis sur ma joue les doigts osseux et secs de ma tante.

      Le soufflet fut si violent, que je faillis tomber à la renverse.

      Quoique ma douleur eût été violente, quoique la frayeur de ma tante fût grande, je ne songeai pour ainsi dire qu'à l'insulte; je devins pourpre de colère: sans trop savoir ce que je faisais, je lançai les pincettes de toutes mes forces contre mademoiselle de Maran.

      La fatalité me servit à souhait; les pincettes atteignirent la magnifique coupe de porcelaine de Sèvres: le royal présent fut brisé en morceaux.

      Ensuite de cette belle victoire de chien brûlé et de coupe cassée, insensible aux reproches, aux menaces de ma tante, je courus dans le parloir, enivrée d'orgueil, en criant de toutes mes forces: – Ursule!.. Ursule!.. viens donc voir!..

      Puis, ne pouvant sans doute résister à la violence des sentiments qui m'agitaient depuis quelques minutes, je perdis complétement connaissance…

      Que l'on juge de ma joie! En revenant à moi je me vis couchée dans mon lit, ma gouvernante était à mon chevet; ma cousine, à genoux, tenait mes mains dans les siennes.

      Je ne puis exprimer avec quel ravissement, avec quel orgueil, je me souvins de ma courageuse action. Toute ma peur était d'apprendre l'apaisement de la colère de ma tante.

      – Mon Dieu, ma pauvre enfant, – dit Blondeau, – vous qui êtes si bonne, comment avez-vous donc eu le cœur de faire tant de mal à ce chien? Il est méchant comme un démon… je le sais; mais, enfin, c'est toujours bien cruel à vous…

      – Et ma tante!.. ma tante!.. est-elle bien fâchée? – dis-je avec impatience.

      – Si elle est fâchée? Jésus, mon Dieu! – dit СКАЧАТЬ