Le notaire de Chantilly. Gozlan Léon
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Название: Le notaire de Chantilly

Автор: Gozlan Léon

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ style="font-size:15px;">      La petite guerre finit là. Léonide eut encore plus de finesse que son mari n'avait de peur. Elle ne poussa pas plus loin le succès, de crainte, en triomphant davantage, de paraître conquérir ce qu'elle tenait à mériter. La portée de son caractère, à défaut d'une longue expérience, lui avait appris que le droit conjugal, pour être maintenu, doit passer en habitude et n'être jamais une faveur ou une victoire.

      Cette scène entre Maurice et Léonide, et provoquée par celle-ci, n'avait été qu'un long prétexte de sa part pour obtenir une explication sur la visite dont Maurice lui avait fait un mystère.

      Mais si Léonide avait montré de la curiosité plus qu'elle n'en avait envie sur un incident bien léger, Maurice, de son côté, avait défendu son silence avec une raideur de principes un peu exagérée pour la circonstance. C'est qu'en réalité, ils étaient entraînés par des motifs plus graves, celui-ci à se taire, celle-là à interroger. Une comédie s'était jouée derrière le rideau. Ils s'étaient attaqués avec le trouble de la mêlée, de peur de s'avouer, en précisant leur rôle dans le combat, la cause qui les mettait en présence. Il est temps enfin de le dire: leur ménage avait sa plaie secrète comme presque tous les ménages: la leur veut un instant de commentaires.

      Par suite d'arrangements de famille, Léonide avait été élevée à Beauvais chez une de ses tantes. La fille unique de cette tante, à peu près de l'âge de Léonide, partageait avec elle les caresses les plus tendres et les avantages d'une bonne éducation. Excellente femme, la mère d'Hortense se fût reproché comme une injustice la moindre faveur accordée à l'une dont l'autre n'eût pas joui. Pour elle, Hortense et Léonide étaient ses deux enfants. Dans le monde, elles s'appelaient cousines; mais, dans l'intimité, se dédommageant de ce titre qu'elles trouvaient trop réservé, elles échangeaient le doux nom de sœur. A l'âge où les âmes encore sans sexe sont sans rivalité, il était naturel que les deux cousines s'accordassent parfaitement dans leurs goûts. Jusqu'au terme de cet âge, rien de ce qui composait le bonheur de l'une n'avait été interdit à l'autre; bonheur il est vrai, dont il était facile de faire deux parts: celui de porter des robes de la même étoffe, et d'où résultait celui plus vif encore d'être prises l'une pour l'autre, à cause de la ressemblance.

      Cette affection jumelle se prolongea jusqu'à dix-sept ans, bien qu'avant même cette époque, Hortense et Léonide n'eussent déjà plus aucune trace de conformité dans le caractère. Hortense était restée une femme petite, mais gracieuse avec embonpoint; mesurée dans ses mouvements pleins de rondeur; formée pour les jeunes gens de vingt ans; charmante enfant pour ceux de trente; ni brune ni blonde, ou plutôt brune le matin, en peignoir, quand ses cheveux tombaient en masse, et blonde le soir, quand, bien nattés, bien tirés à cent épingles, ils s'appliquaient plus rares à ses tempes; d'humeur égale, prisant un point de broderie bien au-dessus de la lecture la plus passionnée. L'adolescence venue, Léonide osa se dire qu'elle s'ennuyait aux jouissances tranquilles d'Hortense; ensuite elle la plaignit d'être si froide, et enfin elle se débarrassa d'une confidente si complétement dépourvue d'imagination. Bientôt arriva, pour les deux cousines, le moment où les jeunes filles, fatiguées de poursuivre l'idéal à travers les livres et les rêveries, se heurtent à la réalité; heure de désenchantement qui ne manque jamais de sonner. Hortense fut aimée la première. Un jeune homme de Beauvais, – c'était Maurice lui-même, – reçu depuis plusieurs mois dans la famille des deux cousines, et cachant, sous des dehors posés, de riches qualités d'âme, fut agréé d'abord comme ami de la maison. N'ayant pas encore arrêté ses projets d'avenir, il ne déclara pas tout de suite ses intentions à la mère d'Hortense: il aima mieux lui en laisser pressentir le but honorable que de les lui révéler sous des restrictions sans fin. Un de ses amis seulement, – Jules Lefort, négociant en laines à Compiègne, – eut son aveu formel d'épouser Hortense dès qu'il aurait réalisé quelques héritages de famille destinés à l'achat d'une étude d'avoué. Jules Lefort l'encouragea à ce mariage, regrettant beaucoup de son côté de n'avoir pas à consulter ses lumières sur une semblable résolution. Car Jules Lefort, ainsi que Maurice, adoptait de bonne heure la marche méthodique de la vie, et se soumettait à son niveau; il croyait plus sage de l'accepter à l'âge des fortes résolutions que de la contrarier pour la reprendre plus tard avec le désavantage du regret, de la vieillesse et du dépit. Les deux amis envisageaient le but de l'existence sans illusion: quelques années à vivre, des enfants pour continuer leurs noms, une fortune à gagner pour la leur laisser, et puis le repos dans un bon fauteuil ou dans la tombe. Les plus habiles, après s'être bien retournés, pensaient-ils, arrivent là: ils y arriveraient sans secousse et de plein gré: n'étaient-ils pas les plus raisonnables?

      Dans sa correspondance avec Jules Lefort, Maurice se plaisait à détailler minutieusement les qualités distinctes des deux cousines; et les éloges qu'il en écrivait étaient confirmés par chacune des réponses de l'ami, qui louait sur parole. Il passa bientôt en habitude chez les deux amis de ne plus s'entretenir que de Léonide et d'Hortense, auxquelles les lettres et les réponses étaient communiquées. Au bout de six mois, Jules Lefort de Compiègne était de la famille: on n'avait plus que son visage à connaître, ce qu'on ne désirait pas le moins; Léonide surtout, qui poussait le roman par lettres jusqu'à croire que Jules serait infailliblement son mari. Elle fondait cette espérance sur la chaleur qu'il mettait à parler d'elle dans sa correspondance avec Maurice. Jules, qui n'était pas romanesque, justifiait peut-être la pensée de Léonide.

      Sur ces entrefaites, mourut l'oncle d'Hortense, riche corroyeur de Compiègne, très-connu de Lefort qui n'avait jamais cessé d'être en relation d'affaires avec lui. Sa mort arrêta le vaste mouvement de sa tannerie. Cette suspension, trop prolongée, pouvait ruiner l'établissement entier; pour prévenir un tel malheur, la sœur du défunt, la mère d'Hortense, fut obligée, sous peine de perdre un magnifique héritage, de faire choix dans sa famille d'une personne attentive à ses intérêts et capable en même temps de continuer les affaires jusqu'à leur liquidation. Ce fut Hortense qu'elle désigna. Elle partit pour Compiègne, chargeant Léonide, sa confidente et sa cousine, de réviser les lettres de Maurice, qui, de son côté, donna à Jules Lefort la mission délicate de lui marquer la place qu'il occuperait dans la fidélité d'Hortense mise à l'épreuve de l'éloignement.

      L'épreuve fut singulière. Rapprochés pour un règlement d'intérêts communs à dresser, Jules et Hortense s'occupèrent plus d'eux-mêmes que des absents; très-positifs tous deux, ils s'estimèrent d'abord sous le rapport commercial, et ils finirent par se persuader, sans songer à mal, qu'ils feraient une excellente maison en continuant celle du défunt, ou plutôt en en fondant une nouvelle.

      Jules Lefort était moins coupable qu'on ne se l'imagine en s'installant dans le cœur d'une femme dont son ami était en possession. Maurice, quelque précision qu'il eût apportée dans ses lettres à distinguer une cousine de l'autre, n'avait pu si bien faire, que les qualités dont il s'était plu à parer Léonide répondissent exactement à sa figure et fussent justifiées de telle sorte que toute méprise fût impossible. Par l'interversion la plus bizarre et pourtant la moins surnaturelle, Jules Lefort ne sépara pas du visage d'Hortense, lorsqu'il la vit pour la première fois, les attraits qu'accordaient à Léonide les lettres de Maurice. Il vit tout à la fois la femme aimante, comme Maurice lui avait peint Léonide, dans la femme bonne, la femme d'esprit dans la femme d'ordre, et quand Hortense essaya de le détromper, sans y tenir beaucoup, il était trop tard: Jules se contenta de son erreur.

      «Je serais heureux avec elle, si tu y consens, écrivit Jules Lefort à Maurice; d'ailleurs, je crois que ton refus arriverait un peu tard.»

      «Sois heureux avec elle,» répondit Maurice, qui, ayant deux ans d'attente devant lui avant d'être en mesure d'acheter une charge d'avoué, eût craint d'empêcher Hortense de contracter un mariage d'où son bonheur dépendait, et devenu, s'il avait bien compris Jules Lefort, une espèce de réparation.

      Celle qui fut inconsolable, ce fut Léonide: le mari que prenait Hortense était celui qu'elle perdait. Sa jalousie était СКАЧАТЬ