Chronique de 1831 à 1862. T. 1. Dorothée Dino
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Название: Chronique de 1831 à 1862. T. 1

Автор: Dorothée Dino

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ tout le Château avec moi.

      Tout est vraiment beau, très beau; et si l'escalier, qui est riche et élégant, avait un peu plus de largeur, ce serait parfait. Cette promenade nous a conduits du pavillon de Flore au pavillon de Marsan. Le Roi m'a demandé, alors, si je voulais faire une visite à son fils; j'ai dit, comme de raison, que je suivrais le Roi partout. Nous avons trouvé Mgr le duc d'Orléans jouant au whist avec M. de Talleyrand; les amis de celui-ci avaient été réunis au dîner par le Prince.

      L'appartement du Prince royal est trop bien arrangé pour être celui d'un homme. C'est le seul reproche qu'on puisse lui faire, car, du reste, il est plein de belles choses trouvées dans le garde-meuble de la Couronne, où la Révolution avait relégué les beaux meubles de Louis XIV. La Restauration n'avait pas songé à les en tirer; M. le duc d'Orléans en a placé une grande partie dans son appartement. C'est fort curieux; j'ai été bien souvent aux Tuileries sans me douter des choses intéressantes qui s'y trouvaient réunies; ainsi, j'ai vu, cette fois-ci, dans le cabinet du Roi, parmi des choses que je ne connaissais pas, un portrait de Louis XIV enfant, sous les traits de l'Amour endormi, et celui de la reine Anne d'Autriche peinte en Minerve, et aussi des boiseries emblématiques du temps de Catherine de Médicis, qui a fait construire les Tuileries.

      Le Roi est un admirable cicerone de ses châteaux: je me suis émerveillée tout le temps qu'on pût si bien connaître les traditions de sa famille, en être aussi fier, et… enfin!

      Je pars après-demain pour Londres.

      1834

      Londres, 27 janvier 1834.– Sir Henry Halford vient de me raconter que le feu roi George IV, dont il était le premier médecin, lui ayant demandé, sur l'honneur, deux jours avant sa mort, si son état était désespéré, et sir Henry, avec une figure très significative, lui ayant répondu qu'il était dans un état très grave, le Roi le remercia par un signe de tête, demanda à communier, et le fit très religieusement; il engagea même sir Henry à prendre part au sacrement. Lady Coningham était dans la chambre à côté. Ainsi, aucun des intérêts humains ne fut banni de la chambre de ce Roi moribond, charlatan, et communiant.

      Londres, 7 février 1834.– J'étais hier soir chez lady Holland, qui, en finissant je ne sais quelle histoire qu'elle me contait, m'a dit: «Ce n'est pas lady Keith (Mme de Flahaut) qui me mande cela, car il y a plus de deux mois qu'elle ne m'a écrit.» Puis, elle ajouta: «Saviez-vous qu'elle détestait le ministère français actuel? – Mais, Madame,» ai-je répondu, «c'est vous qui avez appris il y a dix-huit mois à M. de Talleyrand, tout le mal qu'elle disait ici du Cabinet français, au moment de son origine. – C'est vrai, je m'en souviens; mais il faut néanmoins que ce Cabinet dure. Lord Granville écrit à lord Holland que nous ne devons pas croire tout ce que lady Keith nous mandera de la mauvaise position de M. de Broglie, puisqu'elle est très hostile pour celui-ci et désireuse de sa chute.» Je n'ai rien répliqué et cela en est resté là. Et puis, parlez-moi des amitiés du monde!

      Au reste, voici un assez drôle de mot qu'on écrit, de Paris, sur M. et Mme de Flahaut: on prétend que leur faveur n'est plus aussi grande aux Tuileries, où on dit que «lui, est une vieille coquette et, elle, un vieux intrigant.»

      Warwick Castle 15 , 10 février 1834.– J'ai quitté Londres avant-hier, et suis venue ce jour-là jusqu'à Stony-Stratfort, où je n'engage personne à jamais coucher: les lits y sont mauvais, même pour l'Angleterre; j'ai réellement cru m'étendre sur une couchette de trappiste. J'en suis repartie hier matin, par un brouillard bien froid, bien épais. Il n'y avait pas moyen de juger le pays, qui à travers quelques éclaircies, cependant, m'a semblé plutôt agréable; surtout à Iston Hall, beau lieu qui appartient à lord Porchester. On passe devant une superbe grille d'où on plonge dans un parc immense, par delà lequel on découvre un vallon qui m'a semblé joli. Leamington16, à deux lieues d'ici, est bien bâti et gai.

      Quant à Warwick même, où je suis arrivée hier dans la matinée, on y pénètre par une entrée de château-fort: il offre l'aspect le plus austère, la cour la plus sombre, le Hall le plus vaste, les meubles les plus gothiques, la tenue la plus soignée qu'on puisse imaginer, tout cela dans le genre féodal. Une rivière impétueuse et considérable baigne le pied de vieilles tours crénelées, noires, hautes et imposantes; elle fait un bruit monotone auquel répond celui d'arbres entiers, qui éclatent en brûlant dans des cheminées de géants. Des souches énormes sont empilées sur des tréteaux dans le Hall; il faut deux hommes pour les prendre et les jeter dans l'âtre; ces tréteaux sont établis sur des dalles de marbre poli.

      Je n'ai encore jeté qu'un rapide coup d'œil sur les vitraux de couleur des grandes et larges croisées qui répondent aux cheminées, sur les armures, les bois de cerf et les autres curiosités du Hall, sur les beaux portraits de famille des trois grands salons. Je ne connais bien encore que ma chambre, toute meublée de Boule, de noyer ciselé et pleine de conforts modernes à travers toutes ces vieilles grandeurs!

      Le boudoir de lady Warwick est aussi rempli de curiosités. Elle est venue me prendre, hier, dans ma chambre, et après m'avoir montré ce boudoir, elle m'a menée dans le petit salon où j'ai trouvé le fils de son premier mariage, lord Monson, petite figure d'homme ou plutôt d'enfant, timide et silencieux, par embarras de sa petite taille et de sa faiblesse de corps; puis lady Monson, contraste frappant de son mari, grande et blonde Anglaise, raide, osseuse, avec de longs traits, de larges mains, une large poitrine plate, un air de vieille fille, des mouvements anguleux, tout d'une pièce, mais polie et attentive; ensuite lady Eastnor, sœur de lady Stuart de Rothesay, laide comme on l'est dans sa famille, et bien élevée, comme le sont aussi toutes les filles de lady Hardwick; lord Eastnor, grand chasseur, grand mangeur, grand buveur; son frère, un révérend, qui, je crois, ne s'était pas rasé depuis Noël et qui n'a ouvert la bouche que pour manger; lord Brooke, fils de la maison, du second mariage, âgé de quinze ans, d'une très jolie figure; son précepteur, silencieux et humble comme de raison; et, enfin the striking figure de lady Caroline Neeld, sœur des Ashley et fille de lord Shaftesbury. Elle est célèbre par un procès contre son mari, dont les journaux retentissaient l'année dernière; elle est l'amie de lady Warwick, protégée, recueillie, défendue par elle. C'est une personne bruyante, hardie, mal disante, avec des façons familières et un ton risqué; elle a une jolie taille, de la blancheur, de beaux cheveux blonds, ni cils ni sourcils, une figure longue et étroite, rien dans les yeux, un nez et une bouche qui font penser à ce que Mme de Sévigné disait de Mme de Sforze, qui était un perroquet mangeant une cerise.

      Lord Warwick, retenu dans sa chambre par un rhumatisme goutteux, ne semblait faire faute à personne.

      La maîtresse de la maison est la moins convenable possible pour le lieu qu'elle habite. Elle a été jolie, sans être belle; elle est naturellement spirituelle, sans rien d'acquis. Elle ne sait pas même un mot de la tradition de son château; elle a un tour d'esprit drôle et nullement posé, ses habitudes de corps sont nonchalantes, et cette petite femme, grasse, paresseuse, oisive, ne paraît nullement appelée à gouverner et à remplir cette vaste, sérieuse et presque formidable demeure. D'ailleurs, tout le monde me semble pygmée dans ce lieu-ci et il faudrait des gens plus grands que nature, tels qu'étaient les faiseurs de Rois17 pour la remplir: notre génération est trop mesquine dans ses proportions pour de tels lieux.

      La salle à manger est belle, mais moins grandiose que le reste. En sortant de table, très longtemps avant les hommes, on nous a conduites dans le grand salon, qui est placé entre un petit et un moyen. Dans ce grand salon sont des Van Dyck superbes; une boiserie tout entière en bois de cèdre dans sa couleur naturelle, l'odeur en est assez forte et agréable; le meuble est en damas velouté où le gros rouge domine; force meubles de Boule vraiment magnifiques, quelques marbres rapportés d'Italie; deux СКАЧАТЬ



<p>15</p>

Antique manoir, jadis une forteresse imprenable.

<p>16</p>

Leamington est un petit endroit de bains, situé sur le Leam, dans le comté de Warwick. Il doit toute sa renommée à des sources minérales et ferrugineuses, découvertes en 1797.

<p>17</p>

Voir à l'index biographique: WARWICK (Guy, comte DE)