Chronique de 1831 à 1862. T. 1. Dorothée Dino
Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу Chronique de 1831 à 1862. T. 1 - Dorothée Dino страница 11

Название: Chronique de 1831 à 1862. T. 1

Автор: Dorothée Dino

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

Серия:

isbn:

isbn:

СКАЧАТЬ et bienveillante, ses manières le sont aussi; elle parle fort bien plusieurs langues et on assure que son éducation est très soignée; sa mère et la baronne Lehzen, une Allemande, s'occupent l'une et l'autre de la Princesse; la duchesse de Northumberland ne remplit ses fonctions de gouvernante qu'aux grandes occasions d'apparat. J'ai entendu reprocher à la duchesse de Kent de trop entourer sa fille d'Allemands et qu'il en résulte qu'elle n'a pas un bon accent anglais.

      Londres, 6 mai 1834.– J'ai dîné hier chez lord Sefton. Il revenait de la Chambre des Pairs, où lord Londonderry avait renouvelé la même attaque qu'il a déjà soulevée, il y a quelques années, accusant, à propos de la politique extérieure, le ministère anglais d'être mené et abusé par l'esprit rusé de M. de Talleyrand, this wily politician. Il ne varie ni dans son opinion, ni même dans ses expressions, car ce sont les mêmes que celles dont il se servait il y a trois ans. Il fut alors fortement relevé par le duc de Wellington, qui, quoique du même parti que lui, prit occasion des paroles désobligeantes de lord Londonderry pour rendre le témoignage le plus honorable à M. de Talleyrand. Il paraît que lord Grey en a fait autant hier; c'est plus simple, puisqu'il défendait sa propre cause; néanmoins, je lui en sais bon gré, quoique je n'assimile pas son procédé à celui du duc de Wellington.

      J'ai accompagné lady Sefton à l'opéra d'Othello. C'était, autrefois, mon opéra favori, il m'a fait moins d'impression hier: Rubini, plein d'expression et de grâce dans son chant, manque de cette force vibrante qui rendait Garcia incomparable dans le rôle d'Othello. L'orchestre était trop maigre, les morceaux d'ensemble n'étaient pas assez enlevés; Mlle Grisi a bien joué, bien chanté; je l'ai trouvée supérieure à Mme Malibran, mais ce n'est point encore cette sublime simplicité et cette grandeur de Mme Pasta! Il y a de plus belles voix, de plus belles femmes, mais la Muse tragique, c'est toujours Pasta: personne ne la détrônera dans mon admiration ni dans mon souvenir. Lorsqu'elle débuta à Paris, Talma, qui vivait alors, fut transporté de ses accents, de ses poses, de ses gestes, il s'écria: «Cette femme a deviné dès le premier jour ce que je cherche depuis trente ans.»

      Londres, 8 mai 1834.– J'ai déjà parlé du bon procédé du duc de Wellington, en répondant il y a trois ans à lord Londonderry, qui attaquait M. de Talleyrand; il l'a complété avant-hier en montrant ouvertement par des hear, hear multipliés, combien il partageait la haute opinion que lord Grey a exprimée de M. de Talleyrand. Plusieurs personnes ont saisi, avec un obligeant empressement, cette occasion de témoigner leurs bons sentiments pour M. de Talleyrand. Le prince de Lieven et le prince Esterhazy ont, tous deux, hier, au Lever du Roi, remercié lord Grey de la justice rendue à leur collègue vétéran.

      M. de Rigny a écrit, confidentiellement, à M. de Talleyrand, que le mariage de la princesse Marie d'Orléans avec le second frère du Roi de Naples était décidé, qu'on allait s'occuper de dresser le contrat avec le prince Butera, qui venait d'arriver à Paris. L'Amiral a l'air de croire que quelques discussions d'intérêt retarderaient la conclusion de cette affaire; j'en serais fâchée, car les princesses d'Orléans, tout agréables, bien élevées, grandes dames et riches qu'elles sont, n'en restent pas moins difficiles à marier. Il y a, autour d'elles, un petit reflet d'usurpation, dont quelques familles princières reculent à prendre leur part d'alliance. Il est singulier que le Roi Louis-Philippe, qui a, pour ses enfants, l'espèce de tendresse que l'on est convenu d'appeler bourgeoise, se montre si difficile à couvrir par de riches dots, auxquelles les Princesses, ses filles, ont droit, la gêne de leur position. La princesse Marie sera bien mieux établie en Italie, qu'elle n'aurait pu l'être partout ailleurs; elle a beaucoup d'imagination, de vivacité, peu de maintien, et, malgré une éducation qui a dû assurer ses principes, elle a une facilité de conversation et de manières, qui pourrait faire douter de leur solidité, quoique sans le moindre fondement.

      Nous avons réalisé, aujourd'hui, un projet formé depuis plus d'un an, celui de visiter Eltham, une grange qui servait jadis de salle de banquets aux Rois d'Angleterre. Depuis Henri III jusqu'à Cromwell, ils ont souvent habité le palais dont cette salle faisait partie; elle est dans de belles proportions, mais il n'est plus guère possible de juger de ses ornements: quelques pans de muraille et les fossés plantés maintenant et arrosés par un joli ruisseau, un pont gothique fort pittoresque et couvert de lierre indiquent l'étendue qu'avait autrefois ce royal manoir.

      Nous avons dîné hier chez la duchesse de Kent: l'odeur très forte des fleurs dont on avait encombré son appartement, qui est bas et petit, le rendait malsain sans l'égayer.

      Tout, d'ailleurs, dans ce dîner destiné à réunir la famille royale, quelques grands du pays et le haut Corps diplomatique, était aussi raide que sombre. Le peu de bienveillance des Princes entre eux, le mécontentement du Roi contre la duchesse de Kent, l'absence du duc de Cumberland que sa belle-sœur n'avait pas prié, pour la très bonne raison qu'à son retour de Berlin, il a négligé de venir chez elle, enfin, jusqu'à la disposition des fauteuils, qui rendait toute conversation impossible; la longueur, la chaleur, le malaise visible de la maîtresse de la maison, qui ne manque pas de politesse, mais qui a un certain air emprunté, pédant et gauche, tout a rendu ce dîner fatigant. Le duc de Somerset est le seul qui ait pris le bon parti, celui de s'endormir derrière un pilastre durant tout l'après-dîner.

      Il y avait un besoin général de blâmer qui se faisait jour sans trop de déguisement. La Reine se plaignait de la chaleur, et, au dessert, a dit à la duchesse de Kent, que si elle ne mangeait plus, ce serait une grande charité de quitter la table. Le Roi disait à ses voisins, que le dîner était à l'entreprise, et prétendait ne pouvoir comprendre un seul mot de ce que le duc Ferdinand de Saxe-Cobourg lui disait. Ce Prince, frère de la duchesse de Kent, est laid, gauche, embarrassé; il n'a pas grand succès ici, fort peu surtout du Roi, auquel il n'a montré aucun empressement d'être présenté; celui-ci, à son tour, l'a fait attendre fort longtemps avant de le recevoir, ce qui a mis la duchesse de Kent de fort mauvaise humeur.

      Mme de Lieven me faisait remarquer l'espèce de familiarité de langage et de manières d'Esterhazy avec la famille royale, dont elle se montrait fort scandalisée; la raison de parenté, que j'ai alléguée, lui a semblé une très mauvaise explication. Il y a toujours une rivalité de position entre eux, qui était, surtout, très sensible, dit-on, sous le feu Roi. La princesse de Lieven, à force de coquetteries et de soins pour lady Hertford, et ensuite pour lady Conyngham, et grâce à sa maigreur, qui rassurait l'embonpoint des favorites, fut introduite par elles dans l'intimité du Roi; elle établissait, par là, une certaine balance avec les Esterhazy, que leur bonne humeur, leur grande position et leur parenté avec la famille royale rapprochaient, naturellement, davantage de la Cour.

      On remarquait l'absence de lord Palmerston, qui aurait dû faire partie de ce dîner auquel assistaient les ambassadeurs. On prétend qu'il est dans les fortes déplaisances de la duchesse de Kent, qui, lorsqu'il lui fait la révérence, dans les «Drawing-rooms», ne lui adresse jamais la parole. On s'étonnait aussi de n'y pas voir le ministre de Saxe, ministre de famille pour la Reine, pour la duchesse de Kent elle-même, et notamment aussi pour le duc Ferdinand de Saxe-Cobourg, que, d'office, il accompagne partout. La duchesse de Gloucester ne pouvait s'empêcher de terminer une phrase doucereuse et apologétique par la charitable remarque de la gaucherie innée de la duchesse de Kent; et la princesse de Lieven risquait de rappeler que George IV, lorsqu'il parlait de sa belle-sœur, la nommait la gouvernante suisse.

      Quelque tort qu'on trouve à la duchesse de Kent, on ne saurait lui refuser le mérite de beaucoup de prudence dans sa conduite politique. Appelée, comme elle le sera sans doute, à la Régence, ce point n'est pas indifférent. Il n'y a personne qui sache de quel parti ses opinions politiques la rapprochent; elle les invite et les confond chez elle, et maintient parfaitement l'équilibre. Son obstination dans sa conduite envers les Fitzclarence est d'un petit esprit: elle se met, pour l'expliquer, sur un terrain de pruderie assez ridicule; je sais, que, pour répondre aux observations que lord Grey lui faisait à ce sujet, elle lui dit assez sottement: «Mais, my lord, comment voulez-vous que j'expose ma fille à entendre parler de bâtards, et à m'en demander СКАЧАТЬ