Chronique de 1831 à 1862. T. 1. Dorothée Dino
Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу Chronique de 1831 à 1862. T. 1 - Dorothée Dino страница 5

Название: Chronique de 1831 à 1862. T. 1

Автор: Dorothée Dino

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

Серия:

isbn:

isbn:

СКАЧАТЬ combien d'intrigues ne va-t-il pas tomber!

      Du reste, l'état de choses actuel, que tout le monde condamne, doit nécessairement changer, au moins ministériellement; car le tollé contre le ministère est général et l'effroi se propage. La Vendée cependant touche à sa fin et on croit la duchesse de Berry sauvée: ce serait un point essentiel. Mais l'état du Cabinet est pitoyable; sa marche saccadée, hésitante, des gaucheries sans nombre, tout assure sa dissolution. On attend M. de Talleyrand pour frapper les grands coups: pauvre homme!

      La vraie difficulté est dans le caractère du chef suprême. Que tout ceci est laid! Sébastiani s'en va chaque jour davantage; il m'a fait pitié hier; il se rend compte de son état et il en est profondément malheureux. Je vais ce soir avec lui à Saint-Cloud et je tremble qu'il ne tombe mort à côté de moi dans la voiture.

      Wessenberg m'écrit de Londres que le ministère y est triste, inquiet, embarrassé de son triomphe et redoutant une chute prochaine. Je vois qu'en Angleterre on est inquiet de l'état de l'Allemagne: le Corps diplomatique se plaint ici du double jeu de Sébastiani à propos de ce qui se passe sur le Rhin. Bref, personne n'est content, personne n'est tranquille; c'est une singulière époque!..

      Paris, 6 septembre 1832.– On écrit à M. de Talleyrand que les coquetteries qu'on avait faites à Pétersbourg avaient pour objet de détacher l'Angleterre de notre alliance; qu'on avait été jusqu'à proposer de remettre Anvers aux Anglais. Tout cela n'a pas pris, et la froideur a succédé aux gentillesses. Toutes les difficultés de la Conférence viennent maintenant de Bruxelles, où le mariage a exalté toutes les têtes et où ils se croient en état de forcer la main à la France10.

      Paris, 21 septembre 1832.– Il paraît que M. de Montrond est en espérance de Pondichéry et fort désireux d'y aller. Les amis de Sébastiani le disent entièrement rétabli depuis Bourbonne et naviguant avec adresse au milieu des écueils que rencontre sa route ministérielle.

      Le Roi des Pays-Bas fait le méchant, celui des Belges n'est pas plus doux. La Conférence se fatigue, et a, dit-on, grand besoin de M. de Talleyrand pour reprendre son ensemble.

      On dit tous les Cabinets fort ébouriffés de ce qui se passe entre l'Égypte et la Porte ottomane. Chacun recule, plus ou moins, devant les résultats prochains du Nord, du Midi, du Couchant et du Levant, car partout il en faut prévoir, sans que personne ait le courage d'y mettre la main.

      Paris, 23 septembre 1832.– Voilà l'horizon qui se rembrunit de toutes parts: aux singuliers événements d'Orient, à l'état précaire de l'Allemagne et de l'Italie, au désaccord qui règne dans le Cabinet français, à l'approche des Chambres françaises et à celle du Parlement, aux complications portugaises, à l'obstination toujours croissante de la Hollande, voici qu'il faut joindre le coup de foudre de la mort de Ferdinand VII; guerre de succession et, par conséquent, guerre civile, entre les partisans de don Carlos et ceux de la petite Infante; peut-être intervention de l'Espagne en Portugal, et, par conséquent, apparition de la France et de l'Angleterre dans la Péninsule.

      D'un autre côté, changement de ministère à Bruxelles, et départs, si précipités, du duc d'Orléans, du maréchal Gérard et de M. Le Hon pour la Belgique. Ne sommes-nous pas, plus que jamais, dans le grabuge?

      M. de Talleyrand reçoit force lettres, tant de Paris que de Londres, pour presser son départ.

      Paris, 27 septembre 1832.– Quelle mystification que cette résurrection de Ferdinand VII11! Au fait, c'est très heureux, car assurément les complications ne manquent point, et une de moins, c'est quelque chose!

      1833

      Valençay 12 , 12 octobre 1833.– M. Royer-Collard a passé une partie de la matinée ici: original et piquant, grave et animé tout à la fois, fort affectueux pour moi et aimable pour M. de Talleyrand. Le temps actuel, qu'il ne fronde cependant pas publiquement, lui déplaît au fond et il en médit dans sa solitude.

      Une lettre de Vienne de M. de Saint-Aulaire dit ceci: «Mes vacances d'été, que je viens de passer à Baden, n'ont pas été troublées par les réunions de Téplitz et de Münchengraetz13, parce qu'on ne m'a rien donné à faire et que, pour ma part, je ne concevais aucune inquiétude. Voici M. de Metternich qui revient à Vienne, il faudra régler nos comptes, et mes vacances vont finir. – Les mesures qu'on juge à propos de prendre pour l'Allemagne seront apparemment très incisives; s'il n'en était pas ainsi, la tentative serait niaise. La France restera-t-elle spectatrice inerte? Oui, si l'on m'en croit; du moins tant que quelque Prince directement intéressé n'appellera pas au secours pour le maintien de son indépendance. Le Roi de Hanovre serait un bon chef de file; s'il ne veut pas se porter en avant, je ne compte guère sur le prince Lichtenstein. Je sais qu'on croit en Angleterre que M. de Metternich s'est moqué de nous et qu'il était de moitié avec la Russie pour le traité de Constantinople du 8 juillet dernier: je persiste à soutenir qu'il était dupe et non complice, et je voudrais qu'on ne s'y trompât pas, moins pour l'honneur de mon amour-propre que parce que la partie me semble différente à jouer, suivant que la bonne intelligence sera réelle ou apparente entre l'Autriche et la Russie. Frédéric Lamb m'a conté hier, en détail, la campagne du duc de Leuchtenberg en Belgique, dont je savais quelque chose par les bruits de ville; pas un mot par le ministère, car on a la mauvaise habitude de nous tenir toujours les plus mal informés, entre les diplomates de tous les pays.»

      Valençay, 23 octobre 1833.– La duchesse de Montmorency est toute fraîche sur Prague, à cause de ce que sa fille aînée lui en a conté. C'est Charles X qui a été mener ses deux petits-enfants à leur mère, à Leoben, précisément pour empêcher Mme la duchesse de Berry d'aller à Prague; il paraît que, de Leoben, elle retournera en Italie. M. le Dauphin et Mme la Dauphine n'ont pas voulu être du voyage14.

      On dit Charles X extrêmement cassé, Mme la Dauphine vieillie, maigrie, nerveuse, pleurant sur tout et toujours. Certes, quelque force d'âme qu'elle puisse avoir, ses infortunes ont été d'un genre à briser le cœur le plus haut et l'esprit le plus mâle: c'est, incontestablement, la personne la plus poursuivie par le sort que l'histoire puisse offrir.

      M. de Blacas est le grand directeur de toute cette petite cour, et le plus opposé à ce que Mme la duchesse de Berry s'y établisse.

      J'ai vu une lettre de M. Thiers, qui dit à propos de son mariage: «Mon grand moment approche; je suis agité, comme il convient, et j'aime ma jeune femme, plus qu'il ne convient, à mon âge; j'ai donc bien fait d'en finir à 35 ans plutôt qu'à 40, car j'en aurais été plus ridicule. Au surplus, peu m'importe; je sais mettre de côté les fausses hontes. Mais une chose m'est insupportable, c'est de livrer des êtres qui me sont chers aux indignités et à la malice du monde. Pour moi, je suis aguerri, mais je ne m'aguerrirai jamais et j'aurais cependant grand besoin de m'aguerrir pour les gens que j'aime. Il faut bien que le monde aille son train; il serait bien sot de vouloir qu'une si grosse machine changeât, pour soi, son éternelle marche.»

      Je désire sincèrement que sa philosophie ne soit pas mise à de trop rudes épreuves, mais, comme dit le proverbe: «On est puni par où on a péché.»

      Valençay, 3 novembre 1833.– Je ne suis pas peu surprise que le duc de Broglie n'ait pas écrit une seule fois à M. de Talleyrand; il m'a écrit trois fois sur des affaires privées, annonçant chaque fois une lettre pour M. de Talleyrand et cette lettre n'est jamais venue.

      Mme Adélaïde a écrit deux fois, très bien, avec des désirs exprimés de voir M. de Talleyrand retourner à Londres, СКАЧАТЬ



<p>10</p>

Léopold Ier, élu Roi des Belges en 1831, avait épousé, en 1832, Louise, princesse d'Orléans, fille de Louis-Philippe, Roi des Français.

<p>11</p>

En 1832, le Roi Ferdinand VII tomba si gravement malade, qu'on le crut mort. Calomarde se réunit alors aux partisans pour faire signer au moribond un décret mettant à néant la déclaration de 1830, par laquelle le Roi abolissait la loi salique en Espagne.

<p>12</p>

Valençay, où la duchesse de Dino venait de se transporter, est situé dans le département de l'Indre. Le château et le parc en sont magnifiques, avec de belles eaux. Le château fut bâti au seizième siècle par la famille d'Étampes, d'après les dessins de Philibert Delorme. Il servit de prison d'État de 1808 à 1814 pour Ferdinand VII et les Infants d'Espagne, par ordre de Napoléon Ier. Le prince de Talleyrand, qui s'en était rendu propriétaire à la fin du dix-huitième siècle, aimait ce séjour et l'habita beaucoup.

<p>13</p>

Les trois grandes puissances alliées, l'Autriche, la Prusse et la Russie, se réunirent plusieurs années de suite, soit à Téplitz, soit à Münchengraetz, pour y délibérer ensemble sur la situation de l'Europe. Elles y tombèrent d'accord pour se garantir, par un nouveau pacte secret, leurs possessions respectives en Pologne, soit contre une agression venant du dehors, soit contre un mouvement révolutionnaire intérieur. Elles s'y occupèrent également des affaires de France et d'Italie, du travail continuel des sectes et des réfugiés italiens sur le sol français, qui inspiraient alors de grandes inquiétudes au sujet de la tranquillité de la Péninsule. On finit par y décider que les Cabinets d'Autriche, de Prusse et de Russie enverraient chacun une note séparée au gouvernement du Roi Louis-Philippe, pour l'engager à surveiller avec plus d'attention les menées révolutionnaires.

<p>14</p>

Louis-Antoine, duc d'Angoulême (1773-1844) fils aîné du Roi Charles X, avait épousé en 1799, durant l'émigration, sa cousine Marie-Thérèse-Charlotte, fille du Roi Louis XVI et de la Reine Marie-Antoinette, dont il n'eut pas d'enfant. Après 1830, le duc d'Angoulême céda ses droits à son neveu, le duc de Bordeaux (comte de Chambord), et vécut en simple particulier.