Œuvres complètes de lord Byron, Tome 6. George Gordon Byron
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СКАЧАТЬ jours. Les uns tombent victimes des plaisirs, – les autres de l'étude; – ceux-ci usés par le travail, – ceux-là par le dégoût; – à d'autres la maladie ou la folie: – et il en est encore dont le cœur se dessèche ou se brise, car c'est là une maladie, sous quelque forme, sous quelque nom qu'elle se décide, qui enlève plus d'hommes qu'il n'y en a d'inscrits sur les listes du Destin. Regarde-moi! car j'ai éprouvé de tous ces maux, dont un seul aurait suffi; et ne t'émerveille plus désormais que je sois ce que je suis, mais bien que j'aie pu exister, et que j'habite encore cette terre.

L'ABBÉ DE SAINT-MAURICE

      Un mot, un mot de plus-

MANFRED

      Vieillard! je respecte ton caractère sacré, et révère tes vieux ans; pieuse est ton intention, mais elle sera vaine pour moi. Ma raison n'est pas facile à séduire; aussi pour t'épargner, plus qu'à moi, la perte d'un plus long entretien, – je te laisse. – Adieu.

(Manfred sort.)L'ABBÉ DE SAINT-MAURICE

      C'eût été une noble créature. Quelle énergie! Quel glorieux assemblage de puissans élémens, s'ils eussent été combinés avec sagesse! Mais tel qu'il est, c'est un effrayant chaos, – des lumières et des ténèbres, – l'esprit et la matière, – les passions et la pure intelligence, tout cela se confondant et se combattant sans cesse, en repos ou dans une action destructrice. Il périra; et encore ne doit-il pas périr. Je veux faire une nouvelle tentative, car de telles ames sont dignes de rédemption. Mon devoir m'ordonne de ne rien négliger pour parvenir à un but aussi saint. Je le suivrai, – mais avec prudence, quoique ne le perdant pas de vue.

(L'abbé sort.)

      SCÈNE II

(Autre chambre.)MANFRED et HERMANHERMAN

      Monseigneur, vous m'avez dit de vous attendre au coucher du soleil; voilà qu'il se plonge derrière la montagne.

MANFRED

      Vraiment? Je le veux regarder.

(Manfred s'approche de la fenêtre.)

      Sphère glorieuse! Idole des premiers hommes; idole de cette race vigoureuse de géans4, – nés des embrassemens des anges et d'un sexe qui les surpassait en beauté, et qui fit à jamais déchoir les esprits errans dans l'espace. – Glorieuse sphère! Oui, tu fus adorée avant que n'ait été révélé le mystère de ton créateur! Toi, premier ministre du Tout-Puissant, qui, sur le sommet de leurs montagnes, réjouissais les cœurs des bergers chaldéens, et recevais leurs prières! Toi, dieu matériel, reflet de l'Inconnu, qui t'a engendré pour être son ombre ici bas! Toi, la plus noble planète, centre de plusieurs autres planètes! C'est toi qui prolonges la durée de notre terre, qui vivifies les corps et les ames de ceux qu'échauffe la douce chaleur de tes rayons! Roi des saisons! Roi des climats et des créatures vivantes! De loin ou de près, nous recevons une teinte de ta splendeur, soit en nous, soit hors de nous. Que tu surgisses au matin, que tu brilles sur nos têtes, que tu te replonges dans l'océan, c'est toujours dans l'éclat de ta gloire! Adieu! Je ne dois plus te revoir. Mon premier regard d'amour et d'admiration fut pour toi; reçois donc mon dernier regard. Tu ne brilleras plus sur celui pour qui l'existence et ta chaleur ont été un don empoisonné. Il est parti: je le suivrai.

(Manfred sort.)

      SCÈNE III

(Les montagnes. – Le château de Manfred à quelque distance. – Une terrasse devant une tour. – Crépuscule.)HERMAN, MANFRED, et autres domestiques de ManfredHERMAN

      Étrange, en vérité! Chaque nuit, depuis nombre d'années, il poursuit ses longues veilles dans cette tour, sans souffrir la présence d'un seul témoin. J'y suis entré; quelques-uns des nôtres y sont entrés plusieurs fois, et nous n'en sommes pas plus avancés sur la nature d'études auxquelles on dit qu'il se livre. Sois sûr qu'il y a là-dedans une autre chambre où personne n'a jamais été admis. Pour ma part, je donnerais de bon cœur mes trois années de gages pour voir clair à tous ces mystères.

MANUEL

      Ne t'y hasarde point, crois-moi; qu'il te suffise de ce que tu sais déjà.

HERMAN

      Ah! Manuel! tu es vieux, toi, tu es habile, et tu pourrais nous en apprendre beaucoup. Voilà long-tems que tu habites ce château. – Combien donc d'années déjà?

MANUEL

      J'y étais avant la naissance du comte Manfred. J'ai servi son père, auquel il ne ressemble guère.

HERMAN

      C'est ce qui arrive à plus d'un fils. En quoi différaient-ils donc?

MANUEL

      Je ne parle pas pour les traits et l'extérieur, mais pour l'esprit et le genre de vie qu'il menait. Le comte Sigismond était fier; – mais d'un caractère franc et joyeux: – bon guerrier et homme de plaisir. Celui-là ne s'enterrait pas dans les livres et dans la solitude, passant la nuit dans de sombres veilles; pour lui, la nuit était un tems de fête, plus gai, ma foi, que le jour. On ne le voyait pas errer à travers les bois et les rochers comme un loup sauvage, ni fuir les hommes et leurs plaisirs.

HERMAN

      Maudit soit le tems où nous sommes! Mais celui-là, sur mon ame, était joyeux. Je voudrais qu'il vînt de rechef visiter ces vieilles murailles, qui semblent n'en avoir plus gardé le moindre souvenir!

MANUEL

      Oh! elles changeront de maître auparavant. En vérité, Herman, j'ai vu d'étranges choses ici.

HERMAN

      Allons, ne sois plus si réservé. Pendant que nous faisons notre garde, raconte-moi quelque histoire. Je t'ai déjà entendu parler avec mystère d'un événement qui arriva ici même, près de la tour.

MANUEL

      C'était une nuit, par Dieu! Je me le rappelle parfaitement, à la tombée de la nuit, et tout juste un soir comme celui-ci: – ce nuage rouge que tu vois arrêté sur la cime de l'Eigher, y était aussi; – tellement qu'il me semble que ce soit le même. Le vent, bien qu'assez faible, annonçait un orage, et les neiges de la montagne commençaient à briller à la lueur de la lune levante. Le comte Manfred était enfermé dans sa tour, comme il y est en ce moment, et occupé, – ma foi, nous n'en savons rien. Mais il avait alors avec lui la seule compagne de ses courses et de ses veilles, la seule des créatures vivantes qu'il parût aimer, – à laquelle, du reste, il était attaché par les liens du sang: – lady Astarté, sa-silence! qui vient ici?

(Entre l'abbé de Saint-Maurice.)L'ABBÉ DE SAINT-MAURICE

      Où est votre maître?

HERMAN

      Là, dans la tour.

L'ABBÉ DE SAINT-MAURICE

      J'ai à lui parler.

MANUEL

      Impossible; il veut être seul, et personne n'entrera.

L'ABBÉ DE SAINT-MAURICE

      Je prends tout le mal sur moi, s'il y a mal. – Il faut absolument que je le voie.

HERMAN

      Tu l'as déjà vu ce soir.

L'ABBÉ DE SAINT-MAURICE

      Herman, je te l'ordonne; frappe, et dis au comte que je suis ici.

HERMAN

      Nous n'oserons jamais.

L'ABBÉ DE SAINT-MAURICE

      En ce cas, je vais donc m'annoncer moi-même.

MANUEL

      Révérend père, arrête. – Au nom du ciel, attends un moment.

L'ABBÉ DE SAINT-MAURICE

      Qu'as-tu donc?

MANUEL

      Sortons. – СКАЧАТЬ



<p>4</p>

De cette race vigoureuse de géans, nés des embrassemens des anges. «Les fils de Dieu virent les filles des hommes et les trouvèrent belles.»

«Il y avait, en ces jours-là, des géans sur la terre; et par la suite, quand les fils de Dieu se furent rapprochés des filles des hommes, et que celles-ci eurent eu des enfans d'eux, ces mêmes enfans devinrent des hommes puissans, des hommes qui jouirent autrefois d'un grand renom.»

(Genèse, chap. vi, versets 2 et 4.)