Œuvres complètes de lord Byron, Tome 6. George Gordon Byron
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СКАЧАТЬ sommet du mont Jungfrau.)Entre LA PREMIÈRE DESTINÉE

      La lune se lève, large, ronde, éclatante. Ici, sur les neiges que n'a jamais foulées le pied d'un vulgaire mortel, nous marchons de nuit, sans laisser la moindre trace de nos pas; sur cette mer sauvage, sur l'océan resplendissant des montagnes glacées, nous effleurons les brisans raboteux qui semblent l'écume des flots agités par la tempête, que le froid aurait subitement saisie, – image morte de l'abîme des eaux. Ce pinacle fantastique, – ouvrage de quelque tremblement de terre, – où s'arrêtent les nuages pour se reposer des fatigues de leur course, a été consacré à nos ébats, à nos veilles; c'est ici que je dois attendre mes soeurs, pour nous acheminer ensemble vers le palais d'Arimane, car, cette nuit, se célébrera notre grande fête. – Chose étrange qu'elles n'arrivent point!

UNE VOIX, au dehors, chantant

      L'usurpateur captif, jeté en bas du trône, languissait enseveli dans la torpeur, oublié et solitaire. J'ai secoué son sommeil, brisé sa chaîne, je lui ai rendu ses troupes, et voilà encore une fois le tyran debout. Le sang d'un million d'hommes, la ruine d'une nation seront le prix de mes peines-puis sa fuite, et de rechef le désespoir!

SECONDE VOIX, au dehors

      Le vaisseau volait, le vaisseau volait vite; mais je n'ai pas laissé une voile, je n'ai pas laissé un mât. Il ne reste plus une planche de ses flancs ou du pont, pas un pauvre diable pour pleurer sur le naufrage. Si! – il en est un que j'ai sauvé, le prenant aux cheveux pendant qu'il nageait, et celui-là était digne de ma pitié, – un traître à terre, un pirate sur mer. – Il acquittera sa dette par de nouveaux crimes.

LA PREMIÈRE DESTINÉE, répondant

      La cité reposait, plongée dans le sommeil; au matin, elle s'est éveillée pour pleurer sur elle-même. Soudainement, sans bruit, la noire peste avait passé sur ses tours. Des milliers d'hommes ont péri, des milliers périront. – Le vivant fuit l'approche du malade qu'il chérissait; mais il fuit en vain: rien ne le sauvera de l'atteinte mortelle. La tristesse, les angoisses, le mal, la terreur enveloppent toute une population. – Heureux sont les morts qui échappent à cette scène de désolation! Et cette œuvre d'une nuit-cette ruine d'un royaume-ce travail de mes mains, combien de fois, dans les siècles, ne l'ai-je pas renouvelé! combien ne le renouvellerai-je pas encore!

(Entrent la seconde et la troisième Destinée.)LES TROIS DESTINÉES

      Nos mains tiennent enfermés les cœurs des hommes, et leurs tombeaux sont nos marche-pieds. Ces esclaves ne reçoivent de nous le souffle de l'ame que pour nous le rendre aussitôt.

LA PREMIÈRE DESTINÉE

      Bien-venues! – Où est Némésis?

LA SECONDE DESTINÉE

      Occupée à quelque grand travail; mais j'ignore lequel, car moi-même j'ai les mains pleines.

LA TROISIÈME DESTINÉE

      Vois; elle vient.

(Entre Némésis.)LA PREMIÈRE DESTINÉE

      Dis, où as-tu été? Mes sœurs et toi, vous arrivez tard, cette nuit-ci.

NÉMÉSIS

      Relever des trônes abattus; marier entre eux des insensés; rétablir des dynasties; venger des hommes de leurs ennemis, puis les faire repentir de leur vengeance; frapper les sages de folie: tel vient d'être mon travail. J'ai tiré de la poussière les nouveaux oracles qui doivent aujourd'hui régir le monde, car les anciens avaient passé de mode, et les mortels osaient déjà les peser à leur propre valeur, mettre les rois dans la balance et parler de liberté, ce fruit à jamais défendu… Partons! l'heure est sonnée… montons sur nos nuages. (Elles sortent.)

      SCÈNE IV

(Palais d'Arimane. – Arimane, entouré des Esprits, est assis sur un globe de feu qui lui sert de trône.)HYMNE DES ESPRITS

      Salut à notre maître! – Prince de la terre et de l'air! – qui marche sur les nues et sur les eaux, – qui tient dans sa main le sceptre des élémens, et les fait, à sa volonté, rentrer dans le chaos! Il souffle-et la tempête bouleverse la mer; il parle-et la nue répond à sa voix par le tonnerre; il regarde, – à son regard, s'enfuient les rayons du soleil; il se meut, – un tremblement remue la terre jusque dans ses fondemens. Sous ses pas jaillissent les volcans; son ombre projette la peste; les comètes annoncent sa marche à travers les cieux enflammés, et sa colère réduit en cendres les planètes; c'est à lui que la guerre offre chaque jour son holocauste, la mort son tribut. Il est la vie, avec toutes ses agonies; il est l'ame de tout ce qui respire.

(Entrent les Destinées et Némésis.)PREMIÈRE DESTINÉE

      Gloire à Arimane! son pouvoir s'accroît de plus en plus sur la terre. – Mes deux sœurs ont exécuté ses ordres; et moi aussi, j'ai rempli mon devoir.

SECONDE DESTINÉE

      Gloire à Arimane! Nous qui courbons la tête des hommes, nous venons nous courber devant son trône!

TROISIÈME DESTINÉE

      Gloire à Arimane! nous n'attendons qu'un clin-d'œil pour obéir.

NÉMÉSIS

      Souverain des souverains! nous sommes à toi, et tous les êtres mortels, plus ou moins, sont à nous. Étendre notre puissance, c'est étendre la tienne, et nos soins, nos veilles y sont incessamment consacrés. Tes derniers commandemens ont été remplis en tout point.

(Entre Manfred.)UN ESPRIT

      Qui se montre ici? Un mortel! – Toi, fatale et hardie créature, prosterne-toi et adore!

SECOND ESPRIT

      Je connais ce mortel. – Un magicien puissant, possesseur d'une science redoutée.

TROISIÈME ESPRIT

      Prosterne-toi et adore, esclave! Quoi, ne connais-tu pas ton maître et le nôtre? – Tremble et obéis!

TOUS LES ESPRITS

      Humilie-toi, humilie ta damnée matière, enfant de la Terre! ou crains notre courroux.

MANFRED

      Je sais tout; et encore voyez-vous que je ne fléchis pas le genou.

QUATRIÈME ESPRIT

      On saura t'y contraindre.

MANFRED

      Ai-je donc besoin de vos leçons? – Que de nuits là-bas, couché sur le sable aride, je me suis prosterné la face contre terre, et j'ai couvert ma tête de cendres, comprenant toute l'étendue de mon humiliation, m'abaissant devant mon inutile désespoir, et fléchissant sous ma propre misère!

CINQUIÈME ESPRIT

      Seras-tu si hardi que de refuser à Arimane, assis sur son trône, ce que lui accorde l'univers entier qui ne l'a jamais contemplé dans la terreur de son éclat? A genoux! te dis-je.

MANFRED

      Commandez-lui d'abord de s'agenouiller devant l'être qui est au-dessus de lui, devant l'Infini Éternel, – le Créateur qui ne l'avait pas fait pour être adoré: – qu'il se prosterne, et nous nous prosternerons ensemble.

LES ESPRITS

      Faut-il écraser ce ver de terre? le déchirer en morceaux?

PREMIÈRE DESTINÉE

      Hors d'ici! Retirez-vous! cet homme m'appartient. Prince des pouvoirs invisibles! cet homme ne sort pas d'une race vulgaire; son aspect et sa présence en ces lieux le démontrent assez. Ses tourmens ont été de même nature que les nôtres, éternels. Ses connaissances, sa force et sa puissance, autant que le comporte l'argile qui recouvre l'essence éthérée, se sont élevées plus haut que tout ce que la matière a encore produit. Dévoré d'une soif de science que ressentirent rarement d'autres mortels, il apprit à connaître ce que nous connaissons ici-que le savoir СКАЧАТЬ