Название: Œuvres complètes de lord Byron, Tome 6
Автор: George Gordon Byron
Издательство: Public Domain
Жанр: Зарубежная классика
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Seigneur, l'abbé de Saint-Maurice demande à vous être présenté.
Paix au comte Manfred!
Merci, saint père! sois le bien-venu dans ces murs; ta présence les honore et répand sa bénédiction sur ceux qui les habitent.
Comte, plaise au ciel qu'il en soit ainsi! mais je voudrais conférer seul avec toi.
Sors, Herman. Que me veut mon respectable hôte?
Je parlerai sans détour. – Mon âge, mon zèle, l'habit que je porte et mes bonnes intentions m'en donnent le privilège. Nous sommes proches voisins, comte Manfred, et quoique nous nous fréquentions peu, j'ai cru, en cette qualité, pouvoir me présenter ici. D'étranges rumeurs, outrageantes à notre sainte fois, se mêlent à ton nom; à ce noble nom illustré depuis tant de siècles. Puisse celui qui le porte le transmettre dans toute sa pureté.
Poursuis, – j'écoute.
On rapporte que tu te livres à l'étude des mystères qui ont été interdits aux recherches de l'homme. On rapporte aussi que tu communiques avec les habitans des sombres retraites, avec ces esprits malins et déchus, qui marchent dans la vallée couverte des ombres de la mort. Je n'ignore pas que tu échanges rarement tes idées avec les autres hommes, comme toi créés par Dieu, et que tu vis dans l'isolement, comme un anachorète. – Plût au ciel que ta solitude fût aussi sainte.
Et qui sont ceux qui parlent de la sorte?
Tous nos frères-les paysans épouvantés-tes propres vassaux, eux-mêmes, qui ne te regardent que d'un œil inquiet. Ta vie est en danger.
Qu'ils la prennent donc!
Je suis venu pour te sauver, et non pour aider à ta perte. – Je ne chercherai même point à pénétrer dans le secret de ton ame. Mais s'il y a quelque vérité dans ce qu'ils disent, fais pénitence, il en est tems encore. Implore la divine miséricorde. Viens te réconcilier avec la véritable Église, et l'Église te réconciliera avec le ciel.
J'entends; mais voici ma réponse: Ce que je fus, ce que je suis, reste un mystère entre le ciel et moi. – Je ne choisirai point un mortel pour médiateur. Ai-je manqué à vos décrets? Prouvez-le, et qu'on me punisse.
Mon fils, je ne t'ai point parlé de peines, mais de repentir et de pardon. – Je laisse la pénitence à ton choix. – Pour le pardon, nos institutions saintes et une foi robuste nous ont donné le pouvoir de détourner les hommes du sentier du vice, et de les ramener à des sentimens meilleurs, à des espérances élevées; le reste appartient au ciel: «Toute vengeance est dans mes mains,» a dit le Seigneur. Et c'est en toute humilité que son serviteur répète un mot terrible.
Vieillard! il n'est aucune puissance chez vos prêtres, aucun charme dans la prière, ni dans les diverses formes de purification auxquelles nous soumet la pénitence, ni dans l'humilité, ni dans le jeûne, ni dans les souffrances corporelles, ni, ce qui est plus puissant que tout cela, dans ces tortures intimes d'un profond désespoir, remords sans la crainte de l'enfer et capable à lui seul de faire un enfer du paradis; non, il n'est rien qui puisse arracher à un esprit, jeté hors de ses limites, la conscience de ses propres fautes, la conscience de ses maux, de ses supplices et de cette vengeance qu'il exerce sur lui-même. Ne me parle pas des tourmens éternels; ils n'égaleront pas la justice que s'inflige celui qui a pu lui-même se condamner.
Bien, mon fils. Mais tes souffrances se dissiperont, et il leur succédera une douce espérance qui te fera envisager avec calme et certitude le séjour sacré, ouvert à tous les hommes qui l'ont désormais pris pour but, quelque grandes qu'aient été leurs erreurs sur cette terre. Mais aussi, faut-il qu'ils sentent la nécessité de s'en faire absoudre. – Continue. – Tout ce que notre Église peut apprendre te sera enseigné, tous les péchés que nous pourrons remettre te seront remis.
Mourant de sa propre main, pour éviter les tourmens d'une mort publique que lui préparait un sénat jadis son esclave, le sixième empereur de Rome vit s'approcher de lui un soldat qui, pour témoigner sa pitié, voulait officieusement étancher, avec sa robe, le sang qui coulait de la gorge du malheureux prince. Celui-ci le repoussa, et lui dit-il conservait encore de l'empire dans son regard mourant-: «Il est trop tard; – est-ce là ta fidélité?»
Eh bien?
Eh bien! je répondrai avec le Romain-: «Il est trop tard.»
Il ne saurait jamais l'être pour te réconcilier avec ton ame, et ton ame avec le ciel. N'as-tu aucune espérance? Chose étrange en vérité-que ceux qui désespèrent d'en haut se créent ici bas quelque vaine illusion, et qu'ils s'accrochent à cette frêle branche comme les hommes qui se noient.
Oui-mon père! j'ai eu de ces illusions terrestres. Dès ma jeunesse, je ressentais la noble ambition d'agir sur l'esprit de mes semblables, envieux d'éclairer les peuples, et de m'élever-je ne sus jamais où-peut-être pour retomber bientôt; mais tomber comme la cataracte de la montagne, qui, précipitée de sa plus grande hauteur, fait jaillir des colonnes humides qu'elle élève jusqu'au ciel en nuages pluvieux, et descend ensuite dans l'abîme où elle séjourne, fatiguée de sa première énergie. – Mais ce tems est passé, ma pensée s'était méprise.
Et pourquoi cela?
Ma nature n'a pu s'apprivoiser; car il faut qu'il apprenne à servir, celui qui veut gouverner, – qu'il flatte, – qu'il supplie, – qu'il épie les occasions et se glisse en tous lieux; il lui faut être un mensonge vivant pour devenir quelque chose de grand parmi les faibles et les chétifs dont se compose la masse des hommes. J'ai dédaigné de me mêler à un troupeau, fût-ce pour être à la tête-même d'une troupe de loups. Le lion vit seul, ainsi suis-je.
Qui t'empêchait de vivre et d'agir comme les autres hommes?
Parce que ma nature était ennemie de la vie et pourtant n'étais-je pas né cruel. J'aurais voulu tomber au milieu de la désolation, et non l'engendrer moi-même. – Semblable au simoun solitaire, dont le souffle enflammé passe sur les déserts stériles, où ne croissent ni plantes ni arbustes, et qui se joue sur leurs sables arides et sauvages: il ne cherche pas qui ne vient pas le chercher; mais sa rencontre est mortelle. Tel a été le cours de mon existence; tout ce qui se trouva sur mon chemin a été balayé.
Hélas! je commence à craindre que mes prières et mes paroles ne soient vaines. Si jeune encore! et pourtant je voudrais-
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